Les tendances de la rentrée littéraire en bref * :
Cette rentrée littéraire atteint un nouveau record avec 683 titres (dont 475 fictions) publiés contre 663 en 2005. Après avoir été largement dénigrée, l’autofiction semble marquer le pas pour laisser place à l’actualité sociale comme grande source d’inspiration. La guerre, la violence, le chômage, la crise des banlieues… : l’environnement extérieur et le malaise social qui y régne disputent la vedette à l’ego. « Le syndicat des pauvres types » d’Eric Faye, ne manque pas d’aiguiser la curiosité par exemple. Mais également l’univers des paillettes et de la télévision. Deux romans français semblent déjà se détacher de la masse : « Fraternité » de Marc Weitzmann (Denoël) et « Quartier général du bruit » de Christophe Bataille (Grasset).
Dans son cinquième roman « Fraternité« , Marc Weitzmann, ancien critique littéraire analyse l’importance des racines, de la filiation et des origines et déterminismes sociaux à travers notamment le prisme du sujet sensible des banlieues (où il a lui-même grandi) sous la forme d’un monologue hérissé d’une colère à peine maîtrisée, tandis que Christophe Bataille (révélé par Annam, son premier roman paru chez Arléa et récompensé du prix du Premier roman et prix des Deux Magots, 1994) évoque dans « Quartier général du bruit« , la figure de Bernard Grasset à travers le regard d’un certain Kobald, à l’époque glorieuse des Saints-Pères.
Côté jeunes auteurs, on pourra lire notamment le deuxième roman « Fils unique », très attendu de Stéphane Audeguy (auréolé l’an passé pour « La théorie des nuages ») ou encore Thomas Lelu avec « Perdu de vue » qui était en lice pour le prix de Flore 2005. Mais aussi le dernier livre de Faïra Guene (auteur de Kiffe kiffe demain, best-seller inattendu de l’an dernier). La jeune auteure explore de nouveau avec son franc parler et sa gouaille, la question des banlieues, chez Hachette littératures, avec « Du rêve pour les oufs ». Une nouvelle « comédie sociale » à l’humour toujours aussi percutant où l’on suit le destin de trois frères et soeur et de leurs galères quotidiennes entre missions d’intérim rébarbatives, queue à la préfecture pour renouveler sa carte de séjour et la tentation de « glisser sur la mauvaise pente »…
Parmi les têtes d’affiche, citons : Maurice G. Dantec, Yann Moix (quatre ans après « Podium »), Yasmina Khadra, Antoine Audouard (Pont d’oiseaux), Camille Laurens, Alice Fernet, Christine Angot, Nancy Huston, Amélie Nothomb, Laurent Gaudé (Goncourt 2004 avec « Le soleil des Scorta ») ou encore Bernard Werber…
Du côté des premiers romans, les thèmes abordés s’orientent autour de la sexualité, la crudité et une certaine fureur de vivre. A retenir : un nom qui risque de marquer les esprits, celui de Max Monnehay, déjà annoncée comme « la nouvelle Amélie Nothomb », cette jeune auteure de 25 ans raconte dans « Corpus Christine » la domination sadique d’une femme sur son mari qu’elle séquestre et martyrise. Un autre premier roman « Fergus » (Albin Michel, 24 août), signé Adrienne Miller, 33 ans, risque de marquer les esprits. Elle met en exergue le mensonge et l’apparence du monde à travers des personnages trompeurs . La romancière n’est pas une inconnue puisqu’elle est la rédactrice en chef du magazine littéraire Esquire et a été saluée aux USA comme « Les Corrections (Jonathan Franzen, Ndlr) au féminin, un événement littéraire, du Scott Fitzgerald d’aujourd’hui. » Rien que ça !
Au rayon romans étrangers (208 romans attendus entre août et octobre) principalement américains et anglo-Saxons, on peut citer les noms d’Iain Levison, Richard McCann, Daniel Wallace, Rick Moody (avec une satire grinçante sur le monde de la télévision intitulée « Le script ») ou encore Jonathan Safran Foer… Jonathan Littell avec son pavé « Les bienveillantes » (900 pages) retient pour l’instant toutes les attentions. Tandis que le nouveau Sarah Waters, « Ronde de nuit » (chez Denoël) bénéficie de très bons premiers échos.
N’hésitez pas à partager vos impressions et vos (intentions de) lectures des parutions de la rentrée ou au contraire votre aversion à ce rendez-vous si vous y êtes allergique !
* Sources : Evene, Livres hebdo.
