Couronnée dès son premier roman, « La Voyeuse interdite » (Gallimard), Nina Bouraoui a remporté, en 2005, le prix Renaudot pour « Mes mauvaises pensées » (Stock). Ecrivain de l’intime, de l’enfance, du corps, du désir, elle propose une sélection de lectures pour l’été, fine et touchante.
Le livre qu’elle n’a pas eu le temps de lire cette année : « Je suis très contente d’emporter “Lunar Park”, de Bret Easton Ellis (Robert Laffont). Je lis cet écrivain depuis toujours, j’ai adoré “Moins que zéro” et “American Psycho”. Il fait partie de ma famille, c’est un auteur ami. »
Le livre qu’elle a envie de relire : « Le journal posthume d’Hervé Guibert, “Le Mausolée des amants : journal, 1976- 1991” (Gallimard). On y décèle toutes les trames de ses autres romans, ses phobies, ses peurs, ses personnages, dont Vincent, un de ses amants, et T., l’homme de toute sa vie… J’ai vraiment été amoureuse de cet auteur-là, sa tête d’ange diabolique et ses errances. Il est l’amant de papier. »
Le livre qu’il faut emporter où que l’on aille : « Sans hésiter : “La Vie matérielle : Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour” (P.O.L). Elle raconte son rapport à l’alcool. Elle buvait doucement, le jour, la nuit, sans jamais être ivre. Dans ces entretiens, elle se met à nu, parle de la sexualité des écrivains – ce sont de mauvais amants –, du Flore – elle n’y entrait pas, car elle n’avait pas de belles robes –, de ses achats en triple exemplaire – elle craignait toujours de manquer. Finalement, elle confie comment elle est dans le monde, et comment elle s’en arrache pour écrire, aimer et boire, avec sincérité et pudeur. »
Le meilleur livre 2006 : « “La Mort de Lara”, de Thierry Consigny (Flammarion). Il écrit la noyade de sa fille, Lara, 4 ans. Sans pathos, il raconte tout, dans un style froid, presque chirurgical. Ce livre lumineux m’a fait pleurer, et c’est rare. » Le livre maudit qu’elle prend en vacances chaque année et qu’elle n’arrive jamais à commencer : « “Ubik”, de Philip K. Dick (10/18), un ouvrage de science-fiction hyperconnu. Beaucoup d’auteurs en parlent, c’est LA référence. Et je me dis toujours : “Il faut le lire”, mais je ne rentre pas dedans. Je suis dans une autre aventure, dans les mouvements du vrai monde. »
Le plus beau souvenir littéraire : « “Mysterious Skin”, de Scott Heim (Au Diable Vauvert). Quel beau livre, quelle classe ! Je suis tombée dessus par hasard, sur un rayon du BHV. J’ai lu cette phrase sur la couverture : “L’été de mes 8 ans, cinq heures de ma vie ont disparu”, je l’ai ouvert, et j’ai regardé cette photo de Scott Heim, ses yeux d’une immense sensibilité. L’histoire est celle d’une enfance volée. C’est très sexuel, très chaud, très envoûtant. Je l’ai beaucoup offert. » *
Un livre à lire les jours de pluie : « Un roman extrêmement romantique, “Moderato Cantabile”, de Marguerite Duras (Minuit). Chaque jour, Anne Desbaresdes entre dans un café, où elle parle avec un homme dont elle tombe amoureuse, et il ne se passe rien, juste des mains qui se frôlent. Au lycée français de Zurich, je l’ai présenté au bac et je me suis dit : “C’est ça écrire.” »
Dans un entretien au magazine Lire de juin 2005, l’auteur déclarait aussi qu’elle emporterait sur une île déserte « Adolphe « de Benjamin Constant, « Le Mausolée des amants » d’Hervé Guibert et « Bonjour tristesse » de Françoise Sagan :
« Pour continuer à apprendre ce que signifie vivre, écrire et aimer, je choisis le journal d’Hervé Guibert, Le Mausolée des amants, qui réunit l’érotisme, la sexualité, la littérature en tant que don de soi. J’ai souvent pensé que Guibert était une sorte d’amant de papier. Sa lecture est charnelle. Je songe aux débuts de certains de ses romans, aux corps de ses amants, à sa force – son incroyable force -, à sa voix étrange, à son visage, triste et grave, à sa beauté, entêtante. »
A ce titre elle est revenue sur l’importance de l’oeuvre d’Hervé Guibert dans le champ littéraire et à son niveau personnel : « Hervé Guibert, c’est l’invention de soi. Aussi bien en littérature, qu’en photographie (qu’il qualifiait de pratique amoureuse). Guibert écrit avec ses yeux, avec le corps entier. C’est une littérature sensuelle, voire charnelle. Toujours juste. Toujours là. Il avait un don, je crois, pour révéler (tel le bain révélateur), les secrets du monde. Guibert a libéré mes peurs et mes tabous. Il se mettait sans cesse en danger. On devrait toujours écrire avec cette idée, avec cette urgence. Il y a chez lui un vrai souci du mot, du style. Ce n’est pas un écrivain de l’intime. C’est un écrivain de l’intérieur, c’est-à-dire de la matière vivante. Chaque livre est le livre de la vie.«
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