Quatrième étape haute en couleurs de nos rencontres avec les auteurs du Salon du livre dernier à Paris, avec le nouveau visage de Vincent Ravalec. Avec « Les filles sont bêtes et les garçons sont idiots », l’écrivain éclectique confirme la nouvelle trajectoire que prend son écriture et les terrains qu’elle explore. L’auteur, considéré comme chef de file de « la littérature nouvelle génération » lors de la pulication d’Un pur moment de rock’n’roll, son premier recueil de nouvelles (1992) qui l’a sorti de l’ombre (et lui valut le prix de Flore), puis en 1994 de « Cantique de la racaille » (ré-édité en mars 2006, J’ai lu) a délaissé son humour noir et son univers fait de loosers déjantés et autres petites frappes malchanceuses, cessé de décrypter les mystères du chamanisme et fait une volte-face avec une collection de livre frais et tout aussi truculents, pour les adolescents… comme pour leurs parents !
Buzz littéraire : Comment expliquez-vous une telle volte-face littéraire ?
Vincent Ravalec : L’écriture est pour moi une possibilité d’explorer les différents aspects de la vie, et les façons de la vivre. J’ai envie de tester toutes les possibilités. Ces thèmes là en font partie, comme ce lectorat plus jeune.
B.L : Comment vous est venue l’idée de livres pour le jeune public ? Et pourquoi maintenant ?
V.R : Cela a commencé avec « Ma fille à 14 ans » (2005, Librio). Je ne voulais pas spécialement écrire pour les adolescents, mais c’était une manière de dialoguer avec elle. C’est une approche moins brutale et plus ludique de toucher les adolescents à travers un livre. Il me semble qu’écrire pour les jeunes, cela vient avec l’âge. On se tourne plus facilement vers ce lectorat avec un certain nombre d’année derrière soi peut-être… Cette direction prise n’exclut pas les lecteurs plus mûrs (j’ai d’ailleurs de bons retours émanant d’adultes sur ces ouvrages)
B.L : Que vous apporte cette nouvelle orientation ?
V. R : C’est très amusant ! Et en même temps assez exigeant. Il faut tout de même adapter son langage. Cependant, l’usage de certains mots désuets, comme « crotte », est volontaire. Je ne copie pas leurs expressions.
B.L : Et les questions bonus… Que pensez-vous de l’exercice du salon du livre ?
V. R : J’aime beaucoup le salon du livre pour les opportunités de découvertes qu’il offre. Et notamment pour les petites maisons d’éditions ou les éditeurs régionaux. Si on prend le temps rencontrer les gens, de s’arrêter sur quelques livres, on peut faire de bonnes découvertes. Tant de livres, d’histoires, de personnalités réunis dans un même lieu, c’est absolument extra.
B.L : Quels sont vos coups de cœur littéraires de l’année ?
V.R : Les récits de voyages d’Alexandre Dumas, que je viens de lire, et les livres de Neil Geiman au Diable Vauvert. Et j’ai découvert sur le salon, avec un vif intérêt le travail de Toussaint-Laventure, éditeur toulousain.
Du côté des parutions à venir, Vincent Ravalec devrait sortir prochainement un nouvel ouvrage dans cette veine, ayant pour thème l’école (le précédent abordait la citoyenneté dans « Le président ne peut pas être un imbécile » (2007, Panama). Un nouveau roman tous les huit mois environ devrait enrichir cette collection.
Photo et propos recueillis par Anne-Laure Bovéron
A noter que Vincent Ravalec a également publié lors de la rentrée littéraire de janvier 2007 « Hépatite C« , son vingt-neuvième livre !
Il se lance à son tour, comme plusieurs écrivains avant lui dans le récit au quotidien de sa maladie, l’Hépatite C (contractée dans les années 70, époque hippie), ce qui peut de prime abord rebuter…
Evitant l’écueil de « la métaphysique des ennuis de santé », il livre au contraire un texte épique et ose faire rire avec la maladie. En prélude, il tourne en dérision son hypocondrie et les nouveaux réflexes de santé (surf compulsif sur Internet) qui paniquent le narrateur découvrant, pantelant, le détail des souffrances qui l’attendent, son agonie prochaine ou encore les effets secondaires des soins… Puis c’est l’attaque du traitement et de ses « effets indésirables éventuels » : troubles dépressifs, idées suicidaires, agressivité… Effets que l’auteur a parfois amplifié ou rendu cocasse pour les besoins du récit. S’entremêle donc joyeusement le vrai, le faux et la douce folie au pays des organes et de la santé vaseuse. Angoisse à domicile (les murs se rapprochent), visite d’un couvent pyrénéen démoniaque, parcours du combattant à la Sécu, intégration d’un groupe de parole (« Les Amis de l’hépatite C ») où rôde une nympho, jusqu’à l’heureux épilogue… Malgré ces épreuves, le ton reste alerte, vif et incisif, toujours aussi à l’aise pour coupler langue écrite et orale même si « la situation n’était pas joyeuse joyeuse ». Ravalec dédramatise la maladie par des détails drôlatiques, dans la veine d’un Mocky, telle que la résignation ahurie des enfants quand il commence à « péter les plombs » ou son entrée dans le groupe de soutien psychologique où les malades luttent contre la déprime en criant ensemble « Houla-la »…
Autre actu de janvier 2007 : la ré-édition de son ouvrage « PEP : Projet d’éducation prioritaire » (initialement paru en 1996 dans La Petite Collection des éditions Mille et une nuits), aux éditions Ego comme X. Dans ce petit roman d’une centaine de pages, il replonge dans les « années collège » et imagine les péripéties d’un metteur en scène de théâtre invité par des professeurs ringards mais néanmoins pleins de bonne volonté, pour les aider dans leur projet de pièce de fin d’année (une pièce auto-écrite au doux nom de « La valse des marionnettes »). Il va découvrir alors l’incompétence de ces enseignants attardés, d’inspecteurs d’Académie terrorisants ou encore de sociologues peureux face à ces « jeunes à problèmes » mais aussi les jeux du pouvoir entre les profs et le préfet à l’occasion notamment d’un débat sur la violence à l’école… Il s’emballe alors sur un projet de réforme complète du système scolaire, favorisant la curiosité tout en limitant les frustrations, qu’il tient à présenter au Président en personne !
Ravalec tente ici d’explorer, avec sa verve loufouque habituelle, les failles du système éducatif même si l’ensemble reste assez naïf et ne compte pas parmi ses oeuvres majeures…
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