A travers une trilogie de trois courts romans en forme d’essai interrogeant les enjeux culturels modernes, de l’avenir de la littérature et de la création artistique de façon générale, Philippe Vasset qui débarquait discrètement dans le paysage littéraire en 2001 avec son très remarqué Exemplaire de démonstration, a désormais su imposer son regard incisif, à la fois technique et lyrique, sur notre monde moderne. Une littérature d’anticipation qui n’est pas sans rappeler celle d’Orwell. Il explique son processus de travail et expose sa conception très particulière de l’art romanesque appliqué au monde des idées :
« Je ne vois pas l’intérêt de raconter des histoires aujourd’hui. Exemplaire de démonstration, mon premier livre, portait précisément sur la mécanisation de la fiction, il exprimait le sentiment que la fiction serait quelque chose comme un Meccano composé de milliers petites pièces déjà disponibles. Comme s’il s’agissait d’un jeu à côté de la société, à partir du monde. Mais le mystère, ce à quoi j’avais envie de me frotter, c’était le réel. Toutes ces choses pour lesquelles il n’y a pas de mode d’emploi. Toutes ces choses mille fois plus surprenantes que la fiction. A lire la fiction qui s’écrit aujourd’hui, j’ai souvent l’impression de me promener dans un jardin à la française : toutes les branches sont bien coupées – et on s’emmerde. »
« Les situations les plus intéressantes me semblent celles où le réel sert de point de départ à d epetits arcs fictionnels qu’une nouvelle vague de réel vient à son tour briser. Voilà comment s’opèrent les échanges entre réel et fiction, sans mode d’emploi. »
« Je suis totalement obsédé par la forme. Face à une idée ou un segment de réalité qui m’intéresse, j’ai d’abord le sentiment très fort d’être démuni. Et cela peut durer très longtemps. Il me faut un dispositif. J’ai même été jusqu’à appeler cela une « Machine » – c’était le sous-titre de mon premier roman. J’avais le fantasme du livre-formule, du livre qui focntionne comme une boîte à musique je ne me lance tant que je n’ai pas trouvé une forme qui me paraît faire justice au trouble que j’éprouve devant un pan du réel. »
« La seule raison peut-être pour laquelle je persiste dans ce champ un peu bizarre qu’est la littérature ou la fiction, c’est parce qu’on peut y faire le commerce d’idées sans le discours théoriques et sans le recours à l’argumentation. Il ne s’agit pas de délivrer des idées prêtes à l’emploi. Le « je pense » n’y a de sens qu’à travers un dispositif. Quand Exemplaire de démonstration a paru en anglais, on m’a demandé de préciser ma position théorique sur l’économie de l’édition – l’un des sujets du livre- mais énoncées comme ça, mes idées sur le sujet sont très pauvres… Seule, éventuellement la configuration romanesque leur confère une valeur. »
A lire aussi, les chroniques de:
Philippe Vasset, le Orwell moderne du roman d’anticipation culturelle
« Bandes alternées » de Philippe Vasset, La société du spectacle « home-made »
Derniers commentaires