Ce premier roman (paru chez un tout jeune éditeur Bernard Pascuito, également à découvrir), paru en mars 2006, pourrait bien inaugurer un nouveau Nick Hornby à la française. Cet auteur, totalement inconnu et dont on ne sait presque rien sinon qu’il travaille dans le secteur audiovisuel, nous fait une belle surprise avec ce roman d’époque, drôle, émouvant et sincère sur les tourments d’un trentenaire fraîchement séparé qui s’interroge sur ses relations amoureuses et sur la possibilité de rencontrer de nouveau l’amour quand on avait déjà trouvé « la femme de sa vie »… Des thèmes éternels revisités par l’humour et le ton très personnel d’un auteur prometteur !
De choc familial (la mort de son père) en choc amoureux (sa séparation avec sa femme qu’il aime toujours), il nous entraîne dans le kaléïdoscope de ses pensées, réflexions et souvenirs amoureux alors qu’il vient de commencer « sa carrière de célibataire ». Nous le suivrons ainsi dans ses élucubrations jusqu’au jour J, le jour où son divorce sera officiellement prononcé…
Comme on survolerait les pages d’un album photos, on saute ainsi de Clint Eastwood (le seul artiste capable comme Jésus « d’être adulé en même temps par Jean Luc Godard, le garagiste du coin, et mon grand père. » ) à une nymphomane en passant par Internet, le Japon, Botero, un psychiatre, l’UCPA, la masturbation, un girafeau, des dépressifs, un fusil à pompe et « l’appel du 18 juin »…
Et ce faisant, il ébauche ses petites théories personnelles* sur l’amour, la nature des sentiments, la nostalgie de son grand amour (son ex-femme), la sexualité, les relations, la psychologie hommes-femmes, les méprises du quotidien, … Parfois un peu maladroites, souvent justes, elles ne manquent pas d’interpeller.
De visites chez son psy (digne d’un rôle dans « Vol au dessus d’un nid de coucou » nous dit-il) en discussion avec ses amis célibataires et dépressifs : « Ce sont des professionnels, ils sauront vous conseiller, vous dire quel programme télé éviter, quel centre UCPA choisir. »
Avec eux il peut se livrer à quelques exutoires misogynes (« ce qui dans ma situation me fait beaucoup de bien », confie t’il en toute franchise !) ou au contraire à des complaintes désespérées : « Q’est ce qu’il me reste ? Les trentenaires au bout du rouleau, qui ne supportent plus Julie Lescaut à la télévision, les dépressives, les nymphomanes, les femmes mariées qui veulent s’oxygéner, les femmes proches de la quarantaine qui désirent faire un enfant car « des », c’est déjà trop tard ? »
Il partage avec le lecteur son expérience et tente d’élucider le mystère du bonheur amoureux au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans la dépression amoureuse. « Je ne sais pas si je serai capable d’être heureux de nouveau, je suis trop fainéant pour ça. J’aimerais être heureux sans rien faire. Mais il faut se battre pour être heureux, il faut se battre contre soi, contre les autres, contre les hasards de la vie. », désespère t’il au cours du livre. Y parviendra t’il ?
C’est avec délice que les lectrices se glisseront dans cette psychée masculine et dégusteront ses confidences précieuses pour mieux cerner ce qui se passe dans un « cerveau de mec » tandis que les lecteurs trouveront sans aucun doute un écho à leurs doutes, angoisses et incompréhensions de la gente féminine. De façon plus générale une ou plusieurs de ses anecdotes rappelle immanquablement son vécu et ne manque pas de créer une complicité immédiate avec l’auteur à la sincérité désarmante.
Jamais pathétique, l’écriture reste légère, simple, dopée à une auto-dérision constante et une pointe de cynisme, même lorsqu’il aborde des sujets plus graves comme la maladie (comme les examens médicaux qu’il doit subir : le tragi-comique de la scène du spermogramme par exemple est très réussi).
Ses chapitres courts, rapides et rythmés donnent parfois la sensation de lire un blog qui aurait été écrit par un Woody Allen parisien. Christophe Nicolle ne s’attarde pas, il zoome sur certains évènements bien précis, des réactions, des sentiments, des conversations avec ses ami(e)s, les relate et les commente sans s’apesantir, renvoyant à chaque fois le lecteur à son propre vécu.
Ses angles sont bien choisis et ne manquent pas de déclencher sourire, rire ou compassion. On a immédiatement envie de devenir ami avec ce narrateur fortement attachant, de le soutenir… Et surtout pas envie de le lâcher à la fin, on pourrait encore en lire des pages et des pages comme ça, à petite dose chaque jour.
