Parler de Florian Zeller juste après Nicolas Rey risque d’en faire rugir quelques-uns mais ravira ses lecteurs. Signalons donc par cette petite brève que le jeune auteur ne se repose pas sur ses lauriers. A venir : après le succès de ses deux pièces « Le Manège » et « l’Autre », une nouvelle pièce de théâtre « Si tu mourais »* dans laquelle jouera Catherine Frot entourée de Robin Renucci, Bruno Putzulu et Chloé Lambert, à la Comédie des Champs-Elysées sous la direction de Michel Fagadau. L’histoire d’une femme en deuil de son mari brutalement disparu, qui s’aperçoit qu’elle ne le connaissait pas vraiment, en revoyant son passé. « Florian Zeller, qui n’a qu’une trentaine d’années, fait un beau portrait de femme, à un moment où elle est un peu perdue », a confié Catherine Frot au Figaro Magazine. A la rentrée littéraire 2006, il publiera son quatrième roman qui devrait faire l’évènement aux côtés de celui de Christine Angot. De son côté le très prolixe David Foenkinos dont nous vous parlions à l’occasion de la sortie du recueil « Plumes et dentelles« , publie ce mois-ci un nouveau roman « Les cœurs autonomes », chez Grasset.
Dans son nouveau roman intitulé Julien Parme comme nous en informait Eric (commentaire ci-dessous), Florian Zeller revisite le célèbre Attrape-coeurs de J.D Saligner dans une version parisienne et moderne : « Au risque de vous surprendre, je voudrais vous raconter ce truc incroyable qui m’est arrivé l’année dernière. C’est pas pour me vanter, mais des trucs comme ça, je vous jure, des trucs aussi incroyables que celui que je vais vous raconter, ça n’arrive pas tous les jours. Même, ça n’arrive jamais. C’est pour ça que j’en parle. Parce que moi, je ne suis pas du genre à baratiner les autres avec ma propre vie. Question de style. » Il se serait également inspiré des grands romans de Stendhal « La chartreuse de Parme » et « Le Rouge et le Noir » auxquels il rend hommage à travers quelques clins d’oeil (en premier lieu : le nom du héros qui a donné son titre au roman).
Selon son éditeur, « Julien Parme, du haut de ses quatorze ans, nous entraîne dans une fugue picaresque et jubilatoire où résonnent les vertiges et les doutes des premiers instants de liberté. » Le magazine Technikart regrettait dans son dossier « La rentrée littéraire a déjà eu lieu », le manque de « tendresse » du récit. Vous en jugerez à la rentrée…
« Les cœurs autonomes » s’intéresse, lui, sans jamais la nommer, à l’affaire Florence Rey. Cavale sanglante de deux jeunes gens en 1994, Audry Maupin et Florence Rey, qui se solde par quatre morts : deux policiers abattus place de la Nation, un motard fauché porte de Vincennes, un chauffeur de taxi, et plus tard Audry lui-même. Après avoir attaqué une préfourièrre, Florence Rey et Audry Maupin, coursés par la police, prennent un taxi en otage. Bilan : 5 morts (dont Maupin) et 5 blessés. Le duo, militant politique, devient l’icône de la jeunesse des années grunge. Depuis, du fond de sa détention, Rey se mure dans le silence.
Le destin de Florence a fasciné David Foenkinos. Quand une jeune femme devient complice d’un meurtrier par amour, elle se métamorphose. Cette mue progressive d’une étudiante sans histoire engagée va émouvoir ou choquer toute une génération. Il s’est focalisé sur la mue de cette passionaria discrète et ressort les éléments de l’enquête alors cachés (un troisième complice, manipulateur-manipulé), pour mettre en évidence sa vision d’une cause et d’un amour perdus. Sous une forme qui se veut romantique. Les trentenaires retrouveront, eux, le souvenir de cette drôle de France balladurienne des années 90 et des slogans anti-CIP.
Il confiait au Nouvel Observateur, à son sujet que « Le fait divers est capable de cristalliser une époque. Il dit quelque chose de notre histoire collective à un moment donné. Par le biais du fait divers, il est possible d’aborder des choses plus personnelles et peut-être même de parler de soi. Dans «le Coeur autonome», je reviens sur l’affaire de Florence Rey et d’Audry Maupin, qui m’avait beaucoup marqué en 1994, au moment des faits. Ce qui m’a intéressé, c’est le rapport entre la folie meurtrière et la folie amoureuse. Je n’ai pas eu beaucoup de mal à être au plus proche de mes personnages. On dit souvent qu’un écrivain s’empare de tel fait divers. Dans ce cas précis, c’est le fait divers qui s’est emparé de moi. »
Avis de lecteur bienvenue !
