Les premières critiques de cette rentrée littéraire de janvier 2007, riche de 542 nouveaux romans français et étrangers, commencent à poindre. Le très attendu dernier opus de Martin Amis, le talentueux et corrosif auteur de « Money », « London Field » ou encore de La flèche du temps, considéré par la prestigieuse revue littéraire britannique Granta comme l’un des meilleurs romanciers anglais contemporains, a été, contre toute attente, descendu en flèche par le Magazine littéraire du mois de janvier 2007, qui lui consacre une pleine page… de reproches !
Dans un article intitulé « Martin Amis perd la main« , le journaliste Aimé Ancian y assassine en règle les métaphores simplistes et lieux communs que l’écrivain aurait accumulées de chapitre en chapitre, en s’appuyant sur de nombreuses citations dont cette description de l’astre solaire à la page 28 : « A l’ouest était venu se poser un soleil couchant criard et même carrément porno. Il ressemblait à une gigantesque opération anti-incendie, avec des machinées éthérées, grues, échelles, le jet et la mousse des tuyaux et des colonnes d’alimentation, et les pompiers, ces djinns, dans leur travail titanesque : contenir l’enfer, contrôler l’enfer. »
Et le critique littéraire de commenter ironiquement (et un peu sévèrement il semble) : « Nous sommes au XXIe siècle et Amis ose encore comparer le soleil à un feu qui brûle – le camion de pompier en plus. » Il ajoute « Quand Martin Amis ne nous inflige pas sa vision du monde (entre autre sur les relations hommes/femmes, ndlr) par le biais de son personnage principal, il fait la satire de la monarchie britannique et des tabloïds, à travers des histoires secondaires enchâssées dans le récit principal. » Une caricature qui tomberait « à plat » et serait quelque peu dépassée, selon lui.
Enfin pour finir, il porte un dernier coup à la description des relations familiales, en particulier la relation père-fils (qu’Amis avait déjà abordé dans son précédent livre « Expérience » en 2003), autre pierre angulaire du roman, « qui manquerait de finesse »… La critique anglo-saxonne souligne quant à elle un roman assez décousu.
Ce réquisitoire sans appel est-il bien légitime… ? A vous de prononcer votre verdict !
Découvrez Chien jaune
A propos de Chien Jaune de Martin Amis (présentation de l’éditeur) :
Ou comment un drame transforme un homme en monstre… Entre comédie satitique et conte noir dérangeant…
Xan Méo, artiste polyvalent, peut être content de sa vie : le succès, une vie privée comblée entre sa femme Russia et ses deux fillettes. Le soir de ses quarante-sept ans, alors qu’il célèbre seul son anniversaire dans son pub favori, il se fait bastonner jusqu’à en perdre connaissance. Lorsqu’il reprend conscience, il n’est plus le même homme : sous le coup d’un traumatisme cérébral, il se met à regarder les femmes comme de la chair fraîche. Même sa petite fille de quatre ans lui paraît bien coquine…
En pleine déroute familiale et psychologique, Xan décide de mener l’enquête pour retrouver son agresseur. Sur son chemin, il ne va pas tarder à croiser des personnages tout aussi déjantés : Clint Smoker, « journaliste » de la presse à scandale la plus abjecte, complexé par ses piètres performances sexuelles ; une famille royale à peine imaginaire menacée par des révélations compromettantes ; un caïd britannique exilé en Californie et sa nièce, égérie du porno, et des dizaines de personnages secondaires particulièrement pittoresques, comme ce SDF qui vit chez sa mère. Au fur et à mesure que les pistes convergent, les héros réalisent qu’ils sont tous pris dans une même conspiration…
En détournant les codes du roman noir (suspens, révélation, fausse piste), Martin Amis dresse un tableau haut en couleurs de l’Angleterre de la fin des années 1990 et, à travers elle, des maux du monde moderne : éclatement des barrières entre vie publique et vie privée, exhibitionnisme médiatique, violence… Tout cela avec un humour ravageur servi par un style époustouflant, qui fait de Chien Jaune un livre hilarant, caustique, qui gratte là où cela démange.
