Beigbeder et Gabriel Matzneff, complices littéraires[/caption] Dans les années 80, Gabriel Matzneff s’est fait le chantre des « amours mineures ». L’écrivain sulfureux était alors l’invité de tous les plateaux TV et prestigieuses émissions littéraires pour faire leur apologie et leur éloge. Démon pédophile (ou « philopède » comme il le fait dire à l’un de ses personnages), honteusement en liberté, immoral et pervers pour certains. Qualifié d' »insolent magnifique », de grand écrivain érudit, d’expert de littérature latine o encore de fin analyste géopolitique. Aujourd’hui encore, son aura subversive touche (influence ?) de nombreux jeunes auteurs qui le citent régulièrement comme référence.
Article rédigé et publié le 15 juin 2006, mis à jour en janvier 2020, dans le cadre de la polémique sur Gabriel Matzneff à l’occasion de la sortie du livre « Le Consentement » de Vanessa Springora.
A l’image d’un Matzneff, ils revendiquent leur statut d’éternel adolescent qui refusent de grandir et partage sa philosophie de vie épicurienne, « son désespoir gai », son rejet du travail, « des responsabilités » et sa crainte de l’ennui. Ils cultivent la même difficulté pour l’engagement amoureux dans leurs textes et ont fait leur, les propos tenus par Nil Kolytcheff, héros du roman Ivre du vin perdu : « Tout est temporaire. Ce n’est pas le oui vécu dans l’instant qui est illusoire, mais la foi en l’avenir. Il n’y a pas d’éternité ; il n’y a que des fragments d’éternité. » Ils partagent les mêmes paradoxes et ambiguïtés et ses penchants pour le donjuanisme.Parmi eux Frédéric Beigbeder, qui a souvent déclaré en interview « que son âge mental ne dépassait pas les 12 ans », est l’un de ses sympathisants et ami. Il animait d’ailleurs une rencontre/débat lors d’une soirée en son hommage chez Léo Scheer en mars 2004 (photo ci-dessus).
Il l’élit également « Homme du mois » dans sa chronique littéraire de Technikart du mois de mai 2006, à l’occasion de la sortie de son nouveau roman « Voici venir le fiancé« .
Il écrit ainsi : « Matzneff n’est pas pédophile, il est jeune. Il n’a rien fait d’autre que de sortir avec des filles de son âge. » L’auteur de « 99 francs » est lui même sensible aux (très) jeunes beautés : « Pourquoi laisse-t-on les filles de 16 ans se balader en liberté sur les bords de mer ?, se demandait t’il dans son recueil « Nouvelles sous ecstasy » (extrait de L’homme qui regardait les femmes, 1) Leur gorge tendue, leurs fesses cambrées, leurs lèvres heureuses de sucer un esquimau à la fraise, leur colonne vertébrale soyeuse, leurs clavicules fragiles, leurs cheveux mouillés, leurs dents blanches comme l’écume, leur fente étroite, leur langue fraîche, la marque blanche de leur maillot, leurs petits pieds aux orteils vernis, leurs seins en adéquation avec ma main… J’avais 16 ans quand ça a commencé. Aujourd’hui j’en ai le double et rien n’a changé. (…)Toute ma vie, je scruterai le défilé de l’innocence cruelle. »
A propos de Gabriel Matzneff, Frédéric Beigbeder en livre un éloge nourri : « Le journal de Matzneff est une des pièces maîtresses de ma bibliothèque. Il m’a appris à vivre, à lire et à écrire. Sans le journal de Matzneff, je n’aurais pas connu Byron, Casanova, Dumas, Schopenhauer, Sénèque ou Pétrone. Publier son journal de son vivant lui a coûté très cher mais il faut que cet homme sache qu’il a appris la liberté, la joie de vivre, le bonheur et la poésie à des dizaines de milliers de lecteurs et lectrices depuis quatre décennies. Tatiana, Francesca, Vanessa, Marie-Elisabeth sont devenues des icônes, transfigurées par son style vif et limpide. Je suis en colère parce que l’auteur d’Ivre du vin perdu, qui est la courtoisie faite homme, ne méritait pas d’être insulté par Constance Chaillet, l’immémorial auteur de Petits Agacements en tous genres (1998), les Petites Personnes (2000) et Notes de service (2002), dont seul le mari est intéressant. Je pense au suicide de l’ami de Matzneff, Henry de Montherlant, le 21 septembre 1972, et j’ai peur. Je regrette que Calamity Gab n’ait pas eu la présence d’esprit de citer un autre de ses amis, Cioran, qui disait: « Plus un artiste est grand, plus il est prisonnier de ses obsessions. »
