Lorsque j’ai relu « American Psycho » de Bret Easton Ellis pour le chroniquer (le disséquer, terme plus approprié !), j’ai été frappée par quelque chose qui m’avait un peu échappé à la première lecture ou du moins dont je n’avais pas réellement le souvenir (peut-être parce que c’est aussi souvent occulté). Ce quelque chose c’est l’humour omniprésent de ce roman. Oui, « American Psycho » de Bret Easton Ellis est un roman drôle. Vraiment. Un humour certes cynique, noir, trash, à prendre au énième degré, mais qui n’en reste pas moins hilarant la plupart du temps, truffé de gags, du pressing où il va chercher ses draps maculés de sang (« c’est…heu…du jus d’airelle ») à cette étudiante qu’il prend pour une « jolie clocharde » et avec qui il se la joue grand prince en lui faisant l’aumône d’un dollar dans son gobelet de café… chaud…, sans oublier ses dialogues brillantissimes de stupidité snob… J’étais surprise de ne pas l’avoir -suffisamment- remarqué ou du moins retenu. D’ailleurs en écoutant cet entretien vidéo de l’auteur , il dit lui-même que son roman est avant tout « une comédie » alors que la plupart des lecteurs citent avant tout son extrême violence ou l’horreur de sa cruauté (mais qui, justement parce qu’elle est excessive en devient presque burlesque, bon je dis bien « presque » car c’est surtout insoutenable !). « Mon tempérament est tel que je n’ai finalement pas remarqué ces glissements de la comédie à l’horreur – souvent dans mes écrits ils sont étroitement imbriqués. » confiait l’écrivain à ce sujet. Après « Le bûcher des vanités » de Tom Wolfe et « Le démon » d’Hubert Selby, il dresse à son tour le portrait dérangeant d’un américain, le désormais mythique Patrick Pateman, caricature des yuppies des années 80, golden boy très chic de Wall street le jour et serial-killer la nuit (l’après-midi aussi à l’occasion…). Une personnalité schizophrénique aussi effrayante que fascinante dans la jungle de New-York des 80’s où la loi du plus fort règne en maître. Bret Easton Ellis a sans doute écrit une ouvre majeure de cette fin du XXe siècle (paru en 1991). Une œuvre qui aura déchaîné, comme il se doit, une polémique massive. Il invente ici de nouvelles rythmique narrative et figures de style aussi décriées que plébiscitées et réussit une saisissante et troublante analyse psychologique, béhavioriste voire sociologique… Un roman d’une grande richesse qui ne doit absolument pas être réduit à ses scènes sanglantes (ou à ses énumérations de marques)…
« Je suis innocent, pourtant. (…)
Le mal est-ce une chose que l’on est ? Ou bien est-ce une chose que l’on fait ?«
Dés l’ouverture d' »American psycho », le génie littéraire d’Ellis s’exprime avec flamboyance. Il nous emmène dîner chez Evelyn dans l’Upper west side, par un soir d’un mois d’avril froid. Immédiatement il nous immerge, au sens littéral du terme, dans ce microcosme de golden-boys de Wall street, ces « yuppies » snobs, imbus d’eux-mêmes et superficiels aux femmes à la plastique aussi parfaite que leur QI est inexistant…
Avec un luxe de détails (qui ne faiblira jamais tout au long de ses 500 pages), il nous décrit toute l’effervescence des préparatifs jusqu’au dîner à proprement parler, passant avec fluidité d’un personnage à l’autre, d’une réplique à une autre, entrecoupée de tous les gestes, mimiques (« L’angoisse palpite un instant sur le visage d’Evelyn, immédiatement remplacée par une expression enjouée particulièrement réussie.« ) digressions qui peuvent surgir dans la réalité, avec une acuité extraordinaire. Et tous ces dialogues, véritable marque de fabrique de l’auteur, qui ne cesseront de se dérouler et se croiser au fil des pages nous en apprendront plus que n’importe quel descriptif de personnage. Nous sommes ici en pleine application virtuose de cette fameuse règle des ateliers de « creative writing » américains : « Show, don’t tell« . Tout simplement captivant et passionnant ! On s’émerveille de la précision d’Ellis pour capturer l’insaisissable, le moindre soupir, hésitation, murmure, réflexion intérieure, les grands silences (caractérisant souvent les « absences » des personnages qui ne s’écoutent jamais vraiment…) et tout le jeu social (ce qui se dit et ne se dit pas, le trouble, les malaises et les fanfaronnades…) qui se déroule sous nos yeux ébahis. On peut y voir aussi le point commun avec un Flaubert qu’il admire tout particulièrement et qui travaillait ses scènes avec le même souci du détail (le style ternaire des positions des personnages, etc). Comme ce dernier, il multiplie les points de vue et les verbes pour caractériser le ton de ses personnages (au lieu de juste utiliser des tirets simples par exemple même lorsque l’échange ne comprend que 2 interlocuteurs) : hennit-il, vagit-elle, grogne-t-il, fait-elle boudeuse, menaçante, soupçonneuse…, avec « un ton excessivement naturel », piaille-t-elle, dit-il en cueillant une olive, gémissant, bégayant de colère… Son sens de la mise en scène ultra-vivant plonge le lecteur dans une vision à 360° de tout ce qui se passe simultanément dans une pièce, le sous-jaçent compris. Et déjà son humour mordant (présent dés les exergues sous le signe de Dostoïevsky et… d’un manuel de bonnes manières !) qui s’insinue entre les lignes : « Je me sers un autre verre. Légère inquiétude à propos du taux de sodium dans la sauce de soja. » « J’essaie de jeter un coup d’oeil derrière le comptoir, pour voir ce qu’elle porte aux pieds. Des baskets. De quoi devenir cinglé. Même pas des K-swiss, ni des Tretorn, ni des Adidas, ni des Reebok. Des baskets de pauvre. », ses vannes aux SDF (« Pour l’amour du ciel, mais rasez-vous par pitié. »), les lunettes Ray-ban devant son ordinateur au bureau, un « flacon-magnum de Xanax » ou en commentant un meurtre : « C’était décevant le sang ne faisait pas vrai« .
