Avec Retour au collège, Riad Sattouf nous entraîne dans un retour en arrière, à l’époque « bénie » -plutôt maudite pour lui !- du collège… Ah, le collège, les premiers émois, les premiers « râteaux », sa cohorte de hontes et de complexes, l’ébullition des hormones (et des pustules !), les mecs lourdingues et autres joyeusetés de l’âge ingrat que beaucoup rêvent d’oublier… Riad Satouff, le jeune dessinateur remarqué par « Les pauvres aventures de Jérémie » récompensé du prix Goscinny, passé maître des anti-héros, loosers sexuels et sociaux de sa génération (et auteur d’une série pour Charlie Hebdo « La vie secrète des jeunes », où il épingle les us et coutumes de la jeunesse dite « de banlieue »), décide, lui, à 27 ans, d’affronter son passé traumatisé de collégien. Sous couvert d’un reportage dans une classe de troisième d’un collège huppé parisien, il vise officiellement à comparer la jeunesse des beaux quartiers à celle des milieux plus modestes. Objectif officieux : exorciser ses vieux souvenirs et se réconcilier avec ses dures « années collège ». Il inaugure ainsi la nouvelle collection de romans graphiques d’Hachette, « La fouine illustrée » en 2005. Une expérience décapante et émouvante qui ne manquera pas de réveiller quelques vieux souvenirs chez tous les (ex-)collégiens…
Le principe de cet album rappelle le pitch d’un film hollywoodien sans prétention avec Drew Barrymore, « College Attitude » qui rejoue sa crise d’adolescence à retardement et ré-écrit du coup cette période douloureuse.
Qui n’a pas rêvé d’avoir une seconde chance en ayant cette fois-ci le beau rôle, fort d’une nouvelle confiance en soi ? C’est peut-être ce qui a motivé Riad Sattouf qui livre ici, avec subtilité et humour, un tableau très juste de cette époque. Il choisit pour cela de se mettre en scène dans cette classe de 3e où il est parachuté après bien des démarches auprès du rectorat (un démarrage un peu lent dont on se serait peut-être passé…).
Très vite, il nous plonge dans l’ambiance, en posant un regard clinico-sociologique sur cette faune de cour de récré. On découvre (retrouve) toutes les figures emblématiques : le cancre, le « fort en gueule », l’intello, les niaiseux, le snob ou le bellâtre… et bien sûr « les exclus », bouc émissaires de la classe. Une micro-société avec ses clans, ses castes de « cools » ou de « loosers » qui s’ignorent, s’insultent ou se jalousent… La brochette de profs haute en couleurs, entre hypocrisie ou hystérie, vaut aussi le détour !
Remise de copies sur la seconde guerre mondiale, préjugés raciaux, cours de gym qui se transforment en kama-sutra, imitations cocasses plus vraies que nature des profs… A travers une série de « tranches de vie scolaires » croquées sur le vif, il dessine un portrait vivant et incisif de cette jeunesse dorée, qui ne s’avère pas plus reluisante. Poids des apparences, diktat des marques, rejet de la différence, cruauté, bêtise crasse du racisme ordinaire, attitudes libidineuses… font le quotidien de ces adultes en devenir… Les français de demain en somme…
Mais se sont aussi la fragilité, la timidité, le romantisme fleur bleue ou la maladresse attachante qui se révèlent derrière les poses aguicheuses des adolescentes découvrant leur pouvoir de séduction naissant et les vannes brutales des garçons qui veulent se faire remarquer et s’affirmer en jouant les durs.
Son dessin faussement naïf, à la fois sobre et expressif, dépeint avec malice, sans grande caricature finalement !, les visages boutonneux et ingrats, petits tics, mimiques des ados tour à tour frimeur, timide, fourbe, gouailleur ou agressif…, allant jusqu’à réaliser quelques « études morphologiques » drôlatiques, pointant les expressions caractéristiques (silences gênés, manières ou autre rires gras) et autres détails qui tuent ! Un sens de l’observation caustique des plus réjouissants.
Parmi cette classe où chacun apparaît plutôt pathétique ou vulgaire, seule Salomé « la jolie fille de la classe », représente une figure gracieuse et douce. Elle lui rappelle l’époque des premiers baisers.
Le personnage de Romain, la tête de turc de la classe parce qu’il n’a pas un physique assez attrayant et vit dans sa bulle (il lit Stephen King), est particulièrement émouvant et troublant. Il crée un certain malaise. Une scène forte fait d’ailleurs allusion au drame de Columbine. C’est dans cet élève que se reconnaît l’auteur qui ponctue ses saynètes de ses propres souvenirs de collègien mal dans sa peau, habitué aux moqueries et au mépris des filles, à Renne. Il n’hésite pas à se ridiculiser dans une veine tristement drôle… Heureusement aujourd’hui cela va beaucoup mieux et l’ex vilain petit canard devient, bien malgré lui, le tombeur de la classe !
Tout au long, on ressent sa stupeur teintée de fascination pour ces jeunes privilégiés. Statut dont les élèves ont eux-mêmes conscience et source d’une certaine fièreté même si la candeur et la spontanéité dominent encore (« Son père connaît des gens du show-biz : il a le portable du premier bachelor par exemple. » rapporte par exemple un élève admiratif…).
