L’auteure de J’habite dans la télévision a débuté la promo de son nouvel opus dont nous vous parlions précédemment. Et a même pris la pose pour le magazine Elle (photo ci-contre). Une mise en scène en forme de clin d’oeil à l’expérience à laquelle l’écrivain s’est soumise pendant 22 mois : « regarder la télévision toute la journée de lever au coucher… », dit-elle. Si son corps s’est transformé (plusieurs kilos liés au chips), son cerveau a refusé d’être totalement disponible. Elle dissertait aussi sur France Culture (enregistrement à la Bibliothèque nationale François Mitterrand) dans l’excellente émission « Leçons de littérature », sur son art d’écrire ou plus précisément sur son art de « fabriquer » des livres. Retour sur les pratiques d’une des plumes les plus singulières de la nouvelle scène littéraire française…
« Je m’écris depuis 6 ans dans des livres qui sont publiés, proposés à la vente, parfois achetés plus rarement lus mais certainement pas consommés. Je ne collabore pas à l’avènement du divertissement culturel. Je ne joue qu’à des jeux dont j’ai choisi les régles et que je peux maîtriser. Je me fabrique mon existence, m’incarne temporairement dans d’autres corps, d’autres espaces et souvent d’autre horloges. La langue pour principal outil, comme l’est la glaise, le burin, l’armature… Je fabrique de la littérature, un mot acéphale parce qu’ils lui ont coupé la gorge. »
Ainsi parle Chloé Delaume qui à l’occasion de l’émission « Leçons de littérature » proposée tout l’été sur France culture, s’est exprimée sur son art d’écrire tout en se moquant « des élus de la république bananière des lettres » son cheval de bataille récurrent.
Le principe de l’émission ? « Depuis plus de quarante ans, il existe en Allemagne des leçons de poétique données à l’université de Francfort par des écrivains, sur leur pratique littéraire et leur vision de la littérature. Inaugurées par Ingeborg Bachmann en 1961, ces séances ont accueilli, entre autres, Christa Wolf, Günter Grass, Uwe Johnson ou encore Adolf Muschg. C’est dans cet esprit que France Culture a diffusé, cet été, dix leçons de littérature données par dix écrivains à la BNF, et soutenues par la Maison des écrivains. Ces leçons traitent de la littérature d’un point de vue du praticien, sur son travail mais aussi sur d’autres textes, d’autres écrivains, en quelque sorte la littérature du point de vue choisi par les écrivains invités. »
Au sujet de l’autofiction, l’auteur explique qu’elle ne la considère pas du tout comme « une piste de sauvegarde littéraire ». contrairement à ce que l’on pourrait croire. Elle a d’ailleurs estimé après l’écriture de ses trois premiers romans (Les Mouflettes d’Atropos, La vanité des somnambules, Le cri du sablier) qu’elle allait cesser « de se gratter le nombril » pour la poursuite de son oeuvre.
Comment trouver de nouveaux matériaux de création littéraire dés lors ? « Il faut provoquer de nouvelles situations, les nouvelles pistes de travail », explique t’elle.
Exemple dans son dernier livre « J’habite dans la télévision » : « Je me suis soumise à regarder la TV du lever au coucher pendant 1 an et demi et je suis devenue folle et voilà… » Elle conçoit l’écriture dans « un rapport très intégré à la vie ». Et ajoute : « Tout est utile. Tous les romanciers de toute façon puisent dans leur vécu. » La fiction pure ne l’intéresse guère : « Je ne me fatigue pas à mettre de la décoration. J’avais essayé de le faire dans Certainement pas mais cela ne me plaisait pas c’était de la triche et cela se voyait. »
Même l’usage de la troisième personne l’ennuie et privilégie la première personne.
Dans Certainement pas, elle confie sa difficulté à faire parler un homme, une exercice très dur pour elle. Elle l’a finalement abordé comme pour un personnage féminin. Elle n’aime pas écrire les dialogues comme ce fut le cas de fictions réalisées pour France Culture.
De façon générale « il y a toujours une angoisse sur n’importe quelle pratique », constate t’elle.
Votre démarche rappelle les installations d’art contemporain ?, l’interroge la journaliste de France Culture, Cécile Wajsbrot. L’auteure rappelle alors qu’elle a fait partie, pendant un an, d’une compagnie situationniste créant aussi quelques évènements et organisant des expériences communautaires ou politiques.
Mais le principe du groupe ne lui convenait pas d’autant qu’elle était plus axée sur la langue que sur la politique.
« J’ai toujours fait toute seule des expériences comme par exemple interroger des ados dans un café et faire de fausses études socio. C’est ludique. Je n’ai pas d’imagination. Je préfère voir vraiment comment les choses se passent. Je fais beaucoup de « Vis ma vie de », ça m’amuse assez… », détaille t’elle.
Elle conclut sur le travail de la syntaxe qui varie selon les « objets » (littéraires).
Dans « Le cri du sablier », par exemple elle explique qu’elle a charché à montrer comment la langue pouvait être aussi abimée que le corps de l’enfant. « C’était de la sur-symbolique. Ce n’est pas relâché. La syntaxe est un outil en soi qu’il faut aussi essayer d’adapter au propos. »
Ecouter l’émission avec Chloé Delaume.
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