Dans son roman sulfureux intitulé « Women », publié en 1978, Bukowski alias le « vieux dégueulasse », figure majeure de la Beat generation, passe en revue ses conquêtes dans l’Amérique des années 60. Mais derrière le prédateur sexuel se cache aussi un grand sentimental… Voici un petit extrait touchant où il évoque ses compagnes sous un jour plus tendre. En écho, un autre extrait de « Zone érogène« , 2e roman de Philippe Djian, paru en 1984, grand lecteur et disciple de Bukowski :
« Quelque chose clochait chez moi : je pensais énormément au sexe. Je m’imaginais au lit avec chaque femme que je voyais. C’était une façon agréable de passer le temps (…). Les femmes : j’aimais les couleurs de leurs vêtements ; leur démarche ; la cruauté de certains visages ; de temps en temps, la beauté presque parfaite d’un autre visage, totalement et superbement féminin. Elles possèdaient un avantage sur nous : elles planifiaient beaucoup mieux leur vie, elles étaient mieux organisées. Pendant que les hommes regardaient les matches de football ou buvaient une bière ou jouaient au bowling, elles, les femmes, pensaient à nous, se concentraient, étudiaient le problème, décidaient – de nous accepter, de nous rejeter, de nous échanger, de nous tuer ou, plus simplement, de nous quitter. En fin de compte quel que soit leur choix, nous finissions dans la solitude et la folie. » Charles Bukowski (extrait de Women)
« En beaucoup de domaines, j’étais un sentimental : des chaussures de femme sous le lit ; une épingle à cheveux abandonnée sur la commode ; leur façon de dire : « Je vais faire pipi… » les rubans qu’elles mettent dans leurs cheveux ; descendre le boulevard avec elles, à une heure et demi de l’après-midi de l’après-midi, deux personnes marchant ensemble, simplement ; les longues nuits de beuverie, de tabagie, de discussions ; les scènes ; penser au suicide ; partager un repas en se sentant bien ; les plaisanteries, les rires absurdes ; sentir les miracles dans l’air ; ensemble dans une voiture en stationnement ; comparer les amours d’antan à trois heures du matin ; s’entendre dire qu’on ronfle, écouter ronfler ; les mères, les filles, les fils, les chats, les chiens ; parfois la mort , parfois le divorce, mais toujours continuer, s’accrocher ; lire seul le journal dans une buvette et sentir une nausée te retourner l’estomac parce que maintenant elle est mariée avec un dentiste ayant un QI de 95 ; les courses de chevaux, les parcs, les pique-niques dans les parcs ; même la prison ; ton goût pour la gnôle, son goût pour la danse, tes baises en douce, et elle qui fait pareil ; dormir ensemble… » Charles Bukowski (2e extrait de Women)
« J’aime écrire dans une ambiance sexuelle, j’aime quand elle se lève à trois heures du matin pour chercher un verre d’eau et que je la chope au passage, j’aime quand le drap glisse sous un rayon de lune et me fait apparaître un bras ou une cuisse argentée, j’aime quand elle vient me sucer au milieu d’un chapitre et que la machine continue à ronronner tandis que nous glissons sous la table, j’aime retourner au travail l’esprit débarassé de toutes ces saletés, j’aime quand elle vient me masser la nuque et qu’elle reste silencieuse, j’aime quand elle se fait les ongles, j’aime ses ongles, j’aime ça écrire avec une femme dans les parages, une femme à portée de voix. » Philippe Djian (extrait de « Zone érogène« )
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