Il a quel goût le nouveau Nicolas Rey ? Un goût moite, brûlant, un goût de perdition dangereuse, d’eau trouble salée et de sensualité. Pour son cinquième et très attendu roman « Vallauris plage », l’écrivain a tenu sa promesse : s’échapper de l’autofiction de trentenaires pour livrer un roman noir mêlant le sang aux passions destructrices… Pour autant, il ne décevra pas les fidèles de la première heure qui retrouveront avec plaisir son talent délicat et subtil pour décrire les bas-fonds du désir, les impasses sentimentales et la quête d’absolu…
L’auteur nous confiait récemment « Le soleil je connais. Les polars moins… Alors j’en ai relu beaucoup comme Nécropolis d’Herbert Lieberman, par exemple, qui m’a beaucoup inspiré* ».
Rappelons également que son premier roman Treize minutes mettait déjà en scène un meurtre.
En effet, Vallauris Plage est annoncé comme « un polar » mais ici pas d’enquête policière ni de « whudonit ». Et le meutre final est plus un prétexte pour tisser les passions dangereuses d’hommes en sursis, envers un même et unique obscur objet du désir : Arianne Backer.
Héroïne au charme ensorcelant et au prénom qui évoque irrémédiablement Belle du seigneur, un des romans culte de l’auteur, mais qui ressemble plus à la « Femme fatale » de de Palma croisée à une Holly Golighty de Breakfast at Tiffany’s .
Séductrice redoutable, charnelle, imprévisible et en même temps fragile, ingénue et enfantine… Plus qu’un physique, elle est une attitude. « Une fille de seconde catégorie », se remémore le narrateur Franck Bastide, du fond de sa geôle. « On n’arrivait jamais à regarder vraiment Arianne Backer. On la perdait toujours de vue. On s’était à peine habitué à son allure qu’elle se transformait en quelqu’un d’autre. » Peut-être l’idéal féminin après lequel court l’écrivain de roman en roman, lui qui craint plus que tout la monotonie et l’habitude ?
L’idéal féminin après lequel courent en tout cas Franck Bastide, le narrateur chef de rang dépressif à la rage de dent symptomatique, Crawford un major fort en gueule, ancien colonnel dans l’armée des Indes, Paul Fillacci un médecin marié et amant maudit d’Arianne, Manuel un emploi-jeune de la SNCF reconverti en plagiste. Hantés par leurs démons respectifs, leurs paternités ratées, leurs couples à la dérive ou leurs vices, cette belle « délégation de mousquetaires au service d’un diamant vénéneux », à la fois rivaux et complices, s’uniront dans leur quête « d’Arianne à tout prix ».
Arianne qui disparaît et réapparaît, semant ses indices sur une route qui les ménera de Nice à Cannes… jusqu’à Vallauris, « une belle cicatrice tracée sur la côte », et son Vallauris plage, tenu pour la dernière année par la vaillante Barbara Rose. Un univers frelaté peuplé de « blondes au teint orange », « de tongs et de connards en scooter » (dixit le major !).
Nicolas Rey installe progressivement un climat, à chaque page, plus oppressant, une tension orageuse et obsessionnelle jusqu’à la conclusion inévitable de ce ballet mortel, sans issue, qui signera le sacrifice du narrateur Franck. « Ce visage presque mort qui me fixe parce qu’il ne comprend pas alors que c’est si simple de savoir pourquoi nous faisons des choses terribles. »
Les plus attentifs et lecteurs habitués de Nicolas Rey ne manqueront pas de relever une myriade de détails ou clins d’oeil à ses thèmes de prédilection : l’impossibilité du couple, la force de l’amitié et de la solidarité masculine, « la fidélité presque mafieuse de Franck envers les êtres vivant dans l’immoralité » mais aussi une réflexion sur la paternité très présente au fil des chapitres : « J’avais insisté auprès de ma femme pour avoir un enfant, comme ça, dans le feu de l’action, en amoureux, j’avais demandé un enfant dans l’absolu, comme un projet lointain », s’accuse ainsi le major.
On croise aussi beaucoup de pharmacies, d’analgésiques, de verres de whisky « Single Malt », de coupes de champagne et de chambres d’hôtel dévastées sur le chemin de nos anti-héros…
Vallauris Plage est un roman aux effets maîtrisés et à la mise en scène parfaite faite de chapitres courts aux chutes impeccables et elliptiques. Mais aussi aux dialogues ciselés où l’auteur déploie tout son humour oscillant entre surréalisme absurde et ironie comme ce dialogue entre Franck et la réceptionniste d’un hôtel à propos de l’astrologie ou encore les idées saugrenues du major qui décrète en pleine fête de festival de Cannes que « seuls les invités capables de chanter les premières strophes de Fly me the moon de Sinatra ont le droit d’être servies »… Et puis toujours ses phrases, dont seul Nicolas Rey a le secret, qui vous arrêtent en cours de lecture, qui en peu de mots résument beaucoup. « Franck, la grâce passe, elle vous regarde et elle s’en va. »
La grâce ne semble en tout cas pas quitter Nicolas Rey.
Signalons que la présence de Nicolas Rey vient d’être confirmée sur le plateau de Tout le monde en parle ce samedi 13 mai.
Un extrait du roman (premier chapitre) peut être lu ici
Retrouvez un dossier spécial sur : les dessous de l’écriture de Vallauris plage dans la rubrique « Buzz+ »
*Les deux romans n’ont cependant rien à voir si ce n’est leur dimension psychologique.
3 Commentaires
En ce qui concerne Nicolas Rey et Vallauris plage ce qui me touche le plus dans ce livre c’est l’aprés lecture.Je trouve que c’est un libre à double effet .Sur le coup "sans plus" et puis petit à petit il te travaille,comme ça ,mine de rien.Il te pénètre .Et puis Ariane, dans quelle femme se cache t elle ? Une fois refermé ,on y pense , et en y repense.On cherche.Donc rien que pour ça , bravo Nicolas, à la fin de l’envoi ,il touche.
A lire sans se poser aucune question et laisser agir.
dorian.canalblog.com
javoue avoir eu un faible pour ce jeune papa lors de la grand messe ardissonnienne samedi.. :-)) Les passages qu’il a lus à l’antenne étaient très forts donc je pense que je vais me le réserver pour cet été!
Je ne connaissais pas Nicolas Rey .. avant samedi soir helas!!
j’ai acheté son roman que j’ai terminé très vite, impossible d’arreter ma lecture. Je trouve son roman sublime. Il ma vraiment beaucoup touché.