Après avoir passé difficilement le cap des 30 ans dans l’album précédent où la quête de l’amour lui donnait des nuits blanches, ce troisième album constitue un album charnière dans la « saga » Monsieur Jean de Dupuy-Berbérian. Il marque en effet la fin du célibat de notre héros avec la rencontre de son âme sœur. Il aura enfin une réponse (et « quelqu’un à présenter » à donner à ses parents qui lui posent la question rituelle à chaque déjeuner familial s’il a « rencontré quelqu’un ». Mais comme on pourrait s’en douter les choses ne sont pas si simples. Entre problème de logement, femme libérée, voisin suicidaire, jalousie d’un ex un peu nerveux et le souvenir douloureux d’un amour de jeunesse…
En effet, les récits qui le composent renvoient, paradoxalement, une image assez négative du couple. Tout d’abord à travers un cauchemar, comme d’habitude symptomatique, qui hante Jean tout au long de l’album, où il s’imagine en seigneur d’un château, pris d’assaut par des mères qui jettent leurs bambins braillards aux guerriers paniqués ! L’album suit également un couple d’amis, jeunes parents de jumeaux tout aussi larmoyants, passant leur temps à se disputer. Bref, une image peu réjouissante du couple et de la famille s’offre ici à Jean. Image qui ne fait que renforcer son angoisse face à ce « modèle social ». Et pourtant… Pourtant, il finira lui aussi par « se ranger » après plusieurs péripéties particulièrement croustillantes.
Parmi celles-ci, une histoire d’immeuble comme le duo Dupuy-Berbérian les affectionne, racontant la tentative de suicide d’un voisin dépressif et parallèlement la crainte de Jean de devoir quitter son appartement face à la hausse de son loyer. A priori rien à voir et pourtant comme toujours ces deux « crises » finissent par se recouper et lui donner des ailes pour profiter de sa jeunesse ! Son meilleur ami squatteur Félix (qui a récupéré la garde de l’enfant de son ex, le fameux Eugène que l’on retrouve par la suite) et Madame Poulot font ici quelques apparitions.
La plus réussie reste tout de même son aventure avec « Manureva », une jeune femme rencontrée dans une salle de gym, fan d’Alain Chamfort. A la fois drôle et tendre, elle aborde aussi la question des préjugés culturels, dans la veine du film « Le goût des autres ». Nous avons droit également à un traditionnel petit retour dans le passé adolescent de Jean, pour notre plus grand plaisir. On y découvre l’histoire de sa rupture avec une certaine Cathy, à l’époque de son service militaire, un moment difficile qui sera dédramatisé par la rencontre avec une joyeuse équipée de bonnes sœurs qui le prendront en auto-stop !
Et comme le hasard fait parfois bien les choses : C’est justement cette Cathy qu’il retrouvera, à l’occasion de vacances en Bretagne avec le couple aux jumeaux (et scènes de ménage !). D’abord frappé de stupeur et de colère, il finira par se rapprocher d’elle mais lui pardonnera-t-il la souffrance qu’elle lui a fait endurer des années auparavant ? Pour mettre fin à ce suspens insoutenable, lisez en urgence ce tome 3 qui compte parmi les plus réussis des albums de Monsieur Jean et creuse ce dilemme qui talonne les trentenaires : la peur d’être seul, la peur de perdre sa liberté, d’avoir des enfants, des responsabilités et toujours cette nostalgie de la jeunesse qui flotte…
Le dessin acquiert ici une plus grande liberté et originalité. Il nous gratifie de quelques belles scènes comme la scène finale surplombant le Canal Saint Martin, des cadrages innovants (scènes de lit ou confrontation entre Cathy et Jean vue sous plusieurs perspectives…) ou encore des trouvailles humoristiques comme la personnalisation du jeu de Mille Bornes à l’effigie des personnages et symbolisant leurs relations.
On le lit d’une traite et on referme le sourire aux lèvres, tout à coup bien plus léger !
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