Eté rime avec télé-réalité. Nous avons assisté récemment au grand retour (sous une nouvelle version) du Loft story qui avait défrayé la chronique de notre été 2001. Le succès de ce type de programme ne se dément pas. Un concentré d’humanité qui passe ses journées à « être soi-même » c’est à dire (trop) humain donc détestable. Au menu : calomnies, ragots, jalousies, hypocrisie et langues de vipère. Effectivement pas si éloigné du milieu littéraire et de ses auteurs/éditeurs/critiques et aspirants direz-vous, les uns, les autres s’étripant allègrement… Et l’on se rend compte que ce sont ces polémiques stériles et revanchardes qui passionnent le plus les lecteurs/spectateurs finalement… Mais depuis quelque temps voici que les foires d’empoigne et considérations oiseuses de ces détenus volontaires laissent parfois place à la citation d’auteurs pour le moins insolites dans ces temples du divertissement inculte. Vous avez dit démocratisation ?
Pimenté par une histoire de secrets graveleux, la nouvelle édition de Loft story s’appelle « Secret Story » et se distingue aussi par une autre nouveauté : le candidat intello.
Dénommé Julien, cet esthète passionné d’histoire de l’art, compare, bien généreusement, sa colocataire (une flic-stripteaseuse teigneuse de mauvaise foi) à ni plus ni moins un… « Julien Sorel » dans « Le Rouge et le Noir », dont elle aurait, selon lui, « l’ambition sans en assumer les conséquences » et évoque les poètes romantiques du XIXe siècle pour analyser la « fougue » (en fait plutôt bêtise grasse) d’une autre de ses colocataires qui lui assurait que « tout le monde le détestait ».
Benjamin Castaldi a même failli en avaler son fauteuil de navette spatiale !
Sur M6, dans l’émission « La Nouvelle star », un autre Julien (Doré), le grand gagnant, s’est fait remarquer pour sa passion pour Jean d’Ormesson (il a d’ailleurs créé un groupe intitulé « The Jean d’Ormesson Disco Suicide ») et cite Flaubert également comme auteur de prédilection en particulier son roman « Bouvard et Pécuchet ». Il est même interviewé ce mois-ci dans le magazine Lire pour évoquer ses lectures ! Parmi les auteurs contemporains, il nomme Thomas Lélu et son roman « Je m’appelle Jeanne Mass », dont il a apprécié les intrigues déjantées et son humour loufoque. Ces derniers partagent d’ailleurs une culture artistique commune (études aux beaux-arts).
Quant à André Manoukian dit « Dédé », éminent jury de la même émission, cite, lui, Saint Augustin ou Cioran en prime time pour commenter les prestations des candidats héberlués…
Les termes de « pop » et de « littérature » n’auront jamais été si bien ensemble…
19 Commentaires
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Attention : après plusieurs années de dictature du "pas de prise de tête" (y compris – voire surtout – parmi les "élites" économiques, voire politiques), la culture reviendrait sur le devant de la scène ?
Ce serait un juste retour des choses – en espérant que tout cela ira au-delà de la simple "tendance".
Mais oui, que la littérature soit pop et pas tour d’ivoire !
(PS – ce billet m’a fait penser à une confession récente d’Arthur, qui avait pris un "coach de culture générale" parce qu’il en avait marre de passer des dîners en ville où il ne comprenait rien aux conversations.
Quelques minutes plus tard, il reconnaissait que ça n’avait pas duré très longtemps – en gros, parce qu’il s’était rendu compte que les gens étaient plus jaloux de sa réussite médiatique que lui de leur culture… Passionnante histoire, je trouve)
Si je peux me permettre les livres ont toujours été autorisés. Dans le loft 1, chaque candidat avait le droit d’emporter 1 livre. Laure, la brunette, avait pris 1984 d’Orwell pour la petite histoire..
