Bret Easton Ellis, Jay McInerney ou encore Donna Tartt la vénèrent. La romancière, scénariste et journaliste, Joan Didion, figure de proue des intellectuels américains s’est faite remarquer dans les années 60 et 70 avec ses romans à la cruauté épurée et stylisée sur la faune dorée (et déchue) d’Hollywood ou de New-York ou encore de la jet set littéraire… Retour sur le parcours d’une grande dame des lettres américaine, référence et inspiratrice de la littérature américaine d’aujourd’hui.
A travers un hommage rendu par le Figaro Magazine, on apprend notamment que l’écrivain, aujourd’hui âgée de 72 ans, est née à Sacramento en 1934 et a exercé en tant que reporter à Vogue, au New York Times ou encore pour le New Yorker. Sa spécialité ? La satire de la vacuité existentielle de la bourgeoisie intellectuelle côte Ouest. Son influence s’étend alors sur la vie des idées comme sur l’écriture de ses cadets. A travers cinq fulgurances qu’elle écrivait la nuit, après ses reportages pour la presse – Run River (1963), Play It As It Lays (1970) (un roman dérangeant sur le déclin d’une actrice hollywoodienne de seconde zone qui ira de déconvenue en déconvenue : divorce, avortement, isolement avant de sombrer au fond du gouffre…), A Book Of Common Prayer (1977), Democracy (1984, traduit en 1986 chez Flammarion, épuisé) et The Last Thing He Wanted (1996), son magnétisme, énergie et acuité ont ouvert une brèche pour les générations suivantes.
Quintessence du style, son écriture est la fusion du feu et de la glace. Laconique, tenue, sèche, cruelle et lyrique à la fois.
Toutefois, son dernier livre »The Year of Magical Thinking » (littéralement, «l’année de la pensée magique» c’est à dire le sentiment de pouvoir contrôler les événements par la seule force de la pensée), est une oeuvre à part, best-seller couronné par le National Book Award (dans la catégorie « Non-fiction » comme nous le précise ci-dessous Fausto).
Sobre et émouvant, il retrace l’année qui a suivi la mort soudaine de son mari, le romancier et scénariste John Gregory Dunne, début 2004. Mariés depuis 1964, ils formaient un couple phare de la vie culturelle de son pays, lié par une complicité intellectuelle d’exception. Joan Didion vient d’en terminer l’adaptation pour le théâtre qui sera interprétée à Broadway au printemps prochain. «La vie change vite. La vie change en un instant. Vous êtes assis à la table du dîner et la vie telle que vous la connaissez s’arrête», commencent ses premières lignes.
Pour qualifier son style littéraire, elle est comparée à une « version féminine de Samuel Beckett, en lunettes noires, qui siroterait un cocktail au bord d’une piscine californienne », avec une élégance très fitzgeraldienne.
Pour l’anecdote Donna Tartt, l’auteur du « Maître des illusions » se souvient de sa rencontre avec Bret Easton Ellis à l’université : « Bret avait déjà son look de toujours, costard noir, petite cravate. Je l’ai repéré, assis par terre dans le réfectoire, plongé dans un livre. Je me suis approchée sur l’air de « qu’est-ce que tu lis ? » Il a relevé la couverture pour que je puisse lire le nom de l’auteur. Et j’ai sorti de mon sac mon propre exemplaire d’un roman de Joan Didion. Nous sommes toujours amis.» Quelques années plus tard, à la sortie de Moins que zéro, son premier roman, Ellis clamera sur tous les tons qu’il lui doit tout. Jay McInerney pourrait en dire autant. Le jeune Nick McDonnel, auteur à 17 ans du très remarqué Douze (Denoël), a eu envie d’écrire après avoir lu Play It As It Lays. La liste est longue, toujours selon le Figaro.
Toutefois, l’on a beau chercher dans les librairies françaises, pas une trace de son oeuvre…
Nombreux ne s’expliquent d’ailleurs pas cette non traduction honteuse. « Qu’on ait jugé ses recueils d’essais politiques et de reportages, élevés au rang de classiques du genre, trop américano-américains, ou trop ancrés dans une actualité internationale déjà lointaine, passe encore. Mais ses romans ?« , s’interrogent les critiques.
