La vie à deux de Dorothy Parker est un recueil de nouvelles à la fois acerbes et tendres sur l’incommunicabilité entre les couples ou encore la petite comédie sociale mâtinée de « bonnes manières » pour mieux dissimuler ses mauvaises intention… Cette fine plume des années 30, qui avait fait inscrire sur sa tombe, au dessus des cendres « Sorry for the dust » (!) (désolée pour la poussière en VF), incarne l’émancipation sexuelle et le désespoir élégant typiquement new-yorkais.
Qu’il s’agisse de cette épouse au foyer étouffée et étouffante qui s’échine « à imprimer une personnalité à son living-room en ajoutant des petits riens » ou à trouver des sujets de discussion avec son époux : « De quoi pouvaient bien parler les gens mariés quand ils étaient seuls ensemble ? » s’interroge t’elle…(nouvelle « Quel dommage ! »), de cette amoureuse, tremblante à côté du téléphone, frôlant l’hystérie en attendant l’appel de celui qui ne l’appellera pas : « Les hommes n’aiment pas qu’on leur disent qu’ils nous ont fait pleurer. Ils n’aiment pas qu’on leur dise qu’on est malheureux à cause d’eux. (…) Au fond ils vous prennent en grippe chaque fois que vous leur dites quelque chose que vous pensez vraiment. », analyse lucidement la malheureuse (nouvelle « Le coup de téléphone ») ou encore de cette ex-reine de beauté qui erre dans l’existence, d’homme en homme, comme un chiot cherchant une famille qui voudrait bien l’adopter…et qui finira par ne trouver comme refuges que ceux procurés par l’ivresse d’un verre de whisky sans glace (nouvelle « La grande blonde » pour laquelle Parker obtint le prix O’Henry en 1929, la plus haute récompense américaine).
Des héroïnes qui traversent l’existence en essayant de se convaincre que « la vie est merveilleuse mon chou »… entre deux verres de scotch et gardent l’espoir que « tout ira mieux demain ».
A travers leurs misérables destins, Dorothy Parker dépeint avec une cruauté (non dénuée d’une certaine compassion) la puérilité, la frivolité, la mesquinerie des jeunes filles ou encore la frustration et l’entêtement d’épouses invivables flanquées de maris lâches, hypocrites ou égoïstes… Pas de bonheur conjugal ni de happy end chez Dorothy Parker.
Avec un sens de la mise en scène et du détail qui tue, Dorothy Parker angle ses récits avec une précision chirurgicale pour mieux appuyer sur les zones douloureuses sans jamais se départir de son ton faussement candide et bienveillant.
Dans son recueil « Mauvaise journée demain », elle brosse le portrait des beautiful people et de la jeunesse dorée de l’époque, sous une lumière crue ne leur pardonnant aucun défaut… Et révéle toute leur vacuité habitée par le seul souci du paraître. Cela vous rappelle quelque chose ?
En 1944 son préfacier Brendan Gillé écrivait : « Comme tant de personnes qui ont perdu leur mère en bas âge, elle possède et cultive l’imagination du malheur. Son don pour que les choses finissent mal confine au génie. »
En 2006, ces personnages et scènes de la vie du début du XXe siècle américain sonnent-ils toujours aussi justes ? Il semble en effet qu’ils n’aient pas pris une ride ! N’ayant rien à envier à la modernité des héroïnes de Candace Bushnell (Sex and the city), des « Desperates housewives » ou même d’un Johnatan Franzen !
Et l’on sirote ces « short stories » comme autant de cocktails au goût de pathétique et de dérision…
Pour en savoir plus :
Un film sur la vie de Dorothy Parker – Mrs Parker et le cercle vicieux- a été tournée en 1994, par Alan Rudolph, avec dans le rôle titre Jennifer Jason Leigh:
Résumé : Dans les années 20, New York fut le théâtre d’une intense activité littéraire, artistique et intellectuelle. L’une des figures les plus célèbre de cette brillante société fut Dorothy Parker, jeune journaliste freelance, poête, nouvelliste et critique de théâtre influente et redoutée.
1 Commentaire
bonjour! je me suis permise de reprendre votre texte ds notre blog. Malheureusement, je ne sais qui créditer. J’ai evidemment cité la source mais ca m’ennuie de ne pas citer l’auteur.
Merci infiniment et j’espere que ca ne vous derange pas. Si c’est le cas, faites le moi savoir, je retire.
Réponse Buzz littéraire : Ok merci de l’avoir signalé et du lien. L’article ayant été écrit à plusieurs mains, comme de nombreuses chroniques du site, il n’y a personne à créditer en particulier si ce n’est Buzz littéraire comme vous l’avez fait, c’est très bien. Faisons circuler le bouche-à-oreille sur Dorothy Parker, une auteur à faire connaître en effet !