Si ce récit reste « bon chic bon genre », loin des tournantes ou des réglements de compte sanglants d’établissements plus sensibles, la force de son propos n’en est pas pour autant amoindri. Il dédramatise tout en nous rappelant l’importance de ces années d’apprentissage qui peuvent nous marquer à vie…
A voir sur le même thème (en moins réussi) : « Les filles sont bêtes, les garçons sont idiots » de Vincent Ravalec
Et aussi… : « Les jolis pieds de Florence », tome 1 de Les pauvres aventures de Jérémie
Paroles de l’auteur Riad Sattouf :
« J’avais fait il y a quelques années un livre appelé ‘Le Manuel du puceau’. L’album avait bien marché, beaucoup de gens avaient aimé. Mais une partie des lecteurs avait trouvé que j’avais exagéré, en donnant une image trop cruelle, impitoyable et agressive de l’adolescent. Comme c’était une création, une fiction, j’ai voulu retourner dans un vrai collège pour voir de mes yeux si je m’étais trompé. J’ai choisi un collège bourgeois : puisque les gens qui m’avaient fait des procès étaient des catholiques des classes bourgeoises, j’ai décidé d’aller voir comment étaient leurs enfants. L’adolescence est en plus un sujet que j’adore, et je ne me lasse pas de dessiner les faits et gestes des ados… » (source : Evene)
Pourquoi cette fascination pour l’adolescence ?
« Je pense que c’est tout simplement parce que j’ai du mal à passer ma propre adolescence. C’était tellement extrême que, une fois que j’en ai été débarrassé, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose de tout ce que j’avais vécu. C’est une période où les êtres humains sont des espèces de mutants. Il y a des gens pour qui l’adolescence se passe très bien et il y en a d’autres qui mutent complètement, qui sont tout difformes. À l’époque, je n’acceptais pas de faire partie des exclus. Il y avait un sentiment d’injustice vraiment insupportable. J’ai revu pas mal de mecs qui étaient les vedettes de ma classe et qui sont devenus des » pauv’ mecs « , alors que les anciens exclus ont réussi. Finalement, il y a une espèce de revanche. »
Retourner au collège, c’était l’horreur ?
C’était très dur. La veille, j’étais déprimé, je me disais : » Mais pourquoi je fais ça ? Tout ça pour une BD « . Puis finalement je me suis dit que si c’était vraiment affreux j’abandonnerais le projet. Je me suis confronté à mes propres peurs. Le premier contact avec les élèves a été assez bon, ça m’a rassuré. Au bout de trois jours, j’en avais marre. Je ne supportais pas le fait qu’il y ait des sonneries, qu’il faille changer de salle. C’est ce que je ressentais aussi quand j’étais ado.
Comment avez-vous travaillé pendant ces quinze jours au collège ?
« En classe, j’étais toujours derrière. Je me mettais à côté des agitateurs. J’ai pris pas mal de notes, surtout pour me souvenir des anecdotes. Je prenais part à leurs blagues et je me moquais des profs avec eux. C’est quand les jeunes ont vu que je rigolais avec eux qu’ils ont commencé à me raconter des trucs. Ils trouvent des blagues et des réflexions incroyables. J’aurais pas pu inventer des trucs pareils. Comme je ne dessinais pas, les profs et les élèves avaient du mal à croire que j’étais dessinateur. Ils trouvaient bizarre que je ne fasse qu’écrire, mais c’est parce que je ne voulais pas mettre leur vraie tête dans le livre. Pour moi, observer, c’est automatique. Généralement, quand une personne parle, je me rappelle de son attitude générale, de la manière dont elle s’exprime. J’ai une bonne mémoire visuelle. »
Retour au collège est précédé d’un avertissement au lecteur précisant que » les situations et les propos rapportés sont absolument véridiques « …
« J’ai mis l’avertissement pour que les gens ne me demandent pas si tout est vrai. Ce qui peut prêter à confusion c’est que je ne montre que les moments qui dérapent. Comme je voulais faire un livre rigolo, je n’ai pas parlé des cours où les élèves ne faisaient rien, où ils écoutaient le prof. J’ai vu des scènes horribles, des élèves qui se faisaient frapper et humilier dans la cour ou devant le collège. Des échanges d’une violence intense, comme la scène de racket que je montre. Mais comme c’était très très court, personne ne le remarquait. Ces expériences où on a vraiment l’impression qu’on peut se faire » buter » en toute impunité, je trouve intéressant de les montrer. Mais je n’intervenais pas, c’était pas mon rôle. J’ai fait comme dans un documentaire animalier, je n’ai pas sauvé la gazelle qui se faisait manger par le lion… »
Ah, qu’est-ce que c’est bien que ça soit fini ! (source : éditeur)
1 Commentaire
riad tu es très gentil il faut ke tu sache ke je toublirai pas jai fait le tournage au college sévigné pour le film : les collegiens tu nous a offert un dessin aukel je tiens bocou et sache ke tout ce ke tu as fait je loublirai pa merci riad de safia tlemsani on a fait le tournage en 2008 en été merci