Les conversations entre jeunes nantis sur l’art et la manière de porter leurs costumes croisés et leurs mocassins à gland sont aussi des trésors d’hilarité avec des questions aussi existentielles que « Quelle est la régle en matière de gilet de laine ?« , « Comment boire l’eau minérale ?« …
ou encore : « En arrivant chez Pastels, je suis au bord des larmes : il est évident que nous ne pourrons pas avoir de table. »
Cette précision comportementale a fait apparenter Ellis au courant des auteurs behavioristes (l’étude objective de l’homme, fondée sur l’observation et l’expérimentation des comportements humains ; un courant qui s’est imposé aux USA dès les années 20 et visant à inventer une littérature « objective »). Hemingway (une des influences littéraires majeures d’Ellis) s’inscrit par exemple dans cette lignée.
Bret Easton Ellis explique qu’il a beaucoup réfléchi et travaillé à ses « scènes parlées » : « Il est difficile d’écrire une scène où dans un endroit donné deux personnes se parlent. Il est difficile d’écrire une scène d’action quand deux personnes se battent. Ecrire quelque chose de drôle n’est pas évident. Les « flashbacks » sont durs à écrire. Ce que je veux dire c’est qu’écrire un roman aujourd’hui et qui fonctionne est un exercice très difficile à mettre sur pieds. Sont exigés de tels niveaux de concentration que j’en suis moi-même surpris. »
Trame narrative et nouvelles « figures de style » à la Bret Easton Ellis…
Immanquablement, on est tenté de qualifier son écriture du désormais galvaudé « cinématographique » ou en tout cas extrêmement visuelle et pragmatique. Une impression renforcée par la trame narrative adoptée par l’auteur. Les chapitres fonctionnent en effet comme de véritables scènes ou grands tableaux et portent d’ailleurs en majorité, comme intitulé, le lieu où ils se déroulent : « Au Harry’s », « Au bureau », « Au club de gym », « Shopping », « Au Yale Club »… Ils se suivent parfois « sans transition », avec des effets d’ellipses assez inattendus voire des coupures au scalpel (dans tous les sens du terme) ! L’exemple le plus flagrant et le plus représentatif en est les scènes de meurtre suivies de scène joyeuse et frivole ou encore de ses fameux « exposés » pop culture sur Genesis ou Witney Houston. Ce qui ne manque pas de dérouter tant le procédé est original et inattendu.
Ellis innove encore avec de nouvelles figures de style telle que le « brand name » (ou « name dropping ») qui lui aura valu bien des critiques mais qui pourtant contribue à créer une vraie dynamique romanesque et révèle plus que tout le matérialisme extrême de cette faune. Le principe, désormais bien connu (et souvent imité – maladroitement- par les jeunes auteurs), consiste en de longues descriptions composées d’énumérations des marques des vêtements et équipements, mais aussi de leurs caractéristiques techniques telle une brochure publicitaire. La description de l’appartement de Patrick Bateman (qui s’étend sur un chapitre entier) en témoigne. Ce procédé souligne aussi la « dépersonnalisation » (selon les termes de Bateman lui-même) dont souffre tous ces personnages qui sont devenus incapables de se reconnaître entre eux, se confondant en permanence (ce qui prête encore à souvent rire) ou ne se souvenant pas de leurs noms respectifs. L’auteur suggère ainsi leur caractère moutonnier, de clone, sans aucune personnalité propre. Un costume Armani devient plus important qu’un visage.
