Extrait de Néfertiti dans un champ de canne à sucre de Philippe Jaenada choisi par la blogueuse Satinella alias Alexandra Geyser qui commente : « Ce texte reflète exactement ce que j’ai ressenti à certains moments : une impression de désœuvrement, de vanité, une profonde lassitude qui me fore et que personne ne peut emplir. Je m’ennuie. Je manque de tout. J’aurais besoin de folie, de mouvement, d’inédit, de violence, d’intense, d’amour, de mots, de gestes, d’imprévu, de vie en somme, mais je m’ennuie tant que j’ai presque la sensation d’être déjà morte. Même écrire me semble dérisoire. Je n’ai rien à dire. Rien. Et c’est dans ces moments-là que l’on perçoit combien l’on est seule, seule à en crever. »
Extrait de « Néfertiti dans un champ de canne à sucre »
« Quand je demande à Olive ce qui ne va pas, ce qui la met dans cet état de découragement, elle me répond : « Je ne sais pas. J’ai toujours été comme ça. Je peux donner le change en apparence, je peux sourire, je peux m’amuser, je peux danser, lire des livres et m’habiller comme si j’attachais de l’importance à mes vêtements, je peux faire la folle mais au fond de moi, c’est toujours pareil. Je suis triste. Au fond de moi, rien ne m’intéresse, rien ne me fait envie. J’ai toujours ressenti ça, depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, et je n’arrive pas à combler ce vide au milieu. Quand tu me vois joyeuse, ce n’est pas que j’oublie, c’est que j’ai assez de force ou de volonté pour jouer la comédie. Mais à l’intérieur, ça ne change pas. Je me suis demandée d’où ça venait, bien sûr. C’est difficile à expliquer. Tout me paraît inutile. Que je fasse des choses « importantes » ou sans conséquences, tout me paraît inutile. Ce n’est pas une grande découverte, tout le monde sait ça, tout le monde sait que rien ne sert à rien sur Terre, que l’humanité n’a ni sens ni but, mais certains parviennent à ne pas y penser ou même à se faire croire le contraire, d’autres se servent justement de cette constatation pour vivre avec plus d’insouciance. Moi j’en suis incapable. Je suis comme quelqu’un qui se lève tous les matins à six heures et qui bosse dans un bureau jusqu’à la tombée de la nuit en sachant qu’il ne sera pas payé à la fin du mois. Ça me désespère. Je ne peux pas faire comme si de rien n’était. De temps en temps, je me laisse emporter, mais malheureusement, ça ne dure jamais longtemps. Quand j’arrive dans une soirée où les gens sont gais, par exemple, je me sens bien pendant cinq ou dix minutes. Mais très vite, cette sensation d’inutilité – cette impression que ce ne sont que des actes de diversion – me reprend. Je me mets à détester tous ces gens creux. Et je ne réagis pas comme ça seulement face à ce qu’on appelle les plaisirs. Tout me fait le même effet. S’engager activement dans la lutte contre la misère, écrire un livre ou élever des enfants, tout ça me paraît aussi vain et dénué de sens. Je suis loin d’être la seule à considérer l’existence de cette manière, c’est l’une des premières choses que l’on comprend en sortant de l’enfance, ou même dès l’enfance, je me doute qu’il faut « s’y faire » mais ma raison est impuissante. Le plus bizarre, c’est que j’aime la vie, si on peut dire. Je serais la dernière à me tirer une balle dans la tête. Je pense et me comporte comme si j’attendais autre chose… mais je sais qu’il n’y a rien d’autre. Je suis prise au piège, je suis coincée ici. Tout le temps triste, sans espoir. Rien ne m’intéresse. Rien du tout. Je n’aime personne. »( Philippe Jaenada)
A lire : la chronique de Néfertiti dans un champ de canne à sucre de Philippe Jaenada
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