Qui n’a jamais idéalisé un amour de jeunesse, de lycée, de collège ou même d’école primaire…, cette parenthèse enchantée de l’adolescence, de l’enfance ? Puis des années plus tard, eu la curiosité de savoir ce qu' »il » ou « elle » était devenue ?
La génération des trentenaires (70’s/80’s) est devenue championne de la nostalgie avec le phénomène « gloubiboulga », versant triste de la vague adulescente ou encore la multiplication de ces sites qui permettent de retrouver nos « copains d’avant », publiée en janvier 2007 aux Editions Delcourt.
Loin de tout cela Philippe Jaenada a pourtant écrit un bel hommage à cette nostalgie sentimentale qui peut s’emparer de nous, adulte à 30 ou 40 ans, comme le narrateur de « Vie et mort de la jeune fille blonde ». De son côté un jeune blogueur (Kek) remporte un vif succès en racontant sous la forme d’un roman graphique en ligne, la recherche de son amour d’enfance « du CM1 », sous une forme très émouvante.
Il restitue dans ce roman toute la grâce et la pureté dont nous parons nos souvenirs amoureux « des premières fois », des « premières initiations »… Et l’envie parfois un peu follle de retrouver « ce souvenir » lumineux, avec l’espoir secret que le temps l’aura conservé intact.
Que la magie opérera toujours. Et dans le cas du narrateur de « Vie et mort de la jeune fille blonde » de renouer avec sa jeunesse, que cette retrouvaille agira comme une fontaine de jouvence auprès de ce quadra en pleine crise.
A ce propos, Philippe Jaenada a ces jolies phrases : « (…) Je me réveille en sursaut, avec dans les bras la certitude que le remède à ma faiblesse se trouve quelque part par là. Du côté de cette fille, de ce moment qui réapparaît. Il y a soudain un lien presque tangible entre mes seize ans et mes quarante, mon passé est tout proche, je me sens plus consistant, plus solide. Je ne suis pas qu’une balle qui rebondit au hasard au fil du temps. (…) Maintenant, il faut que je la revoie, sans arrière-pensée sentimentale ni sexuelle, juste pour concrétiser cette présence, encore, de ma jeunesse – et continuer avec. »
Mais comme il faut s’y attendre, hélas, les retrouvailles ne seront pas exactement à la hauteur de ses attentes…
Le roman est sorti ces jours-ci au format poche. C’est donc le moment de le lire, si ce n’était déjà fait, ou de le relire… pour le plaisir de ces digressions enchantées sous formes de parenthèses dont il dit qu’elles lui donnent l’impression de « physiquement entrer dans un trou » et que « la parenthèse, c’est la cabane des enfants. » (voir interview de Philippe Jaenada ci-dessous)
Dans un tout autre genre mais sur le même thème, un « roman graphique on line » a ému des milliers d’internautes, il y a quelques mois, en racontant l’histoire -autobiographique- de « Virginie, une histoire qui sent la colle Cléopâtre« .
Le pitch ? Kek, le narrateur (dessinateur et webdesigner Flash dans la vie), petit gamin blond est amoureux de la douce Virginie aux boucles brunes, à Dunkerque. Tous deux en CM1 vivent une parfaite idylle ponctuée de bisous dans la cour de récré cachés par les manteaux des camarades et de billets doux sur papier quadrillé, échangés sous leurs pupitres (« beaucoup plus classe qu’un SMS », nous fait remarquer avec humour l’auteur et il n’a pas tort !).
Mais voilà, Virginie doit déménager et quitter Kek, qui refuse de lui dire au-revoir mais qui ne l’oubliera jamais… Une quinzaine d’années plus tard, à l’âge de 26 ans, il tentera de la retrouver. Réussira-t-il ?
Ah…ah…
Si vous ne l’avez pas encore lu, foncez sur ce récit touchant (édité en 200è aux éditions Delcourt) par sa justesse et son authenticité, porté par une voix masculine sincère, tendre et drôle. L’écriture est simple, attachante mais jamais mièvre même si le trait de crayon est volontairement naïf. Il ne pourra que vous inspirer des souvenirs et qui sait quelques larmichettes si vous êtes sensible… 🙂
Interview de Philippe Jaenada au sujet de « Vie et mort de la jeune fille blonde » :
Votre récit commence par une soirée assez surréaliste…
C’est un conte volontairement caricatural. Dans toute la première partie de ce récit, le narrateur assiste, en spectateur passif, à un dîner. Le lecteur sent alors son malaise, son ennui sans que lui-même en ait d’ailleurs clairement conscience. Le malaise devient évident lors de pseudo épreuves de forces, dont un « duel de baffes ». Ces jeux, qui dérouteraient n’importe quel convive, ne les surprennent même pas. Après s’être giflés mutuellement avec application, ils dînent tranquillement comme si rien ne s’était passé… Même cette violence gratuite ne suffit pas à mettre de la passion dans cette soirée. Rien ne peut lutter contre cet ennui.