Seuls bémols que l’on mettra sur le compte : un style un peu plat parfois et familier (frôlant « le conseil en développement personnel ») qui retire un peu de sa puissance au texte ainsi que le début un peu raté sur la mort de son père.
*Florilège des petites théories personnelles de Christophe Nicolle :
Le célibataire ne regarde pas les filles comme l’homme marié. L’oeil du célibataire est beaucoup moins « sexuel » beaucoup plus « sentimental ». Celui de l’homme marié est primitif. Je savais que l’état amoureux ne durerait qu’un temps pour laisser place à l’amour. Je savais que beaucoup se séparaient sans vraiment comprendre ou s’avouer qu’ils avaioent juste été amoureux. Je savais que l’état amoureux était égoïste, qu’il n’y avait pas de partage (contrairement à l’amour), qu’être amoureux c’était aimer l’autre uniquement pour ce qu’il nous donne (de l’affection, de l’intérêt, du sexe). Je savais qu’aimer c’est tout le contraire, qu’aimer c’est aller vers l’autre, l’aimer pour ce qu’il est et non pour ce qu’il apporte. »
Certains attendent, attendent d’être heureux, d’autres en revendiquent le droit, mais le bonheur n’est pas un état « normal », c’est un état de grâce. Il ne faut donc pas l’attendre mais espérer qu’il nous touche un jour ou l’autre. Je l’ai touché. »
Pour un homme c’est tellement compliqué d’avoir de l’affection, du cul ou tout simplement de l’intérêt de la part d’une femme qu’il se résigne beaucoup plus à l’idée de vivre mal accompagné.
C’est dur de connaître les gens, ça demande d’être tolérant. Il paraît qu’avec l’âge, l’écart entre l’image que l’on donne de nous et ce que l’on est vraiment se réduit. On triche moins, on s’accepte plus. En vieillissant la dictature du bien-être nous laisse tranquille alors j’attends »
Lorsque vous êtes dépressif, deux solutions s’offrent à vous (…). Soit vous annoncez clairement que vous êtes dépressif et là, tout le monde vous fuit. Soit vous essayez de le cacher et là un problème se pose. Car lors des « périodes creuses », il vous est impossible de communiquer, impossible de répondre au téléphone. Votre seul recours c’est le SMS (le type qui a inventé le texto devait être un grand dépressif).
A lire aussi, la chronique du deuxième roman de Christophe Nicolle : « Eastwood, Mes femmes et moi » de Christophe Nicolle : La vie comme un western !
Réservez L’important c’est d’avoir connu l’amour !
Deux ou trois choses que l’on sait de Christophe Nicolle :
Christophe Nicolle a trente-trois ans, l’âge de son héros, et il nous raconte ses morceaux de vie à coups de chapitres courts qui défilent sous nos yeux comme des planches photos. Entre Christophe et son double, beaucoup de points communs : l’humour désespéré, le sens de l’observation, le chômage et la certitude qu’en amour les meilleurs souvenirs ne sont pas à venir. L’important c’est d’avoir connu l’amour est son premier roman.
7 Commentaires
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Un vrai délice
On se reconnait à tout âge !
J’espère qu’il y en aura d’autres…
Je ne sais pas si vous venez à la Forêt des Livres organisée en Septembre par Gonzague Saint Brice près de Loches. Si tel est le cas,
dites le moi
Bonne chance
Christophe NICOLLE,
J’aimerai avoir une possibilité de vous contacter pour vous parler d’un projet de roman mais je ne peux vous en dire plus de peur d’être plaggiée ! Je m’appelle Stéphanie et ai lu en une après-midi à la plage votre journal intime attachant. Merci de me donner signe de vie.
Ps : Je n’ai ni 40 ans, ni de syndrôme nymphomaniaque !
Christophe NICOLLE,
J’aimerai avoir une possibilité de vous contacter pour vous parler d’un projet de roman mais je ne peux vous en dire plus de peur d’être plaggiée ! Je m’appelle Stéphanie et ai lu en une après-midi à la plage votre journal intime attachant. Merci de me donner signe de vie.
Ps : Je n’ai ni 40 ans, ni de syndrôme nymphomaniaque !
Merci à vous chère Edith, et Mademoiselle la romancière en devenir, vos mots m’ont touchés. soyez heureuses c’est mieux !
Merci à vous pour vos commentaires, si vous voulez détailler ou me faire part de vos projets vous pouvez m’écrire au mail indiqué.
Christophe NICOLLE
voici donc mon mail : christophernicolle@hotmail.com
je suis enchantée de vous avoir effleuré du stylo !
Stéphanie