Olivier Las Vergnas, directeur de la Cité des métiers à la Cité des sciences nous a écrit (avant les élections) pour vous présenter son premier roman, à la fois politique fiction et policier, intitulé « Romanesque 2.0 », publié chez Le passager clandestin, une toute jeune maison d’édition qui se qualifie « d’indépendante, curieuse, parfois polémique, toujours engagée et citoyenne ». Il imagine un logiciel révolutionnaire d’aide à l’écriture avec lequel n’importe qui peut devenir romancier en une nuit. Un thème qui n’est pas sans rappeler celui du roman de Philippe Vasset intitulé « Exemplaire de démonstration« . Mais parole à l’auteur : « Sans doute ne devrais-je pas me lancer dans la publication d’un premier roman à mon âge (voir mon site perso à http://enviedesavoir.org)… D’autant que j’ai déjà concrétisé plusieurs « créations », comme « Les nuits des étoiles » tous les étés, « les Cités des métiers » à La Villette et ailleurs dans le monde, des séries documentaires TV, comme « Le temps des souris »… J’aurai dû en rester là et ne pas m’exposer plus encore, surtout dans un monde aussi difficile à pénétrer que celui de l’édition romanesque.
Mais, je me suis laissé entraîné ; j’ai répondu à une demande d’un tout jeune éditeur qui voulait se lancer (Nicolas Bayart, cf Le passager clandestin ). Il avait déjà trouvé des auteurs décédés à republier (D. Thoreau, J. Jaures et J. Guesde) ; il cherchait aussi à publier le roman d’un auteur « engagé » et encore en vie et je n’ai pas su refuser… Et cela a donné « Romanesque 2.0 », à découvrir sur http://romanesque.fr avec une intrigue d’actualité…
Le héros de cette fiction ? Un logiciel révolutionnaire d’aide à l’écriture. Avec lui, n’importe qui peut devenir romancier en une nuit. Mais pour Naïma, Romanesque est surtout le plus beau souvenir qu’elle a conservé de son petit frère Abdel : ce surdoué du C++ avait développé ce logiciel juste avant de se faire massacrer par des provocateurs dans sa cité du Clair Soleil. Pas question de le brader.
Aujourd’hui, à la veille des élections, les violences et les ratonnades réapparaissent. Le Clair Soleil s’enflamme à nouveau. Et si Romanesque devenait un instrument de vengeance ? Et s’il bouleversait la campagne électorale ? »
Romanesque 2.0 est disponible en librairie depuis le 19 mars 2007, avec les 3 autres premiers ouvrages publiés par les nouvelles éditions du « Passager clandestin » (distribuées par Pollen). Les trois autres titres choisis par N. Bayart sont deux rééditions engagées :
– « la désobéissance civile » de Thoreau,
– « les discours des deux méthodes » de Jean Jaurès et Jules Guesde (débat célèbre du début du siècle entre une politique radicale ou une politique de compromis)
-ainsi qu’un essai de réflexion écologique sur l’histoire de la relation homme-nature : « des arbres pas corrects » de Muriel Allaert Degunst (élue locale du Nord-Pas de Calais).
Bien sûr, une telle maison d’édition née ex nihilo n’a aucune chance d’être connue si elle n’est pas soutenue par des réseaux, des médias, des mailing list … Donc l’idée est de trouver des relais qui pourraent faire connaitre « le passager clandestin » car ils trouveraient intéressant :
– pour la maison d’édition : l’audace de lancer une maison dans ce contexte électoral, sans faire la propagande pour telle ou tel candidat(e) mais surtout fournir des éclairages sur des questions clefs (écologie, lois et ordres, démocratie, démagogie et manipulations, banlieues),
– pour le roman lui-même, la relation entre création et technologie, le processus de création littéraire, l’exploitation de la peur des violences en banlieue…
Pour en savoir plus :
– sur Olivier Las vergnas l’auteur,
– sur le Romanesque 2.0 le roman,
– sur le passager clandestin, l’éditeur : voir par ex
Mes sources d’inspiration, pourquoi ce sujet ?
En fait, je traite de deux sujets :
– les logiciels d’écriture, sujet clef pour un écrivain parce qu’il permet de mettre en scène et en abime la question du processus de l’écriture romanesque, surtout dans un récit qui met aussi en scène un « nègre » et un atelier d’écriture…
– les manipulations des violences en banlieue, thème qui permet de questionner les idées reçues et la pensée unique, surtout en période pré-électorale.
