Nous évoquions dans notre billet de synthèse sur la rentrée littéraire de septembre 2006, la jeune auteure Max Monnehay, annoncée comme « la nouvelle Amélie Nothomb » par son éditeur Albin Michel qu’elle partage d’ailleurs avec sa célèbre aînée. Cette jeune auteure de 25 ans raconte dans « Corpus Christine » la domination sadique d’une femme sur son mari qu’elle séquestre et martyrise. « Le doute est un sale petit reptile, une simple morsure au doigt et c’est votre pauvre carcasse entière qui y passe », grince-t’elle au détour d’une page. Ce huis-clos oppressant, sur un sujet sombre, troublant et difficile rappelle en effet les thèmes « scabreux » autour de la folie humaine qu’affectionnent l’auteur d’Hygiène de l’assassin (et de « Journal d’hirondelle » en cette rentrée littéraire) et porte, de plus, un titre -alambiqué- très « nothombien »…
Christophe Greuet du site Culture-Café nous signalait son excellente critique sur ce livre.
Selon lui, la comparaison -très marketing- avec l’écrivain belge n’est finalement pas usurpée. On retrouverait la même complexité et la même ambiguité dans le récit et les personnages. La question qui vient aussitôt à l’esprit est bien sûr comment une histoire si cruelle a jailli dans son esprit ? C’est le mécanisme de la domination qui l’a toujours fascinée mais aussi le fait qu’elle avait « une grosse envie de faire souffrir un homme » ! Un roman en forme de revanche ?
Chronique d’un succès annoncé donc… (voir l’interview de Max Monnehay et ses réponses aux questions des lecteurs )
A lire d’urgence : sa critique détaillée !
Lire aussi : la critique « L’amour vache » de Marianne, qui rejoint l’idée (voir ci-dessous) selon laquelle le roman a des petits airs de « Misery ». Extrait : « Dans cet abîme de rancœurs et de solitude, le narrateur se livre à un monologue pascalien à l’issue inévitablement tragique. »
Extraits de l’éditeur de « Corpus Christine« :
« J’ai comme qui dirait la trouille de ma vie. Eveillé, il faut que je reste éveillé. Résister, écrire sans m’arrêter, écrire encore et encore, que va-t-elle me faire, la dose est-elle mortelle ou va-t-elle s’offrir le plaisir de m’échapper de ses propres mains une fois que je serai inconscient, j’ai des sueurs froides, pauvre corps, ça sent la fin pour toi, pauvre carcasse, tiens bon, je t’en supplie, il y avait cet arbre quand j’étais petit, un chêne centenaire pile au milieu du parc, et quand papa sautait maman derrière les buissons c’est là que j’attendais, oh ce n’était pas un abandon, j’étais avec plein d’autres mômes plus malheureux que moi, des gamins dont le père avait arrêté de sauter la mère il y avait bien longtemps, et j’étais fier qu’on s’aimât autant dans ma famille. »
« Vous êtes dans mon monde et vous ne faites rien ! Rien. Alors soyez indulgents avec moi comme je le suis avec vous. Je vous engueule parce que vous êtes de pauvres petits hommes heureux. Je ne suis pas un homme heureux. Je ne suis presque plus un homme. »
Réservez votre exemplaire de Corpus Christine.
De son côté Amélie Nothomb, 39 ans, infatiguable écrivain à la silhouette sépulcrale et romantique, livre un quinzième roman « Journal d’hirondelle » de 139 pages, en forme d’énigme amoureuse et policière.
L’auteur se serait inspirée d’une scène vécue chez elle : « une hirondelle affolée est venue mourir dans ma chambre » (incident que l’on retrouve au milieu du livre) dit-elle au Point. Il s’agit d’une histoire d’amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou, résume son éditeur. Un ancien coursier d’édition, nommé Urbain, virtuose de la moto, se fait engager comme tueur à gages, un « métier » au sujet duquel il dit qu’ « une peur exquise accompagne cet acte (tuer) ». Après avoir éliminé un magnat de l’alimentation, la directrice d’un centre culturel, un capitaine d’industrie, il doit un jour exécuter un ministre et toute sa famille et rapporter sa serviette. Dans celle-ci, le journal intime de sa fille. Piqué de curiosité, il décide de le lire. Commence alors une métamorphose inattendue : l’homme, anesthésié depuis tant d’années, et devenu insensible à la suite d’un chagrin d’amour, renoue avec ses cinq sens et tente de retrouver l’essentiel : les sentiments et le désir amoureux. Avec son art maîtrisé du « grotesque sordide », aux accents un peu kitsh parfois, l’auteur d’Hygiène de l’assassin explore une nouvelle fois ses thèmes de prédilection : la solitude, la misanthropie ou encore les comportements extrêmes affranchis de toute notion du bien ou du mal dont le salut viendra par l’Amour…
Extrait de l’éditeur de Journal d’hirondelle :
« Qu’est-ce qu’un rapport humain, aujourd’hui. Il afflige par sa pauvreté. Quand on voit ce qu’on appelle à présent du beau nom de ‘rencontre’, on se console. Rencontrer quelqu’un devrait constituer un événement. Cela devrait bouleverser autant qu’un ermite apercevant un anachorète à l’horizon de son désert après quarante jours de solitude. La vulgarité du nombre accomplit son oeuvre : une rencontre, ce n’est plus rien. On a des exemples paroxystiques : Proust rencontrant Joyce dans un taxi et, pendant cette entrevue unique, ne parlant que du prix de la course ; tout se passe comme si plus personne ne croyait aux rencontres, en cette possibilité sublime de connaître quelqu’un. »
Photo Max Monnehay : Jean-Marc Lubrano – Albin Michel
Photo Amélie Nothomb – Albin Michel
15 Commentaires
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Merci de citer mon "excellente critique" (je te laisse la responsabilité de l’appréciation, j’ai seulement signalé la publication du texte !).
