« Le grand public pense que les livres, comme les oeufs, gagnent à être consommés frais. C’est pour cette raison qu’il choisit toujours la nouveauté. » (Goethe)
A l’approche de l’évènement littéraire de l’année : la rentrée littéraire de septembre, le lecteur avisé contemple perplexe, sa « pile à lire » (que les initiés désignent de l’acronyme P.A.L) et décide au choix d’ignorer royalement les sirènes des éditeurs et des médias ou bien se résigne à repousser encore un peu l’entame de cette sélection qui a le défaut d’être « moins jeune ». Tandis que d’autres, joyeux de cette grand messe rituelle, piaffent d’impatience depuis juin et se languissent de pouvoir enfin se saisir de ces précieux ouvrages labellisés « rentrée littéraire » ! Une moisson nouvelle, rutilante (du moins présentée comme telle), miroitante, dont on vante les mérites et qui devrait faire interrompre tout autre projet de lecture pour ingurgiter cette goulée de « nouveaux nés » ?
Et comme tout bourrage de crâne organisé, le stratagème fonctionne ! Comme chaque année…
Devinez quel mot clé est le plus saisi ces temps-ci sur ce cher Google ? Il tient en 2 termes : « RENTREE LITTERAIRE » ! Et ce depuis début août ! Plus rien ne compte, aucun ouvrage n’est digne d’être mentionné s’il ne fait pas partie de « la sacro-sainte portée de septembre », de la « crise », de « l’hémorragie » littéraire comme les grincheux la surnomment..
Il faut parler des livres dont tout le monde parle ou va parler. Comme disait Houellebecq à propos de ses « Particules élémentaires » : « Arrêtez d’en parler, lisez-le ! »
C’est un peu le problème de la rentrée littéraire…
Il faut créer du « buzz » (eh oui encore lui !), l’impatience à coup de teasing (J-15…), de forcing médiatique, aiguiser les curiosités, faire monter la sauce et… mettre le feu aux ventes ! De la même façon qu’il existe « the place to be » (le lieu où il faut être) ou le « must-have » mode incontournable, la rentrée littéraire procrée « ses livres to read » (les livres à lire), sous peine d’être totalement décalé voire largué et exclu de ses réjouissances. Vous ne pouvez PAS passer à côté !, répète le message subliminal.
Peu importe la qualité ou même vos affinités, pourvu qu’on ait « livresse » de l’effet rentrée littéraire…
Certains sont tout simplement écoeurés et décident, bon gré mal gré, de boycotter, s’accrochant à leurs classiques (« Il y a déjà tant de chef d’oeuvre que je n’ai encore lus, pourquoi perdre du temps sur ces livres « mineurs » (et en plus d’auteurs vivants… donc nuls !) ? »). Ce sont « les rebelles de la nouveauté ».
D’autres, tels des enfants émerveillés devant un sapin de Noël, s’en emparent avec fébrilité et rapportent avec fièreté leur butin. Un enthousiasme qui reste bon enfant, et finalement assez contagieux. On succombe à la curiosité, au fameux « achat d’impulsion ». Et c’est bon !
Et de questionner à qui mieux mieux : « Tu as lu le dernier… ? »…
Le dernier « X ». Toujours avoir lu « le petit dernier ». Car même si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il est faible par rapport aux premiers, il aura toujours le privilège de la primeure. Le jeunisme est aussi une vertu en littérature. D’ailleurs les auteurs ne vous pardonnent pas de ne pas avoir lu « leur dernier » ou de leur parler de leurs anciens crus. Après tout, c’est du passé, du vintage…
Les jeunes auteurs (primo-romanciers et âgés de moins de 30 ans voire de 25 encore mieux) n’ont d’ailleurs jamais autant eu le vent en poupe. Leur cote d’amour est au plus haut comme le déplorait presque Olivier Nora, directeur de Grasset lors de la conférence des éditeurs au salon du livre dernier. Le public aime la nouveauté et l’évènement. Deux phares capables de retenir l’attention de ceux qui ont troqué depuis trop longtemps les pages contre la télécommande, de créer l’effervescence, de donner un coup de fouet à la fréquentation des librairies…
Et rien que pour cela, on ne peut pas se plaindre. Pour une fois que le livre est sur le devant de la scène !
C’est aussi l’occasion d’avoir une photographie à un instant T de la création littéraire moderne, d’une nouvelle fois réaliser sa santé florissante, son énergie débordante et sa diversité.
Même si l’on ne peut s’empêcher de penser à tous ces auteurs qui se sont sentis obligés de « pondre » leur livre de la rentrée, de tirer à la ligne, l’imagination sèche et la libido littéraire à zéro, parce qu’il faut bien manger et que l’à-valoir tendu, comme un appât, par l’éditeur mettra un peu de beurre dans les épinards… Ou tout simplement par auto-satisfaction, par ego, parce qu’il faut « en être ».