A lire pour plus d’infos : la synthèse « d’avant première » de Christophe Greuet sur Culture Café
La sélection originale de Parution.com qui présente des livres moins médiatisés allant du roman d’apprentissage onirique aux douloureuses amours adolescentes en passant par une bio romancée d’Arthur Cravan… : « Formications » de Julien Péluchon, « Sonate d’été » de Virginie Reisz, « Nous arrivons » de Christine Lapostolle, « Arthur Cravan n’est pas mort noyé » de Philippe Dagen, Loin de soi de Anita Brookner …
Notre sélection jeunes auteurs :
13 Commentaires
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Selon certains experts en prix littéraires, Jean-Philippe Tousaint ayant remporté le Médicis l’an dernier, serait quoique peu étiqueté. Weyergans ayant eu le Goncourt, le buzz est à son paroxisme. A l’heure où les alliances se forment, certains pariraient sur la "Fraternité" de Marc Weitzmann. Info ou Intox ?
Pour "Fraternité", je doute malheureusement que le livre aille bien loin dans la course aux prix, et ce pour une raison simple : il sort trop tôt (21 aout).
L’expérience a montré que les livres qui ont les prix sortent beaucoup plus tardivement.
Néanmoins, le livre est vraiment excellent, un vrai coup de poing dans le plexus.
J’en publierai cette semaine une critique détaillée sur http://www.culture-cafe.net
certes, certes : pronostics et petits calculs germanopratins iront encore bon train cette année mais la vraie question : allez vous lire Fraternité (ou un autre) et la moisson de cette rentrée vous met-elle en appétit ?
Il est à regretter le recul de la littérature intimiste, cette année…
En fait j’ai déjà lu plein de livres (Moody, Weitzmann, Foer, Angot, Monnehay, Lélu, Delaume…) mais je suis pas sur que ce soit à moi que tu ais posé la question !
Pour répondre à Buzz et essayer d’être constructif, je conseillerai plutôt aux lecteurs de se détourner des rentrées littéraire, ce qui vous évitera de lire plein de merdes sans intérêt littéraire. Epuisez plutôt les "classiques" (au sens large du terme) qui sont déjà issus d’une forte sélection et vous dispensera donc pour une large part de mauvaises surprises. Quand un gars me dit "j’adore la littérature, d’ailleurs, j’ai lu tout zeller, et rey, et angot, et houellebecq" je ne peux m’empêcher de frémir en constatant qu’il ne connaît qu’à peine Kafka, Céline, Dostoievski, Flaubert, etc…
Vous pensez que vous avez déjà épuisé tous les "classiques" : je vous assure vous en êtes encore loin.
Vous me dites "passéïste, passéïste : nous voulons de l’avant-garde". Je comprends votre excitation mais c’est une quête vaine. Digérez déjà le siècle passé (ce que, en un sens, personne n’a fait) avant de songer au suivant.
L’idéal serait de tout lire, bien sûr, mais nous n’avons pas le temps, pas le temps.
entièrement d’accord. il faut un panachage des deux. Mais lire des auteurs actuels sur des thèmes modernes qui nous concernent est indispensable aussi non ? C’est un plaisir dont il est dommage de se priver même si des auteurs des siècles passés restent éminemment modernes encore aujourd’hui et même parfois plus que les jeunes auteurs !
Voici le lien pour ma critique de "Corpus Christine" de Max Monnehay : http://www.culture-cafe.net/arch...
il faut pas être dépressif pour lire les bouquins de la rentrée, je dis.
Dépressif et fortuné! Pour ma part, j’attends plusieurs mois avant de lire les auteurs qui auront reussi a surnager. Pas toujours la bonne technique je l’avoue mais c’est toujours plus ou moins un sacrifice que de m’adonner à la lecture d’un livre contemporain.
Merci Christophe de ce lien, et nos excuses pour le contre-temps dans sa publication (les joies d’un anti-spam trop zélé…).
Un petit billet ci-dessus rattrape cette bévue car ta critique vaut vraiment le coup d’oeil de même que le livre apparemment !, qui semble aussi avoir des accents de "Misery"…
"Mouais", il est vrai que les thèmes abordés cette année sont plutôt graves mais c’est assez fréquent mais aussi féroces comme celui de Moody par ex.
Chutney, ça ne fera pas plaisir aux éditeurs, mais tu as certainement bien raison… (à moins d’attendre la sortie de son auteur fétiche).
Merci Cuné de ce lien qui donne un panorama large de la rentrée.
Qu’as tu prévu de lire de ton côté ?
Je fonctionne un peu aux circonstances, et à l’impulsion, mais j’ai déjà lu le JP Blondel (très bon), Jacques Jouet (bon), Michel Arrivée (très bon), Hélène Bessette (pas accroché), Hadrien Laroche (non plus), Thérèse Fournier (pas mal).
J’ai commandé et je suis impatiente de lire "L’oiseau-moqueur" de Sean Stewart.
Je lirai sans doute aussi "Extrêmement fort et incroyablement près" de Jonathan Safran Foer, peut-être le Desarthe, puis je verrai !
Merci Cuné de ce petit programme qui s’annonce bien riche lui aussi.
Le Safran Foer semble être une nouvelle petite merveille !