La redoutable Laurence qui jette son dévolu à la manière d’un prédateur sur son collègue Alexandre Guyot dans l’excellent premier roman de Bernard Mourad « Les actifs corporels », est une figure féminine -romanesque- peu habituelle. Celle de la working-girl, diplômée hautement qualifiée, qui a géré sa carrière « comme un homme » et qui bien sûr en paie le prix (cliché ?). Un petit extrait corrosif et cruel qui brosse son portrait (et jette un regard fort lucide sur le diktat physique imposé aux femmes) alors qu’elle s’apprête à fondre sur sa proie sexuelle :
« Laurence se retourne. Elle a trente sept ans passés. Elle est consultante, elle possède des diplômes, elle est qualifiée : elle veut baiser. Ses seins sont pauvres, asthéniques, piqués de petits têtons hâves. Leur chair est creuse et comme repassée – deux misérables gants de toilette. Son pubis est planté d’une motte épaisse, complexe, enchevêtrée. Une flamme brune aux moirures roussâtres, incendiant l’entrejambe du rectum à l’ombilic. Elle ne s’épile pas le sexe et c’est assez disgracieux – comme un protège-slip en renard – mais elle n’en a cure : elle s’assume. Car elle a développé au cours de ses études puis de son parcours professsionnel stellaire, une forme aboutie de confiance en soi. Une confiance l’affranchissant de tous les dogmes esthétiques, et des prescriptions usuelles sur la maintenance des corps. Une confiance lui permettant de faire fi de toutes ces modes risibles, que les gourous de la cosmétique avaient réussi à élever – auprès des greluches, incultes, des faibles et des influençables – au rang de mesures d’hygiène alors qu’elles ne sont que sottes coquetteries – que pratiques dénaturantes.
Alors Laurence est bien comme ça. A l’aise avec son anatomie : étique/torve/touffue. »
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