Un parcours et une aura qui donnent envie de découvrir cette grande auteure (même si c’est avec un Harrap’s sous le coude !).
Mise à jour oct. 2007 : Lire la critique de « Maria avec ou sans rien », la traduction française du roman phare de Joan Didion « Play it as it lays »
Commandez le roman culte de Joan Didion (en VO) : « Play it as it lays »
*Chez Knopf en anglais. A paraître en français chez Grasset, courant 2007.
12 Commentaires
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On peut s’interroger sur la capacité de l’édition américaine (et/ou anglaise) à associer de gros cartons commerciaux et des livres proprement littéraires : je suis d’avis que l’essentiel de ce qui s’est fait d’intéressant en littérature ses 50 dernières années vient des EU.
…et la sortie récente en poche de l’excellent Well de Matthew McIntosh…
Intéressant ce Well !
La dame a t’elle des affinités avec ses aînées Dorothy Parker, Grace Paley ou Edith Warthon… ?
Elle apparaît creuser le même sillon de satire de haute société.
dans le même sillon de satire de haute société américaine et ou britannique il y a aussi evelyn waugh avec notamment "ces corps vils" ( vile bodies )
"The Year of Magical Thinking" n’est pas un roman, il a d’ailleurs été récompensé du National Book Award for non-fiction. Je ne la classerai certainement pas avec Wharton: Didion a écrit une poigné de très bon romans, mais c’est avant tout une journaliste.
Merci Fausto de cette précision.
On fait la correction.
Tu as pu lire cette auteur ?
Qu’as tu pensé de "Play It As It Lays" qui semble être son chef d’oeuvre ?
Concernant, les autres comparaisons avec Parker et Paley, difficile de répondre n’ayant lu que Parker 🙂
Il semble toutefois que son univers soit plus dérangeant et plus noir.
Je n’ai pas lu "Play as it lays", mais bien "A book of common prayer", traduit sous le titre "Un livre de raison", mais totalemnt épuisé – j’ai vu une fois l’édition 10/18 chez un libraire de seconde main. J’ai aussi "Democracy", lmais ne l’ai pas encore lu.
Je pense que ce que Ellis préfere chez Didion, c’est quand même ce pourquoi elle est plus connue: ses receuils d’articles. J’ai lu "Slouchin towards Bethlehem", "The White album" et "After Henry". Indéniablement une grande journaliste dotée d’un style très littéraire. je ne dirais pas qu’elle est particulièrement sombre – c’est au contraire une femme pleine de vie- mais il est certain qu’elle n’hésite pas à s’occuper de sujets difficiles. Elle a aussi une qualité rare: une objectivité qui ne vire jamais au relativisme le plus con. En pleine vogue hippie, c’est l’une des seules journalistes a n’avoir pas soit écrit des articles absolument réacs, soit des papiers de propagande pro-hippie. Une grande dame.
Merci beaucoup Fausto de ces compléments d’info très intéressants !
Tu es certain de ton info sur les articles pour Ellis ? Il semblait que c’était surtout son roman "Play as it lays" qu’il plébiscitait…
PS : très intéressant aussi ton blog (il est ajouté à notre « Buzz-list » !)
Merci, monsieur / madame Buzz!
Il me souvient avoir lu dans un kournal américain il y a bien six ans un article où Ellis mentionnait bien "Play as it lays", tout en ajoutant que son journalisme était une grande influence.
Jay Mcinerney fera sa seule rencontre en librairie en France le samedi 10 mars 2007 à 17h à L’Arbre à Lettres 62 rue du fbg St antoine à Paris (La Bastille) dans le 12ème. Si vous voulez le rencontrer … venez, vous êtes les bienvenus.
Stéphane
Pour info : "Play as it lay" est traduit chez Laffont sous le titre "Maria avec et sans rien" et disponible en ce moment dans un bon nombre de librairies (Fnac Montparnasse par exemple)Laffont l’a ressortit en aout dernier en pensant (a juste titre!) que les lecteurs de L’année de la pensée magioque voudrait lire d’autres titres de l’auteur.