9 Commentaires
Passer au formulaire de commentaire
Je suis très déçue… J’attendais en effet avec impatience le dernier roman de Martin Amis, auteur que je suis depuis plusieurs années désormais… Je vais le lire et m’en faire une opinion personnelle…
Je te souhaite une très belle année 2007
une critique c’est toujours très subjectif donc peut-être que tu apprécieras tout de même ce nouvel opus (j’attends avec impatience ton verdict !). Les citations stylistiques ne m’ont pas semblé scandaleuses par contre je suis plus attentive à la critique sur la structure multithématique du livre qui semble en effet assez confuse… Quels sont les romans d’Amis que tu as préférés sinon ?
Belle année romanesque à toi aussi !
De toute façon, un bon auteur n’est pas censé plaire à tout le monde…
Il n’y a rien de pire que la pensée unique, a fortiori en littérature.
En attendant, j’avoue que cela fait au moins 15 jours que je n’ai pas touché un livre, alors que deux romans, offerts à noël, trainent sur ma table…
(Dernier livre lu: "Les braises" de Sandor Marai, une nouvelle d’un rythme extrêment lent, jusqu’à la caricature.)
Le soleil c’est bien du feu qui brûle, non? Le 21ème siècle n’a rien changé à tout ça? Rassurez-moi. Une comparaison, c’est mettre en parallèle 2 termes. Ici, soleil = feu, donc un seul terme, donc, pas de comparaison. Au mieux, une métonymie. Ils devraient revoir leurs figures de style, au Mag Littéraire.
Tout ça pour montrer que la mauvaise foi, on l’utilise comme on veut. 🙂
Bravo Alexandra pour le boulot accompli.
on peut lire également ici une longue critique du livre
"L’enfant terrible des lettres britanniques publie un mauvais roman et un excellent recueil de chroniques littéraires. Au choix."
editionseho.typepad.fr/we…
Merci mon cher Nicolas. C’est très intéressant et mieux justifié que dans le Mag littéraire je trouve (avec tout le respect que je leur dois !).
Merci Chien blanc, cette métaphore sur le soleil n’était pas choquante j’ai trouvé aussi, en particulier la notion de "soieil porno" assez originale finalement. Je crois que ce n’est qu’un détail en fait mais qui a apparemment choqué le critique littéraire…
Il arrive ce que je craignais: certains journalistes français préfèrent offrir comme leur opinion un condensé des propos publiés au Royaume-Uni, sans se rendre compte qu’il s’agissait alors d’un réglement de compte plutôt qu’une lecture raisonnée. On remarquera qu’on lui reproche ce pourquoi on lui chantait les louanges il y a peu, sans expliquer en quoi son écriture serait devenue surannée.
Ce que j’en disais il y a un an et demi:
table-rase.blogspot.com/2…
On notera que le véritable nouveau livre de Amis, "House of meetings", est très différent et vraiment excellent.
table-rase.blogspot.com/2…
Merci Fausto, le spécialiste d’Amis !
Entre temps bon nombre de critiques sont tombées et même une itv.
Avis très partagés.
Paraît il même qu’Amis est "l’écrivain britannique le plus haï" en Grande Bretagne…
Pour le Nouvel Obs « Chien jaune », c’est la société britannique mise à nue par ses vicelards, même.
livres.nouvelobs.com/paru…
Amis explique que le sujet du livre, c’est « l’obscénification » de la vie ordinaire.
Ce qui est il est vrai, n’est pas très nouveau mais bon… 🙂
Le Figaro est plus sévère : on dirait qu’Amis s’autoparodie, qu’il pianote sur son ordinateur en bâillant et dénonce "une vieille odeur de réchauffé" même si "le savoir-faire est toujours là, avec cette ambiance de fin du monde, ces villes crépusculaires et dangereuses, le stupre et la corruption qui sont partout."
http://www.lefigaro.fr/litterair...
Le Monde s’extasie : "Dans une langue déroutante et splendide, traversée d’éclairs de génie et d’obscurités irréductibles, cet écrivain de 57 ans s’affirme, une fois de plus, comme l’un des plus passionnants de sa génération." ou "Tous les styles cohabitent dans ce texte effervescent, placé sous le patronage amusé de quelques grands aînés tels que Borges, Fielding ou Swift."
http://www.lemonde.fr/web/articl...
Une seule chose reste à faire : se faire sa propre opinion. Bonne lecture !
aimé ancian, journaliste ??!!?
eeuuuh, si on parle bien du même, moi j’en ai connu un en école de commerce… ceci explique donc peut-être cela…