A l’occasion d’un récent billet, étaient présentés les ouvrages « Le livre des hontes » de Jean-Pierre Martin et « Hontes » de Robin Robertson, Cuné qui vient de faire un billet sur le second ouvrage confie qu’elle rêverait de trouver la même anthologie des écrivains de l’hexagone. En écho à son interrogation, voici deux revues de presse sur la question : le Figaro s’est prêté à l’exercice en interrogeant Eliette Abécassis, Stephen Carrière, Serge Joncour, Charles Dantzig, Valentine Goby, Philippe Labro, Robert Sabatier, Marc Lambron et Jean-Marie Rouart… Le magazine Elle en a fait de même il y a quelques semaines avec notamment Yann Moix, Marie Desplechin ou encore Alice Ferney et Laurence Tardieu…
Extrait : Serge Joncour : «Le photographe téléphonait»
En général, une séance de photos c’est plutôt calme, mais ce photographe-là voulait de l’action, de la pause dynamique, le souci sans doute de trancher, il voulait me prendre en mouvement, c’est vrai que j’aurais pu dire non, sur le coup j’y ai pas pensé. Dites, votre bouquin, y parle de la mer ? Pas grave. On va sur le port de la Bastille, je vais vous prendre près des bateaux. Et là je me retrouvai face à une quasi-péniche, lui dans mon dos. L’air très naturel je faisais semblant de monter à bord, un pied sur le ponton, l’autre semelle déjà à bord, les deux mains sur le garde-corps, en plein déséquilibre. Nadar, avec sa manie d’explorer, alla se poster de l’autre côté du port, comme si son obsession était de me prendre toujours de plus en plus loin, de faire en sorte qu’on ne me voie plus. D’ailleurs il était tellement loin que je n’entendais même plus ses instructions. A un moment, j’ai même cru qu’il s’était barré. Oui c’est ça. En fait, non, il était accroupi là-bas, au téléphone. Depuis cinq minutes il téléphonait.
Dernier ouvrage paru : Que la paix soit avec vous (Flammarion).
Lire l’article complet « Le jour où j’ai eu honte » sur : http://www.lefigaro.fr/magazine/20061006.MAG000000289_le_jour_o_j_ai_eu_honte.html
Dans le dossier publié par Elle, on apprenait notamment que Yann Moix s’était vu humilier par une fille splendide tournant la page d’un air dégouté sur une de ses premières photos publiée dans un magazine alors qu’il était sur la banquette à côté d’elle (dans le métro), Marie Desplechin a expliqué qu’on la confondait régulièrement avec Marie Darrieussecq (peut-être en raison de leurs initiales communes, suppose-t’-elle) , Agnès Desarthe, Anna Galvada ou encore Virginie Despentes ! Désormais pour couper court, elle répond systématiquement « Non » quand on lui demande si elle est écrivain… (Voir la scène avec Charlotte Rampling dans le métro londonien dans Swimming pool de François Ozon !). Quant à Alice Ferney, elle se méfie beaucoup des rencontres lecteurs depuis qu’une lectrice a un jour descendu publiquement devant l’auditoire, son roman « La conversation amoureuse » en le qualifiant de « niais » et de « mal écrit » (et après avoir couvert d’éloges Camille Laurens également invitée ce jour là). Enfin Laurence Tardieu a été mortifiée lors d’une dédicace par la remarque glaciale d’un lecteur venu à sa table et qui lui assèna froidement : « J’étais sûr que vous étiez comme ça. »
14 Commentaires
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Merci pour ces revues de presse, Alexandra !
Liste non exhaustive et à compléter des petites hontes de l’écrivain – avec score associé :
– Remise d’un manuscrit à la personne de l’accueil qui le pose sur la pile. 40 points
– Même situation mais inversée : reprise du manuscrit après qu’il a été refusé. 150 points.
– Même situation que précédente, mais vous arrivez en même temps qu’un auteur célèbre accueilli par un grand « Comment allez-vous ? » – vous le voyez disparaître derrière une porte que vous ne franchirez jamais. 425 points.
– Lecture d’une lettre de refus. La première. 390 points.
– Les suivantes. 120, 60, 10 points.
– Refus de Le dilettante avec commentaire qui vous torche. 330 points.
– Réponse « Rien encore » à la personne à qui vous avouez écrire et qui vous demande chez quel éditeur. 600 points.
– Même situation, mais la personne est un DRH qui demande de justifier ce trou dans votre CV entre 1993 et 2002. 840 points.
– La question « Tu crois que tu pourrais me faire rencontrer Marc Lévy ? » quand vous dites, enfin, je suis publié chez Robert Laffont. 75 points.