Oui… c’est peut-être une tendance… je ne sais pas…
Mais il y a un problème : il y a une grosse différence entre "citer" un auteur et l’avoir effectivement lu (surtout pour un auteur comme Cioran…)
Faire des citations, évoquer des noms et des notions clichés, c’est une forme de zapping littéraire qui correspond parfaitement à la culture télé superficielle.
De la même manière, les cours de Culture Générale sont souvent des concentrés-résumés (mais pas toujours) de ce qu’il faut savoir absolument(style culture QCM ou questions pour un champion).
Bref, il en faut plus pour noter une tendance de fond culturelle de la télé…
Mais bon, comme toujours, si ça amène quelqu’un aux joies de la lecture… 😉
Cordialement !
S’il faut passer par la télé-réalité pour que la culture générale fasse un come-back en prime-time, cela devient légérement désespérant.
Je me demande si c’est réellement ça la définition de Pop littérature.
En même temps, il ne faut pas juger la forme et se contenter de la résurgence d’un léger fond.
Bonjour,
Je tiens à te féliciter pour ta sélection dans les "Blogs de com" du dernier numéro de "Stratégies".
Pour ma part, j’analyse les crises qui frappent les entreprises et les institutions et la manière dont celles-ci y répondent sur mon Blog: http://www.decrypt-crise.com
A très bientôt
Cordialement
Yves JAMBU-MERLIN
Euro RSCG C&O
(Desolee pour les accents, j’utilise un clavier anglophone)
Je suis tout a fait d’accord avec hoplite, il ne faut pas s’emballer trop tot.
Surtout que les exemples que tu cites dans ton billet ne me semblent pas revelateurs d’un eveil litteraire a la tele. La litterature ne semble la qu’en tant qu’accessoire pour se "jouer l’intello".
Les propos de Julien de Secret Story sont vides de sens, c’est du "comment parler de livres qu’on a pas lus" – une maniere cruelle d’extraire l’ame des oeuvres marquantes de notre litterature et de les vulgariser, de tout generaliser : La fougue des poetes romantiques du XIXeme : on extrait de chacun de ces auteurs sa sensibilite et son genie individuels et on les noie avec ceux d’autres, et ca ne veut plus rien dire. C’est pas que je sois contre le fait de placer tel ou tel auteur dans tel ou tel courant, c’est meme necessaire pour y voir plus clair, pour aller plus loin dans l’analyse, mais voila, ca reste de l’histoire, et ce n’est pas SUFFISANT, c’est standardiser, "computeriser" les auteurs.
Sans parler de l’arrogance de son commentaire, ce cote "je sais tout parce que je lis". Quel prejuge ! Quel con ! (bon je confesse, je fais pareil ! lol)
ps: J’exclus Julien Dore de ma critique parce que… euh… parce que je l’aime bien.
Mouais… Après tout, le monde médiatique est déjà plein de vrai-faux intellos. Le plus fort étant Fabrice Lucchini, qui joue les philosophes en citant d’autres auteurs.
Quant à Julien (je précise que je n’ai jamais regardé Secret Story), de toute façon, dans 3 mois, on l’aura oublié.
En fait, c’est parce qu’il n’y a – dans cette version Higgings Clark de Loft Story – aucune histoire de CUL à se mettre sous la dent en prime time que l’on se tourne vers la CULture… rappelons toutefois que le dernier Loft avait pour habitant un certain Thomas – et qui est d’ailleurs le vainqueur de ce second opus de cette première version du Big Brother à la française – qui était la version intello-homo-gentille de Julien, et qui désormais tient une boutique d’art et écrit des livres (je crois)… donc le candidat intello n’est pas une nouveauté… mais c’est chaque fois une surprise tant on retient de ces émissions, la prééminence d’une bêtise sincère, mais crasse (en particulier de la part des concepteurs, présentateurs, etc. du bazar)
Et ben je ne suis pas d’accord, secret story me fait réfléchir, moi… Dans l’ordre:
1- Qu’est ce que le cynisme?
e(cette émission est par essence cynique non?)
2- En quoi le cynisme est lié au système libéral et commercial ?