Faut-il rappeler l’existence de Nabokov, Thomas Mann, Gide, Ronsard, Dostoïevski, génies tous fascinés par la beauté de l’adolescence ? « Ils ont de la peau de saucisson sur les yeux », dit Matzneff dans Yogourt et Yoga, recueil d’articles qui sort en même temps que son journal d’adieu. Non, ils ne savent plus lire. Matzneff a tout sacrifié à l’art et à l’amour. Aucun écrivain français vivant n’a autant de courage et de cohérence (mis à part, peut-être, Albert Cossery). Ses contradictions (orthodoxe mais pécheur, diététique mais dépravé, infernal mais céleste, romantique mais libertin, janséniste mais épicurien) l’aident à oublier la mort. Il a compris qu’écrire est le seul moyen de rendre l’amour éternel. Calamity Gab, page 52: « Elle a déchiré mes photos? Elle a jeté mes livres à la poubelle? Elle vit avec un autre type? Nous ne nous reverrons plus jamais? Soit, mais ce qu’ensemble nous avons vécu continue de vivre, et de briller comme un soleil. » Voilà. »
Il compare le dernier livre de son mentor (qui lui rappelle son père, dit-il) à un film choral à la Robert Altman, frais et enlevé. « Pourquoi plus personne n’écrit-il comme ça avec une angoisse tempérée d’allégresse ?« , lance t’il.
MAJ Janv. 2020: Revirement à l’occasion de la polémique Springora, Frédéric Beigbeder fait son mea culpa et regrette l’attribution du Renaudot à Matzneff (pour « Séraphin, c’est la fin ») en 2013 alors qu’il faisait partie du jury. Ce « recueil d’articles sur la politique internationale, Schopenhauer, Kadhafi, etc. » avait alors été jugé « brillant », explique Beigbeder au journal Le Parisien. Il ajoute: «C’est clair qu’il n’aurait jamais eu le prix pour un de ses journaux intimes» (on s’amusera à comparer avec la diatribe dythirambique ci-dessus). Il commente encore : «Nous tous, dans le milieu littéraire, nous sommes coupables de non-assistance à personnes en danger. Notre faute: ne pas avoir pris au sérieux Gabriel Matzneff. J’ai honte d’avoir longtemps cru qu’il était mythomane, qu’il se glorifiait de faits qu’il n’avait pas commis.» On mettra donc en parallèle ces déclarations a posteriori avec ce qui précède…
Dans son nouveau roman dont le titre est une référence biblique, Matzneff entremêle les destinées amoureuses de divers couples (lesbien, étudiant…) entre Venise, Naples, Rome, Paris et la Suisse, le tout sur fond de religion orthodoxe et de références liturgiques… C’est aussi le livre des bilans. Nil Kolytcheff, double de Matzneff (et déjà héros du roman « Ivre du vin perdu« ), classe -à l’aide d’une jolie et blonde documentaliste- ses lettres d’amour pour en faire don à la Bibliothèque de la mémoire et sauver ainsi de la destruction et de l’oubli sa tumultueuse vie érotique. Mais la grande nouveauté de ce roman se situe dans la réflexion sur l’influence des moyens modernes de communication (SMS, Internet) sur l’amour. Matzneff explique : « Une jeune fille, Delphine, est zinzin de ces nouvelles techniques – comme beaucoup d’adolescents d’aujourd’hui. On la voit bombarder son amant, un cinéaste connu, Raoul Dolet, de SMS et, avec une absence totale de conscience de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas, raconter ses amours avec Dolet dans un blog où elle se dissimule derrière un pseudonyme mais où elle donne le vrai nom de son célèbre amant. Il existe un abîme inouï entre le soin avec lequel les avocats de chez Gallimard relisent mon journal intime pour me demander de supprimer tout ce qui pourrait constituer une atteinte à la vie privée et le vide juridique concernant les blogs où, cachés derrière l’anonymat des pseudonymes, n’importe quelle de mes ex-amantes peut raconter sa vie avec moi, n’importe quel zozo peut inventer contre moi les pires calomnies. »
Nicolas Rey fait aussi partie des jeunes auteurs admiratifs de Gabriel Matzneff. Il dit qu' »il fait partie des gens qui ont refusé de vieillir envers et contre tout, comme de faire la moindre concession. Ses journaux intimes m’ont permis de découvrir d’autres auteurs comme Montherlant ou Cioran… » Il le cite d’ailleurs dans son roman Mémoire courte (dont le héros se nomme… »Gabriel »).
