Nouveau roman Frédéric Beigbeder : « Je prépare un roman sur Moscou »

Dans un entretien donné au Courrier de Russie, Frédéric Beigbeder analyse son succès en Russie où son roman 99 francs a été notamment traduit. Il dévoile même qu’il s’intéresse de très près à Moscou et au bouillonnement actuel de la capitale tant économique que culturel. A tel point qu’il envisagerait de planter le décor de son prochain roman près de la Place rouge ! Aurait-il donc abandonné son projet de tourner en satire le monde audiovisuel avec un « 99 jours » (suite à son expérience sur l’Hypershow) ? Un projet qui fait écho, coïncidence amusante avec la sortie et le succès en Russie d’un roman comparé à 99 francs justement (Doukhless du trentenaire Sergueï Minaev : « En panne de spirirtuel » en français).

Comment expliquez-vous votre popularité en Russie ?
Frédéric Beigbeder : Beaucoup de jeunes russes s’identifient à Octave, le héros de 99 francs. Or c’est un anti-héros, une satire, et je me moque de lui tout au long du livre. Je le trouve pathétique. Je montre quelqu’un de complètement vide, qui est fasciné par les belles voitures, les putes et la coke. Mon intention n’était pas d’en faire un exemple. Mais j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de jeunes russes qui ont trouvé là un idéal d’existence. Donc, il y aurait là une sorte de malentendu, et comme je suis très pervers je ne le dissipe pas vraiment. Car je l’aime bien Octave, et Oscar Dufresne, le héros de mon dernier livre est aussi très superficiel. C’est une partie de moi-même que j’accepte volontiers.

Lors d’une conférence, l’académicien russe Gasparov vous a défini comme un continuateur de Jean Baudrillard et de Boris Vian, qu’en pensez-vous ?
FB : Baudrillard a écrit de très beaux textes littéraires, mais c’est avant tout un sociologue. Il m’a certainement influencé dans la mesure où il a envie de résumer notre époque. Ce que j’aime chez Boris Vian, c’est sa légèreté, son émotion et son humour, les blagues les plus potaches, les plus stupides, sont très agréables. J’aime beaucoup dans mes livres dire un maximum de conneries ! J’essaie avant tout de faire rire les gens de ma génération.Je suis très flatté d’être considéré comme un disciple de Vian ou de Queneau, d’auteurs qui aimaient les mots, mais ne perdaient jamais de vue l’aspect ludique de la littérature. Car la littérature est un jeu, un jeu avec le lecteur, un jeu avec les mots. Si on a trop l’esprit de sérieux, on écrit des livres chiants.

Vous avez dit dans une interview que vous envisageriez de vous installer à Moscou. Auriez-vous l’intention d’y écrire un roman ?
FB : Vous m’avez percé à jour. Je suis venu et je vais souvent venir à Moscou, car j’ai l’intention d’écrire un roman sur ce qui se passe ici. Mais je ne peux pas m’installer à Moscou, car c’est une des villes les plus chères du monde… Ce qui s’y passe actuellement est passionnant. J’y retrouve dans les êtres une obsession qui traverse mon œuvre : la difficulté d’être libre. Mes personnages n’arrivent jamais vraiment à être libres, et quand ils le sont, ils se sentent seuls. Ils sont toujours insatisfaits. Il me semble que la Russie symbolise assez bien cette complexité de la liberté. C’est un pays qui est très libre, peut-être trop. C’est intéressant de venir ici pour répondre à la question : qu’est-ce qu’on fait de sa liberté ?

Que pensez-vous de Moscou ?
FB : Moscou me fait penser au Paris des années 20, où des écrivains américains comme Hemingway ou Henry Miller venaient pour baiser les filles et mener une vie plus libre.

Et les discothèques, car vous êtes aussi DJ à vos heures ?
FB : Moscou est certainement la ville au monde où il y a les meilleurs clubs. Après avoir mixé hier en tant que DJ au Kinotsentr, j’ai été invité à Diaghilev. C’est fou la manière dont les oligarques russes flambent leur argent ! Nos oligarques (car nous en avons aussi en France) le thésaurisent bien précieusement. Et les filles…

Source : Le courrier de Russie
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