Signalons que David Foenkinos sera présent ce mardi 16 mai 2006 lors de la rediffusion de l’émission Vol de nuit à 00h35.
* Ajout du 12 août 2006 : A propos de sa nouvelle pièce intitulée « Si tu mourais », Florian Zeller explique : « Mon désir était de raconter l’histoire d’une femme qui se perd, qui cherche une vérité qu’elle fuit en même temps et qui, à la mort de son mari, se pose cette question : Peut-on réellement connaître l’autre, ou son visage demeure-t-il toujours, tout en étant familier, un masque, une chimère, une construction ? » Dans une interview donnée à Marie-Claire, il explique sa vision de la recherche de vérité dans un couple :
« Ceux et celles qui s’en remettent à la prétendue honnêteté pour soulager leur conscience en disant « Moi au moins j’ai été honnête » sont des barbares du sentiment. Apprendre à mentir, c’est presque une preuve de courage et de respect. On ment par maturité. Grandir, c’est peut-être ça : apprendre à mentir. » Une philosophie qui a motivé et présidé donc l’écriture de cette pièce.
Voir aussi notre billet : Confidences amoureuses de Florian Zeller : le jeune écrivain cultive son image d’éternel romantique
13 Commentaires
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Je trouve que c’est une bonne idée d’associer ces deux auteurs. D’abord parce qu’ils n’ont rien à voir. Leur univers est si différent. J’ai lu deux romans de Zeller et deux de Foenkinos. En revanche, moi qui m’intéresse de près, comme apparemment l’auteur de ce très bon site, à la littérature contemporaine, je pense qu’ils sont peut-être les deux meilleurs écrivains de la nouvelle génération. Avec Olivier Adam, disons. La folie drôle de Foenkinos. Le romantisme déchiré de Zeller. La déprime sombre de Adam. Rien à voir avec les autres, les Rey, les Sorman ou les Castillon, qui ne sont que des étoiles filantes…
Des étoile filantes qui durent depuis quelque temps alors… 🙂
F.Zeller et D.Foenkinos sont en effet deux auteurs qui comptent dans le paysage de la littérature contemporaine et qui l’affirment au fil de leurs livres. Rappelons aussi qu’ils sont deux amis proches, fait rare en littérature.
Tu as bien résumé l’univers de tous ces jeunes auteurs qui révèlent tous des facettes différentes de la jeune création littéraire "à la française" !
Pas si "nihiliste" pour reprendre les propos d’Adam Thirlwell…
J’ai lu que le prochain roman de Florian Zeller sortira fin aout et s’appellera JULIEN PARME. D’après ce que j’ai compris, c’est une sorte de "petit Don Quichotte" à Paris…
Très bon article dans le Monde d’hier à propos du livre de Foenkinos. Ca fait même l’ouverture du Monde des Livres. Le thème, c’est évidemment les Faits divers. Je n’ai pas encore lu ce roman. J’aime beaucoup ce que fait cet auteur, en général. Mais je suis étonnée qu’on ne parle pas énormément des "Coeurs autonomes". De toute façon, en ce moment, on ne parle de rien d’autre que de la Coupe du Monde.
Merci à vous de ces infos intéressantes. Tant sur Florian Zeller que sur David Foenkinos. Ce « Don quichotte à Paris » risque de faire jaser la petite cour parisienne ! Marie, ne t’inquiète pas : ici on ne parlera PAS de la coupe du monde ! Sinon pour en revenir à D.Foenkinos, il semble que son livre soit bien différent de ces derniers opus et la récence de son avant dernier bouquin explique peut être l’accueil plus réservé qui lui a été fait. As-tu lu « Les coeurs autonomes » et qu’en as tu pensé toi qui a apprécié ses précédents opus ?