(en quoi peut il être condamnable de donner à une partie du public ce qu’il attend? Doit on exiger d’une entreprise à but lucratif une parti pris moralo cultureux dont on ne connait pas le socle exact?)
3- Qu’est ce que la "culture" et question subsidiaire pourquoi est-elle une référence équivalente de "qualité" dans notre paf (une bonne émission parle forcement de culture, une mauvaise en manque) (contre exemple j’ai vu les visiteurs j’ai adoré, secret story me fait sourire, les émissions de Durand m’ennuient, suis je débile?)
4- last but not least : quand on parle de ces jeunes (erwan le trans)qui vont se faire détruire par la télé, on se justifie en disant "oui mais il a été libre de venir". Sachant que la télé entretient elle même le mythe d’être la seule voie de sortie rapide d’un certaine "glauquitude" et d’un banal quotidien; dire ça ne revient il pas à dire que quand mamie se fait refourguer un aspi 10 fois son prix, c’est de sa faute car elle n’avait qu’à pas ouvrir la porte?
Good question isn’t it?
Que voulez vous la philo est partout…
;)))
a+
yann
ps le plus drôle en fait de cette émission est, je trouve, le fait que son ultra violence idéologique, symbolique et pratique, n’interroge personne…
Oui un livre est un livre, mais êtes-vous sûr qu’il n’est pas fait que de pages blanches ?
poetaille.over-blog.fr
Eh oui le roman de gare est partout !!!
Oui j’avais entendu Arthur parler de cela chez Pascale Clark (feu le regretté ( !) « En aparté » ) et chez Ardisson (sur Paris 1e). J’avais trouvé ça touchant et plutôt courageux de sa part. La dernière phrase que tu cites est plus de la maladresse je pense, le type semblait sincèrement être intéressé par la peinture qu’il avait découvert sur le tard et s’est même mis à collectionner quelques pièces de mémoire. Je crois que « la honte de ne pas savoir » peut être un bon moteur de départ pour se « cultiver » et laisse ensuite place à un vrai goût et à une vraie curiosité. Aujourd’hui le problème que j’observe autour de moi, des jeunes notamment, c’est qu’il n’y a absolument aucune honte à ne rien connaître, à ne rien lire… Il y a même une certaine fierté. C’est cela qui est inquiétant. Qu’un animateur d’une chaîne dite commerciale ait envie de découvrir les toiles de grands maîtres et le revendique ensuite ne peut être qu’une bonne chose pour le public qu’il touche. Je n’ai pas de mépris pour tout cela, bien au contraire.
2/ Les émissions grand public sont à mon avis intéressantes car comme leur nom l’indique elle touche le grand public. Les émissions telle que « Le bateau livre » ou autre émission dite littéraire ou dite culturelle ne sont pas regardées par des ados de 16 ans qui ne pensent qu’à leur petite personne ou à leur chat sur MSN (je caricature volontairement mais vous me comprenez). Quand ma voisine qui n’ouvre jamais un livre, se demande qui est ce « Julien Sorel », tape sur Internet pour voir qui est-ce et va jusqu’à commander le livre histoire de… (bon là c’est un fantasme personnel) et bien ça me fait (fera) plaisir.
Je trouve pas ça mal de mélanger les genres et les cultures. Bien au contraire. Ardisson dans son émission « Tout le monde en parle » faisait ça plutôt bien en invitant un Salman Rushdie et une Mariah Carey ou encore un Beigbeder qui parle de Marguerite Duras en dernier page de Voici…
3/ Kébina tu dis « Les propos de Julien de Secret Story sont vides de sens ». Comment veux tu qu’il extrapole et analyse en « 30 secondes » le temps de parole accordé en moyenne, une telle œuvre !
Mais après tout pourquoi n’aurait-il pas droit de citer des grandes œuvres pour parler de modernité ? Il n’y a pas de droit réservé de citation il me semble. La littérature (et doit être) est à tous. Chacun doit pouvoir se l’approprier à sa façon. Je ne vois rien de cruel là-dedans. Il y a en revanche un réel danger à vouloir tout sacraliser. La littérature doit être dans la rue !
