Anne-Laure Mahé vous parle de son roman original « Ticket de caisse« : « Le sujet de Ticket de Caisse m’est venu de l’air du temps… car c’est aujourd’hui difficile de vivre d’eau fraîche mais facile d’écrire de l’air du temps. Il suffit d’observer pour imaginer. Je suis étonnée au jour le jour des inventions commerciales que l’on trouve sur le marché florissant du couple en devenir et choquée de la stigmatisation croissante en parallèle du célibat. Ce sentiment a fait naître en moi, il y a quelque temps, l’envie d’affûter ma plume pour me donner la joie de faire une satire du système. C’est là que j’ai pensé à mon personnage de Lilith Putien et à sa percée initiatique dans un monde qui grossit les traits de notre société.
Puisque ma marotte littéraire est de travailler sur plusieurs points de vue, je me suis plongée dans le langage de nombreux personnages différents, tous reliés par le fil de l’héroïne. J’ose croire encore que la littérature puisse être assassine et légère en même temps. A ce titre, la verve ironique, voire acide d’un Voltaire m’inspire encore aujourd’hui. J’aime les auteurs engagés qu’ils soient critiques d’art à la Baudelaire, poètes anarchiste à la Ferré, observateurs de la société à la Zola ou de l’âme humaine à la manière de Gavalda. Les classiques aimaient plaire et instruire. Quatre siècles plus tard, je trouve cette devise littéraire très adaptée à notre monde. Je ne suis pas pour autant une littéraire, auteur et professeur, passéiste. Il me plaît d’aller fureter à droite et à gauche, dans les librairies ou sur le Buzz du Net, pour chiner de petites perles.
Pour les amateurs de LECTURES THEATRALES, venez profiter du talent de comédiens qui mettent en bouche des amuse-gueules textuels de Ticket de Caisse :
Extraits du livre :
« Chères lectrices, chers lecteurs, le documentaire que vous allez suivre réunit des interviews publiées dans les pages Portraits du quotidien La Poule Déchaînée, pour lequel je suis chroniqueur. » John Rilke Journaliste et écrivain le 24 août 2032 L’ART DU CV – MAX J’ai un Master, deux DEA, trois DESS. Toujours major de promo. Je suis polyglotte. Je ne bois pas. Je ne fume pas. J’ai 28 ans. J’ai une tare pour les employeurs, les employeurs professionnels, pas ceux du coeur : je suis Noir. On me disait toujours: « Vous êtes surdiplômé pour cet emploi, M. Adelloua ». Surdiplômé, dans la langue française professionnelle, ça veut dire: Noir » LES CARTES DE VISITE – MONSIEUR NELASIS Deux fois, elle est venue. Deux fois. Pour des cartes de visite. Deux fois pour des cartes de visite. Les plus chères du magasin! (…) L’amour, c’est comme le travail. Dans le travail, c’est connu, les gens se font une opinion de l’autre et de son compte en banque à la carte de visite. Dans le travail. Dans l’amour aussi. Alors, les gens, ils la regardent et ils la touchent. Ils la touchent. C’est un signe. De richesse. La carte de visite. La jeune dame, la fille de ma voisine, elle le savait ça. » LE LPR – SANDRA A la fin de l’entretien collectif, nous émargeons un feuille. Nous signons un autre papier. Il autorise Amour Toujours à vendre la cassette de cet entretien. Les médias adorent les Love Professionnal Recrutement, puisqu’ils réunissent les deux obsessions de la société: le couple et le travail et ses deux peurs majeures: le célibat et la précarité. Je découvre trois mois après sur une chaîne publique que c’est la numéro 5 qui a obtenu le poste, Lilith Putien. C’était la première fois qu’on parlait d’elle à la télé. » LA TOUTE PREMIERE FOIS – ANDREA – Vous parlez peu, détendez-vous. Je vous impressionne, c’est ça? Plus jeune, à votre place, moi aussi j’étais impressionnée. Oui, j’ai répondu oui…et…elle m’a embauchée! Pour…le brasier… dans mes yeux… elle m’a dit un peu plus tard. Au fond… c’était une romantique… elle a voulu croire que j’étais la bonne… parce que j’étais la première… sinon… d’autres candidates… elle aurait écouté d’autres candidates… Une logique amoureuse… elle suivait une logique plus amoureuse… que professionnelle… » LE CCDI – CAMILLE Il est vrai que nous avons contracté un contrat du coeur à durée indéterminée, avec une période d’essai de trois mois renouvelable une fois et que je me réjouissais de ce nouveau poste dans la société de Mme Putien, Valeur Sûre. » LE GRAND JEU DU SAMEDI CHEZ DENOTER – Mme DIEGÈSE Est apparue une belle fille, droite comme une statue, en maillot de bain, qui tenait dans les bras des boîtes de cassoulet et de confits de canard, avec à ses pieds, du foie gras entier. Ça tombait bien : à la maison on adore les produits du Sud Ouest et le foie gras, on le garderait pour Noël. Tout le monde a applaudi. On m’a tendu le micro. « Vous êtes satisfaite ? » a demandé l’animatrice. J’ai dit que ça me faisait bien plaisir. « Et la jeune femme, vous allez l’offrir à qui ?«
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