– Quand vous découvrez que l’auteur récompensée pour son premier roman est à la fois talentueuse, jolie et qu’elle a tout simplement quinze ans d’avance sur vous. 354 points.
– Lorsque vous relisez une page que vous avez écrite la veille qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne vous honore pas. 115 points.
– Même situation mais vous avez fait la bêtise de la publier sur votre blog. 185 points.
– Idem, mais vous l’avez publiée sur le blog de quelqu’un d’autre qui, malgré vos supplications, refuse de l’effacer. 450 points.
– Commentaire de votre éditeur « On vous retrouve bien à travers ce personnage », quand celui-là est un vrai connard avec, visiblement, de sérieux problèmes sexuels. 1000 points.
– Quand la pile de votre livre en librairie n’a pas baissé d’une feuille en un mois. 340 points.
– Idem mais durée > à 60 jours. 450 points.
– Quand vous découvrez que la pile a fondu, qu’il n’en reste plus un seul exemplaire – après enquête, le libraire les a tous renvoyés chez votre éditeur. 520 points.
– Quand on vous dit que vous devez quand même être pas mal dérangé pour écrire des trucs comme ça. 670 points.
– Quand des gens se reconnaissent dans vos écrits, quand vous avez utilisé leurs vies et que ça les blesse. 980 points.
– …
Je t’en prie Cuné ! J’avais les infos sous le coude mais une grosse flemme pour rédiger… Mais cette bonne nouvelle (les prix) méritait que je fasse un effort tout de même, même si je trouve ces "hontes" très politiquement correctes…
Merci Nicolas pour ce best-of des hontes du "jeunoteur" !
J’attribue la palme à…
Ah j’hésite… : j’aime bien le
commentaire de l’éditeur à 1000 points et le Marc Lévy à 75 points… Dilemme 🙂
cher nicolas,
j’ai envoyé 20 romans différents en 20 ans avant d’être publié… je pense que c’est moi qui ai le maximum de points ( je dois taper dans le million) – à un moment donné, j’avais fait le compte , j’en étais à 278 lettres de refus.. c’est bon de se sentir enfin en tête de quelque chose..bonne soirée !
jp
J’ajouterais quelques hontes du wanabee:
– Vous écrivez votre roman à la gloire d’une fille dont vous êtes amoureux (mais ce n’est pas réciproque.) Elle le lit, vous dit qu’elle adore ce que vous avez écrit… Mais refuse de sortir avec vous. 50 points.
– La maison d’édition à compte d’auteur qui vous convoque pour vous faire signer un contrat. L’homme vous galvanise: "On va en vendre des milliers", "le meilleur livre que j’ai jamais lu… Et pourtant j’en ai lu cent rien que ce mois-ci", etc. Et une fois que vous repartez, vous l’entendez dire la même chose à la personne qui vous suit. 500 points.
– Le correcteur d’orthographe de Word en rideau (encore merci à ma soeur pour avoir planté mon ordi et l’avoir "réparé" sans me prevenir) et "l’éditeur" qui publie votre manuscrit en l’état, avec des fautes "énaurmes" à chaque ligne. Et la honte lorsque vous relisez votre livre. 250 points.
– La honte lorsque quelqu’un lit le dit-livre devant vous. 500 points.
– Pour le méchant, vous aviez pensé à vous inspirer de quelqu’un de proche. Par peur qu’il (elle) le prenne mal, vous avez modifié le prénom du personnage… Et après publication, vous découvrez une phrase où le prénom original est resté, trahissant vos pensées. 50 points.
– Vous lisez dans l’Express une critique d’un écrivain qui a votre age et qui publie "le" roman de l’année. Vous achetez le dit-roman et découvrez que vous écrivez bien mieux qu’elle. Sauf qu’elle a un gros contrat avec Grasset et que vous galérez. 50 points et un pot de Häagen Dazs pour vous en remettre.
– Vous avez "The" idée de roman. Vous rédigez quelques pages et pour vous détendre, vous achetez Télérama (on est mercredi) et à la rubrique "livres", vous découvrez un nouveau roman dont l’histoire est peu ou prou celle que vous comptiez écrire. 100 points.
– Vous êtes (enfin) invité à un salon du livre. Un visiteur prend votre dernier roman, le lit et fronce les sourcils, dégouté, repose le livre, vous dit "bonne continuation" et s’en va en courrant. 100 points.
Fête de l’Huma, le 16 septembre. Je viens à peine de m’assoir, ça grouille de monde, l’ordre alphabétique m’a placé à coté d’une grosse pointure. Une femme arrive avec sa copine, prend mon bouquin du bout des doigts, je souris benêtement, la femme lit le quatrième de couverture à haute fois, et fait " Peuh, quelle idiotie ! Je ne lirai jamais un livre pareil!"