J’ai plus l’impression que tu n’aimes pas le candidat qu’autre chose (je ne juge pas car je ne regarde pas en fait*.) puisqu’apparemment Monsieur Doré a droit à ta clémence ; – )
* J’aime bien « Laguna Beach » : info donnée pour éviter le côté « snob » : non je regarde pas ces « conneries ». Je regarde d’autres « conneries », je confirme, avec même un certain plaisir !
Yann, je suis assez d’accord avec toi, ce genre d’émission est assez édifiante d’un point de vue humain d’où la fascination qu’elles peuvent entraîner. A la limite c’est du la Bruyère (Les caractères) !
Nous avons les mêmes sources !
Aucun mépris de ma part non plus, rassure-toi. La fin de l’histoire a un côté boutade, en effet – mais je l’imagine réelle, tant la déculturation des élites économiques est grande.
Et tu as complètement raison sur l’inculture revendiquée (d’aucuns diraient "décomplexée")! Je m’accroche néanmoins à l’idée qu’il s’agit là d’une posture un peu défensive (la meilleure défense étant l’attaque) de la part de gens que la culture effraie un peu.
Pendant longtemps autour de moi j’ai entendu ce leitmotiv "faut pas se prendre la tête". Je pressens comme un retour de bâton… Espérons que ce n’est pas une lubie.
(encore desolee pour l’absence d’ accents)
Ce qui me derange, c’est pas qu’il cite de grandes oeuvres, mais qu’il les cite d’une facon tres superficielle, mais comme tu dis, en 30 secondes, c’est dur de dire grand chose.
PS: je ne regarde pas Secret Story (et j’assume mon snobisme lol) mais des que j’ai commence a lire ton billet, la photo du candidat m’a mise sur les nerfs ! (lol) Pour ce qui est de Monsieur Dore, je craque completement ! (le premier etre humain a avoir reussi a me faire regarder la Nouvelle Star, faut l’faire!)
En fait, j’ai beaucoup aime ses reprises de tubes comme Moi Lolita, Cet Air La,etc. Il sait se les approprier, et j’avoue que j’etais literalement sur le c.. la premiere fois que je l’ai entendu chanter.
Je sais pas s’il a vraiment du genie (j’attends son premier album pour en juger) mais il a une attitude: un brin bobo, un brin sensible (le pb etant qu’il risque de se transformer en pale copie de lui meme avec le temps). Et une forte presence scenique.
Mais c’est peut etre aussi du marketing tout ca, sponsorise par the other side of the machine (Telerema, Libe et Inrocks), on verra bien…
En complément voici une initiative amusante d’il y a 2 ans de "littéréalité" :
48 h à l’Hôtel Lutetia
Une expérience de litté-réalité
Une expérience unique au monde (initiative de Franck Maubert et Béatrice Belehradek, directrice du palace) un recueil de nouvelles inédites. Quand les écrivains se plient aux règles de la litté-réalité.
– Le Château – ou le Loft – s’appelle l’Hôtel Lutetia, le célèbre Palace de la Rive Gauche.
– Les « staracadémiciens » – ou les lofteurs – sont des écrivains.
(8 écrivains ont participé à cette expérience de litté-réalité: Philippe Besson, Claire Castillon, Nicolas d’Estienne d’Orves, Éric Halphen, Franck Maubert, Jean-Marc Parisis, François Simon et Bruno de Stabenrath)
– On les enferme 48 heures dans le célèbre palace de la rive gauche.
– Interdiction de sortir.
– Permission de boire et de recevoir.
– Une mission : tirer une nouvelle de cette expérience.
– Un thème : le sommeil.
source : Editions Scali
Visiblement le projet n’a pas été assez médiatisé( PPDA aurait pu en parler dans son 20h ! C’est Claire C tout de même ! lol) … et puis, pourquoi un palace ?