Et pourquoi ne pas parler de la coupe du monde ? La rentrée littéraire, finalement, ça ressemble assez à une coupe du monde, à ceci près que ce ne sont pas forcément les meilleurs qui gagnent. C’est ce qu’il y a de profondément soulageant, dans le sport comme dans la musique d’ailleurs : les impostures sont impossibles. Un mauvais violonniste ne peut pas faire croire qu’il sait jouer du violon. Les performances ont toujours été le moyen le plus efficace, parce qu’elles se mesurent et se comparent rationnellement, de supprimer les imposteurs. Or la littérature n’est pas une performance. C’est pour ça qu’elle a toujours été le lieu d’un combat acharné. L’écrivain vengeur, évoqué dans un autre article, en est la résultante directe. Il déteste le succès parce qu’il le juge injustifié. En littérature, le succès n’est pas une performance – contrairement au foot. C’est un vol, un abus, un détournement. Et pourtant…
Je n’ai pas lu les livres de Foenkinos. "Les coeurs autonomes"… Drôle de titre. En revanche, j’ai lu La Fascination de pire, de Florian Zeller, que j’ai trouvé très bon. Une de mes amies me l’a prêté, je n’avais pas envie de le lire, ayant déjà une idée sur la question – c’est à dire une réponse – bref, j’étais plein d’a priori, à cause de sa gueule je pense. Je la trouve trop clean. Je ne sais pas… Et pourtant, surprise, j’ai adoré. Mais vraiment. Pour moi, c’est un grand roman. J’espère que le prochain sera du même niveau. Julien Parme… Drôle de titre. Ca fait un peu fixette stendhalienne… Mais bon, pourquoi s’encombrer d’a priori?
Patrice, pas tout à fait d’accord avec toi tout de même.
La littérature est affaire de subjectivité contrairement à un match où il y a des régles "cartésiennes" à respecter, donc difficile de les comparer…
Foenkinos a toujours le chic pour les "drôles de titres" (Entre les oreilles, Le potentiel érotique de ma femme…). Il aime bien les cultiver 🙂
C’est sympa pour le livre de Florian Zeller d’avoir laissé tomber les préjugés !
A plus tard,
J’ai lu Julien Parme. Et oui, je suis en avance. Ma femme est critique littéraire. C’est-à-dire qu’elle reçoit tous les livres gratuitement et dès le mois de juin. Ca a des avantages… Heureusement, ce ne sont pas les seuls. Heureusement.
Tout ça pour dire que j’ai trouvé ce livre très bon. Julien Parme. Je n’avais rien lu de cet auteur, même si j’en ai souvent entendu parler. D’ailleurs, je l’ai ouvert, ce livre, sans vraiment avoir l’intention de le lire. Juste pour voir. Comme je l’ai fait avec pas mal d’autres. Je partais même avec des a prioris – sa coiffure, je pense ; mais honnêtement, ça m’a fait beaucoup rire, beaucoup beaucoup. Ce sera sans doute un des livres importants de septembre. Enfin, j’imagine. Il ne se prend pas du tout au sérieux. Ce que je trouve très courageux. Par ailleurs, l’écriture est d’une inventivité permanente. On pense un peu à Salinger. Et puis aussi à john Fante, un auteur que j’adore. Celui qui a écrit Demande à la poussière. Et puis Céline, pour le travail sur la langue. Et puis, finalement, on pense à Julien Parme.
Je le recommande. Il y en a un autre, que je suis en train de lire, et que j’aime pas mal, c’est Fraternité, chez Denoël. Je vous dirai quand je l’aurais fini.
Merci beaucoup Eric de cet avis intéressant. Nous n’avons pas encore lu Julien Parme de notre côté mais avouons tout de même un peu de scepticisme sur ce remake de L’attrape-coeurs…, qui risque de faire pâle copie. A vous lire !
J’ai un lu un excellent article de Chérel dans le Point de cette semaine à propos de Zeller. On peut le consulter à cette adresse :
http://www.lepoint.fr/litteratur...
Bonjour à tous, j’ai lu il y a quelques jours JULIEN PARME. J’ai trouvé le personnage de Julien amusant et le rythme des phrases efficace. J’ai été surpris par ce roman, je l’avoue. Je précise que j’avais trouvé intéressants ses deux premiers ouvrages. Je suis "amusé" par tout ce que je lis sur le net, quoique peiné car l’on ne respecte pas l’auteur — lui mais les autres aussi. je me fais une autre idée de la littérature et des lecteurs. Je crois qu’il ne faut pas être sectaire et juger hâtivement. Je crois que l’on peut aimer des livres assez différents. J’apprécie Echenoz, Germain, Dantec, Duteurtre, Foenkinos, Garréta, Schmitt par exemple. L’art est pluriel. Bien à vous.
Et je rajoute Audeguy bien sûr… Un Goncourt !?
je viens de lire Julien Parme avec un peu de retard… puisqu’il est sorti il y a déjà quelques mois. C’est le premier livre de Zeller que je lis : j’ai adoré. Je vis depuis quelques jours avec ce personnage, qui m’a fait rire et m’a émue. Il est à la fois si loin de moi et tout proche. J’ai eu l’impression de me réconcilier avec ma propre adolescence en lisant ce roman. Dans un grand éclat de rire. Merci.