Enfin un ensemble de codes et de rituels viennent scander régulièrement le récit comme des refrains hypnotiques, symbolisant le comportement « en automatique » du héros : les sujets rocambolesques (« Un nouveau sport : le lancer de nains » ou encore « Les animaux qui parlent ») du Patty Winter show qu’il ne manque jamais, son excuse passe partout « Je dois aller rendre des vidéos. », les pancartes écrites en majuscule des clochards qui peuplent les rues de New-York, les questions de style vestimentaire qui surgissent à tout moment, la description détaillée des menus (extravagants tel « le poisson pilote aux tulipes et à la cannelle » ou « le carpaccio d’aigle »…) des restaurants branchés (l’obsession de Bateman avec les jolies filles), le verre de « J&B on the rocks », la prise d’anxiolytiques (devenu un classique de la pop littérature urbaine depuis…), ses soins de beauté, les lignes de coke avec l’Amex platine, les allusions régulières à Donald Trump (leur idole) ou encore la comédie musicale « Les misérables » de Broadway que l’on retrouve partout…
Tous ces codes, très organisés au début finissent par s’embrouiller, reflétant le chaos progressif du personnage qui tente quand bien que mal de s’y raccrocher pour ne pas sombrer définitivement…
A noter également l’exposition relativement lente et le crescendo parfaitement mené (sur toute une année, au fil des saisons) de la tension et du dérapage du personnage : on met du temps à comprendre qui il est vraiment (et on referme d’ailleurs le livre toujours en s’interrogeant). D’ailleurs dans les premières pages du livre, Patrick Bateman n’est qu’un personnage secondaire (le livre s’ouvre sur « Price »). Ce n’est qu’ensuite que le récit est mené à la première personne du singulier, à travers les yeux de Bateman avant de repasser subrepticement à la 3e personne du singulier comme dans la scène de poursuite poliicère dans Manhattan sans doute pour marquer le dédoublement de personnalité du personnage. A noter que la première agression (scie pour crever les yeux d’un clochard) n’intervient qu’au bout de la 178e page (édition poche 10/18) sans qu’on n’y soit vraiment préparé.
Qui est Patrick Bateman ? La fascinante complexité psychologique d’un « enfant perdu » psychopathe :
Patrick Bateman fait désormais partie de la mythologie des (anti-) héros modernes juste à côté de Jack l’éventreur et d’Hannibal Lecter. C’est sa personnalité profondément troublée et effrayante qui porte le livre et en constitue l’intérêt majeur. C’est pour découvrir (et comprendre) sa véritable identité que l’on tourne les pages jusqu’à la fin sans pour autant obtenir une réponse claire et précise. L’énigme Bateman demeure malgré tout même si l’auteur donne quelques clés à la fin (à travers la bouche même de Bateman, ce qui est un peu dommage d’ailleurs). Qui est donc Patrick Bateman ? Au début du roman, il nous est présenté comme « un gentil garçon » un peu idiot (laissant un de ses comparses draguer ouvertement sa copine devant lui), un peu idiot. Il se révèle ensuite plutôt séducteur et entreprenant : « Toutes les filles craquent pour Bateman (…) Il a le genre GQ (le magazine « Gentleman Quaterly » ndlr). Tu es complètement GQ Bateman.« . Aucune fille ne semble lui résister, des mannequins qu’il embarque chez lui pour des parties fines ou plus gores jusqu’à sa secrétaire qui lui voue un amour pur et candide en passant par sa petite amie officielle qui rêve de l’épouser…
Il s’avère aussi plutôt brillant tout en cultivant son nihilisme au bureau (« Lundi soir, huit heures. Je suis dans mon bureau, m’escrimant sur les mots croisés de New-York Times tout en écoutant du rap sur la chaîne stéréo…« ) : ses connaissances minutieuses (quasi maniaques) de sujets (mode, gastronomie…) en témoignent. Une intelligence qu’il met au service de sa frivolité puis de ses pulsions de violence. La curiosité va grandissante face à cet être atypique et insaisissable. Le plus fascinant reste bien sûr ces brusques colères, sa méchanceté gratuite, son mépris, ses calculs manipulateurs et son machiavélisme alternant avec de grands accès d’émotivité et de désespoir (où il « pleurniche » voire « sanglote »), de déstabilisation subite voire de timidité et de niaiserie pour des incidents anodins (sa coiffure, son tableau d’Onica ou encore la réservation d’une table au restaurant…). La cohabitation d’une cruauté sans limite avec la fragilité d’un petit enfant perdu : ce sont cette ambivalence et ambiguïté permanentes qui font toute la force du personnage (et parvient à le rendre « attachant » malgré tout). Ellis achève de semer le trouble en laissant planer le doute que tous les crimes du héros pourraient bien être uniquement des fantasmes de son esprit dérangé (il sème plusieurs fausses routes et tisse une pseudo enquête policière).