Ca vaut combien de points ? Moi, je dirais bien 300.
Ne soyez pas modeste, auteuranonyme, je monterais bien à 850!
Bon… si tout le monde s’y met, je m’y colle aussi.
Petites (voire grosses) hontes de la journaliste pigiste :
Année de jeunesse : Interviewer Michel Tournier (pour Journal extime) et ne pas savoir ce que veut dire "borborygmes" ou du moins avoir un gros blanc (trac aidant) quand il se met à vous en parler. Voyant que vous hésitez, il vous pose la question direct "Vous savez ce que veut dire borborygmes ? " "Heu oui… à peu près" (faut-il être con pour répondre un truc pareil ?!!) et là il vous explique le mot, très pédagogue (et certainement en se demandant qui était cette journaliste analphabète qu’on lui avait collée…). Et là votre ventre se met à faire plein de borborygmes…
Interviewer un auteur et ne pas avoir lu son livre ou en diagonale (ça arrive très, très rarement hein !)
Etre obligée de faire une interview téléphonique dans les toilettes (avec votre portable) d’une grande tour à la Défense où vous avez été obligée de prendre un boulot d’appoint alimentaire pour payer vos factures tout en continuant vos piges bon gré mal gré, et là qqn tire la chasse d’eau à côté. Votre interlocuteur marque un gros blanc et vous vous sentez très petite tout à coup ( l’excuse des chutes du Niagara n’est même pas à penser en rêve…).
Demander des références littéraires à un auteur, il vous en cite deux, trois et vous n’en connaissez pas une seule mais vous prenez l’air de bien connaître (en priant bien fort pour qu’il ne creuse pas le sujet et ne regarde pas l’orthographe piteuse que vous inscrivez sur votre bloc notes…).
Vous êtes chez un éditeur bien connu pour une itv d’un auteur que vous n’adorez pas mais bon sympathique. Vous êtes très décontractée et tout à coup arrive un auteur que vous adorez.
Il est juste à côté de vous mais vous ne le voyez qu’au dernier moment et là il vous salue et vous restez muette comme une carpe genre la fan de base débile. L’attachée de presse vous présente quand même et vous restez pétrifiée jusqu’à ce que le pauvre homme s’éloigne, un peu gêné. Vous restez piteuse à vous insulter de tous les noms…
Faire une interview avec son cahier d’écolière et se mélanger systématiquement dans ses questions (genre poser 2 fois la même question), un peu troublée par l’auteur en face jusqu’à ce qu’il vous dise gentiment que vous lui faites penser à la cousine de Raphaël Mezrahi. (j’avoue que ça m’a fait beaucoup rire et que ça m’allait très bien !).
Je vous laisse attribuer les points… Je sais, je fais fort !
Et quand on interviewe Tahar Ben Jelloun et qu’en sortant son dictaphone de son sac on entraîne une petite culotte qui s’envole sur ses genoux, on a combien de points? Moralité: ne JAMAIS découcher la veille d’une interview…
Ahhh, journaliste honteuse, je crois que la timbale vous revient, avec 15 000 points, pas moins. Et juste après, Alexandra, et son interview dans la tour, très, très drôle.
Journaliste honteuse, tu m’as battue à plat de couture !
Comment s’est poursuivi l’entretien avec cette entrée en matière très… "glamour" ? 🙂
Hum, dans le même ton en fait: j’ai été très déçue par le bonhomme dont j’adore pourtant l’oeuvre, il s’est avéré plutôt libidineux (mais la faute m’en revient certainement en partie ;-).
Alors la, Alexandra, un sujet s’impose : les auteurs valent-ils la peine d’être connus ou vaut-il mieux se limiter à leurs écrits ?
En avant goût, les avis de ceux qui ont partagé les années d’études de Jean Eric Boulin, auteur de « Supplément au roman national » ici : http://www.culture-cafe.net/arch... (lire les commentaires)
Oui j’ai eu le même effet néfaste après bon nombre d’interviews d’auteurs. J’avais en effet l’intention de développer ce thème.
On entend beaucoup de gens dire qu’un auteur est bon parce qu’il est sympa… On peut être très con voire gougeat et être très bon d’un point de vue littéraire. Ca paraît une évidence mais cela ne l’est pas pour tout le monde… Surtout à l’heure où la vie privée obsède les médias et par ricochet le public.
Je citais aussi cet article et ses commentaires dans un autre billet (prix de Flore). Les réactions qui font l’amalgame perso/livre m’ont surprise.