Mes références/influences littéraires personnelles :
Tous ceux qui essayent de déclencher des remises en cause d’idées reçues, des stéréotypes en incarnant des personnages nuancés, donc paradoxaux. Beaucoup de SF dans ma jeunesse et une envie d’essayer d’écrire comme on filme et de construire l’histoire comme on monte une vidéo…
Extrait choisi de « Romanesque 2.0 » :
« Un double clic et une multitude de pages miniatures s’affichent à l’écran, marqué de couleurs vives :
« On dirait une collection de timbres.
– Douze lignes de quatorze vignettes, une par page.
Les jaunes du début correspondent aux deux premiers chapitres, avec la mise en place des personnages.
Ensuite, les pages deviennent rouges. Tu vois celle avec un petit revolver ? Il indique le moment le meurtre. Et le plus drôle, c’est qu’on entend bang bang quand on fait un roll over avec la souris. Mais on n’est pas la pour ça. Le premier rebondissement a été placé au chapitre six et le second au chapitre neuf. Regarde, il y a des petites bombes sur les pages. »
Pierre se redresse et se cale dans le fauteuil en position de travail :
«Le bang bang et tes bombinettes, ça c’est plutôt cucu. Et encore je suis gentil. Passons plutôt aux choses sérieuses. Marge de manoeuvre sur le scénario ?
– Tu vas être scié ! Elle est totale, il s’agit vraiment d’un système expert qui écrit des histoires lisibles ! Et pas d’un gadget qui produit une vague écriture approximative. Pour l’instant, configure l’histoire comme tu veux. En bougeant les curseurs avec la souris, tu ajustes directement la place des rebondissements, pour changer le rythme. Autre chose : tu vois le bouton modifier les personnages ? Il donne accès aux fiches d’identité, avec le supposé Maigret, Mata Hari, Lolita et Charles Henri ; c’est le nom du joueur de golf…
Et ces pointillés jaunes au milieu ? Ils indiquent les entrées en scène. Vu ton impatience, ajoute Tran, clique plutôt sur un chapitre. Tu vas voir ; chacun est résumé dans une fiche signalétique.
– On y accède par là, suppose Pierre en survolant de sa flèche une petite grille numérotée de un à douze. » Il clique rapidement sur le chapitre sept. Un coup d’oeil à la grille de description proposant lieux, personnages, actions, style et il revient à la vision d’ensemble.
« J’ai compris le principe, marmonne-t-il entre ses dents. Jusque là, rien à dire : du beau boulot, bien trop kitch comme look, mais ça peut se retravailler. Pour le reste, toutes les décisions sont prises par défaut. Restent juste à choisir les paramètres que l’on souhaite modifier. Ce n’est pas un peu frustrant comme truc ? Est qu’on laisse assez de place à celui qui joue ?
– Je ne sais pas si on peut vraiment parler de jouer avec ce soft. Mais, allons à l’essentiel. Fais-toi ton opinion, c’est ça qui m’intéresse ; clique sur O.K, pour voir le texte. »
Les yeux de Pierre se froncent : deux pages de front suggèrent une édition de luxe avec un filigrane. Ecran après écran, il survole le roman avec avidité, comme quand on enlève un pochoir pour révéler le résultat.
3 Commentaires
A signaler : depuis cette parution, nous avons créé en lien avec le site romanesque.fr le blog d’Abdel (le créateur du logiciel Romanesque) autoKteb.org Blog pour rendre compte au quotidien de l’actualité des automates générateurs de romans, comme "Mexica" de Perez y perez qui génère de l’héroic fantasy azteque…
A propos de ces deux sujets :
"La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures." Noam Chomsky
"Vous pouvez devenir écrivain. Mais il faut être auteur." Ernst Jünger
Les logiciels d’écriture et la manipulation des violences, certainement un grand pas vers la pensée unique. Merci pour cette entrevue.
"Autopsie d’un sans-papiers", nouveau roman d’anticipation sociale d’OLV et suite de Romanesque 2.0 est
disponible en libraire depuis le 19 mars 2009.
On ne naît pas sans-papiers. On le devient. Je ne sais d’ailleurs pas précisément quand j’ai officiellement rejoint cette grande famille des parias dûment homologués. Je suis né et j’ai grandi dans un pays où les miens n’étaient pas acceptés. En sortant de l’enfance, j’ai compris que mon vrai pays n’existait plus…
[ + sur les pages web du roman à sanspap.fr ].