La femme-enfant est d’ailleurs très présente dans les romans de l’auteur : de Treize minutes peuplé de culottes « Petit bateau », de « croupes enfantines » et de « seins miniatures » à Mémoire courte où le jeune marié trentenaire Gabriel vit une aventure avec la lycéenne Alice « petite fille brune au regard tendre » et « aux socquettes blanches », jusqu’à Courir à trente ans qui met en scène un baby-sitter aux penchants pédophiles, nommé Louis, troublé par Clara, 11 ans, « sa peau, son odeur de lait-fraise, ses bagues » ou encore Jean le divorcé de 38 ans qui fantasme sur une jeune serveuse-comédienne de 16 ans : « On l’imagine enfant, les genoux écorchés, un BN dans la bouche en train de briser le coeur à de petits joueurs de foot. Ne bouge pas, chérie, je vais nettoyer tout ça. (…) Sa bouche n’a pas encore de goût. Les adultes ont toujours un goût dans la bouche. Trop de calmants, de cigarettes, de petites trahisons, de nuits blanches à mourir de trouille. Trop d’années. »
Tandis que Louis Lanher, écrivain proche de Nicolas Rey, vante les mérites dans « Un pur roman » (paru en 2004 Au Diable Vauvert), des « pures jeunes filles pures« . Son héros Virgil, 26 ans, traque les écolières et s’est fixé pour règle de ne jamais fréquenter de filles au dessus de 20 ans : les jeunes filles « tendres et fragiles ». « Jusqu’à 20 ans, les filles sont rigolotes. Elles embrassent gratuitement les garçons, ne rechignent pas à piquer les petits copains de leurs camardes de classe, sortent tard le soir et rentrent se coucher chez leur nouveau meilleur ami de passage. (…) Mais à 20 ans elles ont peur. Peur de passer à côté de la vraie vie véritable. Celle qui se construit pas à pas besogneuse. Elle font tout pour se ranger, redevenir de parfaites petites élèves. Et à 29 ans, elles sont au bout du voyage.« , explique-t-il au chapitre 11 intitulé « Une pure théorie sur Ben, les experts comptables et les jeunes filles. » [Alexandra Galakof]
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1 Commentaire
Ces critiques montrent que les pedophiles ne pensent qu’à eux. La jeune fille n’est qu’une image. Ce qui compte pour eux ce sont leur plaisirs fugaces. Ils n’aiment pas ces jeunes filles ou jeunes garçon, ils en abusent et les jettent des qu’un ou une autre arrive, peu importe les chagrins qu’ils vont causer. S’ils m’ont fait connaître des philosophes la belle affaire, c’est triste de ne pas avoir su les lire seule, mais il vaut mieux les ignorer que de fréquenter intellectuellement un homme pareil.
La libération sexuelle oui, mais pas au prix de l’asservissement d’un trop jeune partenaire.