Très curieuse en effet cette Max Monnehay. Le livre sera-t-il un succès public ? Pas joué d’avance vu la violence du texte. Mais comme ses "liens de plume" sont plutôt appréciés du public, qui sait………………………
Si ce roman est de la tenue de ceux d’Amélie Nothomb, cela promet de belles pages.
N’aimant pas Amélie Nothomb (franchement, je n’arrive pas avec ces livres !), faire référence à cette dernière m’effraie un peu. Mais je me laisserais bien tenter par cette histoire de vengeance… En espérant que Max Monnehay ne soit pas "une nouvelle Amélie Nothomb" mais surpasse son aînée… ce qui devrait être faisable à mon avis.
Amélie Nothomb avait déjà abordé dans l’un de ses précédents romans, Mercure, si je ne me trompe pas (j’ai tendance à les confondre), le thème de la séquestration perverse au nom de l’amour absolu. Ce qui ressemble au coeur du sujet de la jeune Monnehay, qui est charmante au passage. Attendons de voir si elle tient aussi bien la distance sur le papier.
Il serait amusant de savoir ce que pensent les intéressées de cette petite comparaison (qui doit certainement les agacer : qui aime être comparé ?!).
Au jeu des points communs, il faut aussi remarquer que les deux auteures ont choisi de se glisser dans la peau de héros masculins, ce qui est assez courant chez Nothomb.
Toutefois on remarque aussi que ça ne fonctionne pas souvent, il y a toujours des accents typiquement féminins dans les voix hommes tenues par des femmes (l’inverse est aussi valable). On retrouve la même faiblesse dans "Chasse à courre" de Clémence Boulouque.
Ah Clémence Boulouque, je l’avais oublié celle-là… Pour ce qui est de "l’avis des intéressées", je ne suis pas vraiment sûr ni qu’elles soient énervées, ni qu’elles aient envie de le donner.
je lui souhaite en tout cas la même carrière que son modèle !
Et vous oublier Madame Angot et son rendez-vous ?
Arrêtons de comparer max monnehay à nothomb, elles n’ont pas grand-chose en commun. En tout cas, il y a une force chez Monnehay qu’il n’y a plus depuis longtemps chez Nothomb. A lire absolument, Corpus Christine: enfin un ecrivain qui prend des risques…
Amélie Nothomb est si exceptionnelle, je ne vois pas comment il est possible d’écrire comme elle, de comparer.
Si quelqu’un fait quelque chose de ressemblant à Amélie, soit c’est d’la copie soit ça ne ressmeble pas.
Personne ne remplace personne.
Bonjour Monsieur Buzz,
Je viens vous remercier d’avoir parlé dans vos pages virtuelles de mon premier roman, Corpus Christine. Sans vouloir vous bécoter les basquets, je les tourne souvent, vos pages, et les apprécie.
Quant à cette comparaison avec Amélie Nothomb, je n’en peux rien dire, n’ayant lu de l’écrivain que son Hygiène, et cela il y a une bonne dizaine d’années. L’influence, donc, est inexistante.
Bien à vous,
Max Monnehay
Combien de fois la fin d’un livre se détache de l’histoire, au point d’être souvent une sorte de rajout incongru et déplacé. Comme si l’immense difficulté d’un auteur se jouait sur l’orgasme "la conclusion" .Piège d’autant plus redoutable qu’il répond, comme le solo de guitare d’un morceau rock, à l’inéffable attente du lecteur… Max Monnehay échappe à cette règle ce qui signe l’unité de son écriture et la force de son roman. La fin de l’histoire se fond dans l’histoire. Le trouble vient de ce doute que ressent l’humain, qui est vraiment l’autre? Parfois, connaissant nos vertiges personnels, nous ne pouvons qu’imaginer vivre au bord de ceux de l’autre. Max nous fait plonger du bord et c’est bon.. Lu en 24H sur l’Ile de Ré, en position horizontale, pour éviter le Vertigo comme disait Hitchock. La pluie a légèrement abimé la couverture.
Précisons aux lecteurs que le message de Max Monnehay ci-dessus émane bien de l’auteur (après vérification) et non d’un "faux pseudo".
Merci Max de ta réaction sur cette petite comparaison, certes un peu marketing. Toutefois, sans avoir été influencée, ton roman semble présenter des similitudes d’univers et de style (involontaires) avec ton "honorable" aînée Amélie Nothomb d’où ce rapprochement…
j’ai vu Max à l’emission Vol de Nuit, interessante, classe, elle m’a vraiment donné envie de lire son livre, que je me suis procuré le lendemain..;-)
Max salut
Ma famille connu 🙂
Ton livre est bien et surprenant
Mais sache que la phrase la plus chaquante que j’ai entendu c’est : "c’est pas elle qui a ecrit ça"
ps (plus pour max) : Monnehay Benjamin
fils de annick et gilles
ps2 : merci pour la pub de sont livre