Est-ce que cette violence vaine n’est pas également un reflet de l’existence de ces convives ?
En effet. Muratti et sa femme, les hôtes, ne cessent d’ailleurs de se battre contre des événements inéluctables : l’âge, la vieillesse, la fatigue… Ils y mettent toute leur énergie.
Comment le narrateur prend-il conscience de ce malaise ?
A la fin de la soirée, il a l’impression que les invités se disloquent. Ils se décomposent. C’est l’exact reflet de son malaise. Sa vie manque de consistance. De fil rouge. La jeune fille blonde, qui réapparaît brusquement dans sa vie lors de cette fameuse soirée, est une bouée de sauvetage. Retrouver ce souvenir lointain et jusque là enfoui devient pour lui un moyen de se reconstruire.
La quête du premier amour est un thème classique de la littérature. Mais avec votre personnage de jeune fille, Céline, vous l’avez totalement corrompu. Le narrateur ne l’a d’ailleurs jamais réellement aimée.
Cette histoire, cette quête n’a rien de sentimental. Ce n’est pas par nostalgie du passé que le narrateur cherche à retrouver cette fille qui lui a fait découvrir l’amour quand il avait 16 ans. Il ne veut pas revenir en arrière et revivre une histoire d’amour. Il n’a pas non plus le désir de la sauver, de la faire revivre. Ce n’est pas Céline en elle-même qui l’intéresse. Cette recherche est totalement personnelle – et sûrement égoïste. Ce qu’il veut, c’est retrouver la sensation du temps qui passe. Il est effrayé à l’idée de ne pas pouvoir le retenir. La seule solution est de retrouver et préserver ses souvenirs. Ainsi il n’aura pas l’impression d’avoir vécu pour rien. Ses souvenirs, ce sont les fils de sa vie. Il essaie de se rattacher à lui-même.
Est-ce que la quête du narrateur n’est pas, finalement, basée sur un malentendu ?
D’une certaine manière, oui, si l’on s’en tient au récit lui-même. Mais, en fait, le narrateur comprend que sa jeunesse n’est perdue que pour lui. Il existe encore, sous la forme de réminiscences du passé, pour ceux qu’il a rencontrés. Et inversement. La vraie jeune fille de son souvenir, c’est finalement l’image qu’il a gardée d’elle, non ce qu’elle est devenue. Si cette histoire n’avait pas eu lieu, il n’aurait probablement pas eu les moyens de se rendre compte de cette réalité essentielle pour qu’il puisse continuer à tisser sa vie.
Votre récit avance tout en s’éparpillant en digressions. La forme s’adapte au fond. Le narrateur dit lui-même qu’il est « une balle légère qui rebondit de manière aléatoire ».
Dans chacun de mes livres précédents, j’ai adopté cette forme de digressions, passées ou futures. Et ces digressions étaient finalement des tentatives discrètes pour approcher cette notion de temps qui passe. Il a fallu que j’attende mes 40 ans pour y parvenir et aller au bout de ce que je cherchais à dire. (source : éditeur)
Photo d’illustration ci-dessus : « Les roseaux sauvages » d’André Téchiné
7 Commentaires
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Les souvenirs sont traitres…
Je pense à cette phrase de Kundera :
Vous pensez que le passé, parce qu’il a déjà été, est achevé et immuable ? Ah non son vêtement est fait d’un taffetas changeant et chaque fois que nous nous retournons sur lui nous le voyons sous d’autres couleurs.
– La vie est ailleurs –
Les souvenirs sont traitres…
Je pense à cette phrase de Kundera :
Vous pensez que le passé, parce qu’il a déjà été, est achevé et immuable ? Ah non son vêtement est fait d’un taffetas changeant et chaque fois que nous nous retournons sur lui nous le voyons sous d’autres couleurs.
– La vie est ailleurs –
Les souvenirs sont traitres…
Je pense à cette phrase de Kundera :
Vous pensez que le passé, parce qu’il a déjà été, est achevé et immuable ? Ah non son vêtement est fait d’un taffetas changeant et chaque fois que nous nous retournons sur lui nous le voyons sous d’autres couleurs.
– La vie est ailleurs –
savez vous si PJ va sortir un nouveau roman bientôt ? merc.
C’est drôle, du dernier Jaenada je retiens moins la jeune fille blonde que des litres de bière (blonde?) consommés dans un bar de Marseille, en attendant d’aller la retrouver…
Jaenada est un maître de l’hésitation vivante !
je suis nostalgique d’Elodie Bouchez adolescente…
Merci de cette belle citation de Kundera ! Pas de nouveau roman en vue pour Philippe Jaenada, connu à ce jour mais un album avec Dupuy et Berbérian