Et l’on se demande s’il existe encore un respect du lecteur ? On se demande tout de même comment certains livres ont pu être publiés en toute bonne conscience professionnelle d’éditeur ? [ Alexandra – Buzz littéraire ]
8 Commentaires
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Devinez quel mot clé est le plus saisi ces temps-ci sur ce cher Google ? Il tient en 2 termes : "RENTREE LITTERAIRE" !
Vous êtes sure de ça ?
bizarre ce cataloguage rebelle de la nouveauté. Ca fait très anti-machin.
Je saute pas à pieds joints sur les couvertures de la rentrée littéraire sans pour autant être rebelle de quoique ce soit, lol.
Juste pas envie d’être un mouton de panurge.
Je crois que la rentrée littéraire n’intéresse en réalité pas grand euxmonde à part ceux du milieu et les habitués. Les rayons des fournitures scolaires ont beaucoup + de succès…
Oui, la rentrée littéraire, c’est beaucoup de bruit pour peu de bons livres.
Je ne choisis pas mes lectures selon leur nouveauté, donc pas d’acahts particuliers en septembre. Ca ne fait pas de moi une rebelle. C’est une manie de l’époque de toujours chercher ce qui est en marge pour le pointer du doigt?
Je préfère faire confiance à mon libraire de quartier plutot qu’aux médias spécialisés en publicité outrancière 😉
Quant à la qualité de la fournée "septembre 2006", oui, on peut s’interroger… comme l’impression que c’est le nom et pas la qualité de la plume qui permet d’être édité.
Je n’ai même pas encore lu le goncourt 2004 donc le 2006 attendra encore un peu :)))
La rentrée littéraire
683 nouveaux romans sont annoncés pour la rentrée littéraire. Les médias en font leurs choux gras et proposent leur analyse du phénomène… Le Figaro titre « 683 romans à découvrir immédiatement » (rien que çà) ! France 3 y consacre une…
… Et une pensée pour tous les auteurs écrasés de la rentrée, noyés dans la masse et balayés en novembre par les romans de Noel.
L’édition a ses saisons, prévisible et impitoyable comme un climat continental.
La finesse d’une Laurence Tardieu, par exemple, résistera-t-elle aux gros porte-voix de la Rentrée ?
A suivre, donc… Avec recul.
Voila un petit article sur le rentrée littéraire… et les moyens d’y échapper.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Alors qu’ils sont comme chaque automne 700 sur la ligne de départ, combien d’écrivains connaîtront le succès ? Certains se disent donc : Pourquoi ne pas publier sur le Web ? Avec respectivement 3.000.000 et 50.000 visiteurs, Marc Galan, romancier, et Athanase Vantchev de Thracy, poète, entre autres auteurs, démontrent que ça marche.
« Une saga historique sur l’Europe ? Mais ça ne marchera jamais ».« La poésie, mais plus personne n’en lit ». A force d’entendre ces lieux communs de la bouche des éditeurs, le romancier Marc Galan et
le poète Athanase Vantchev de Thracy ont décidé un beau jour, chacun de leur côté, de mettre en ligne leur travail. Entre les louanges de leurs relations et les préjugés des décideurs, il devait bien y avoir un juge objectif : le public.
Deux ans et demi après, celui-ci à tranché. Avec près de 3 millions de visiteurs, soit plus de 100.000 visiteurs uniques mensuels, AUBE, le roman de Marc Galan sur la préhistoire de l’Europe, ( http://www.aube-saga.com ) est le roman de langue française le plus visité sur le Net. Quant à Athanase Vantchev de Thracy, ( http://www.athanase.org ), sa poésie a déjà touché plus de 50.000 lecteurs, et son site américain 25.000 de plus. Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes.
Certes , ces succès, qui sont loin d’être les seuls, ne doivent pas faire oublier que bien des sites d’auteurs indépendants n’ont que quelques dizaines de visiteurs par an, mais il en est de même pour nombre d’auteurs sur papier, qui n’ont, en plus, pas l’opportunité de décider de la date et des modalités de leur lancement et connaissent la douleur du pilon.
Et les auteurs sur le Net eux-mêmes, qu’en pensent-ils ? Marc Galan déclare : « Une publication sur papier d’une saga historique aussi importante que la mienne (car je n’ai mis sur le Net qu’1 tome sur les 9 de l’ouvrage), était un trop gros risque pour un éditeur français. Et ils disaient tous sans m’avoir lu que seuls les anglo-saxons savent écrire dans ce genre. En publiant sur le Net, je brise ce tabou et je touche les francophones du monde entier (près d’un million de mes visiteurs ne viennent pas de France). Nous, les écrivains du Net, sommes les plus actifs ambassadeurs de la francophonie. J’espère bien que cela sera reconnu très vite. »
Et Athanase Vantchev de Thracy de renchérir : « Faire connaître leurs écrivains était le monopole de certaines maisons. Internet a brisé ce monopole. Je découvre des textes magnifiques en surfant… et souvent d’inconnus. »
Alors, les écrivains du Net, pionniers de la littérature ? En tout cas, des voix à entendre quand chacun crie à la mort du roman français… Non, il n’est pas mort, il est en ligne, et il va dans le monde entier.