Cette impression est renforcée par un autre procédé stylistique : le télescopage les pulsions meurtrières de Bateman (comme des appels au secours) aux conversations avec ces amis qui ne remarquent pourtant rien « Ma vie est un enfer, dis-je tout à trac, tout en faisant tourner machinalement les poireaux sur mon assiette, qui entre parenthèses est en porcelaine et triangulaire. Et il y a beaucoup de gens que je voudrais… que je veux, eh bien, disons assassiner. J’ai insisté sur le dernier mot sans quitter des yeux Armstrong. » De même il parvient à faire laver, sans éveiller de soupçon, au pressing des draps maculés de sang ou faire laver par sa femme de ménage ses murs jonchés de bouts de cervelles…
L’auteur réussit à restituer sa complexité avec une grande cohérence quasiment jusqu’à la fin, sauf peut-être au moment où il lui fait expliquer/justifier peut-être trop son comportement (comment pourrait-il avoir autant de lucidité sur lui-même alors que c’est un tel chaos dans sa tête) : Extrait : « Il existe une idée de Patrick Bateman, une espèce d’abstraction, mais il n’existe pas de moi réel, (…) juste une chose illusoire et, bien que je puisse dissimulé mon regard glacé, mon regard fixe, bien que vous puissiez me serrer la main et sentior une chair qui étreint la vôtre, (…) : je ne suis tout simplement pas là. Signifier quelque chose, voilà ce qui est difficile pour moi (…). Je suis un moi-même préfabriqué.. »
On se demande vraiment comment Ellis a imaginé ce personnage hors norme. De son aveu, il se serait inspiré de son père (Robert Martin Ellis à qui il a dédié Lunar Park d’ailleurs), ce qui est plutôt effrayant !
On peut aussi supposer qu’il a étudié et fait de nombreuses recherches sur les serial-killers que cite d’ailleurs souvent Bateman comme cette allusion à Ed Gain, tueur en série des années 50 qui disait en substance : « Quand je vois une jolie fille passer dans la rue, je pense à deux choses. Une partie de moi voudrait sortir avec elle, parler avec elle, être vraiment gentil, tendre, correct… et l’autre partie voudrait voir de quoi sa tête aurait l’air au bout d’une pique. »
Ce qui est intéressant également dans le style de l’écrivain, c’est sa manière de ne jamais vraiment juger les personnages (Bateman ou ses acolytes) sans leur chercher ni excuses ni chefs d’accusation. Certains critiques ont estimé que Bateman était seulement le fruit de la société américaine et de sa vacuité. Ce qui est sans doute vrai. Mais cela reste simpliste, on voit aussi que son histoire familiale (scène avec sa mère à la fin et les rapports tendus avec son frère Sean) a également sans doute joué dans sa construction psychique. [Alexandra Galakof]
Suite de la chronique d’American Psycho : La dimension politico-sociologique d’American Psycho et ses polémiques / Pornographie, violence et horreur des scènes de meurtre / La réflexion sur « le mal » / Bret Easton Ellis fait-il du remplissage : American psycho est-il « trop long » ? / L’adaptation ciné d’American Psycho par Mary Harron.
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Top 5 subjectif des meilleures scènes/répliques d’American psycho (le livre) de Bret Easton Ellis
48 Commentaires
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Eh oui, il était temps de passer aux choses sérieuses et d’en revenir au maître ! Quel pied de disséquer ce bouquin qu’on a jamais fini de redécouvrir… La parution du GQ français était l’occasion parfaite !
Lisant (et finissant péniblement) actuellement "Les racines du mal" de Dantec, je mesure la différence entre ces deux livres de serial-killers. Ah la la…
Alors ça c’est wigolo, j’ai publié la critique du bouquin sur mon blog hier (que je viens juste de lire, donc pas de rapport avec le fait que tu exhumes cette note des archives du buzz littéraire)… Ceci dit, je suis allée à l’essentiel en ce qui me concerne.
Pour moi, Bateman est un psychopathe, certes, pas un serial killer.
Symptomatique qu’il parle d’ed gain qui a lui même trés peu tué (une ou deux victimes, je crois): son truc à lui, c’était de lire la rubrique nécro du canard local et d’aller récupérer nuitamment les cadavres "frais".
Pour éclairer un peu le livre, on peut s’intéresser au traitement des trips psychédéliques dans les bouquins de la beat generation ou encore au traitement cinématographique d’un cas de schizophrénie dans A beautiful mind de Ron Howard (un film médiocre, par ailleurs) : quelques scènes ressemblent étrangement à la complètement délirante poursuite avec les flics de American Psycho.
ce livre était resté pour moi une sorte de choc traumatique. M’avait renvoyé à un "qu’est-ce que je cherche dans ces lectures ?". J’avais peur (carrémpent) de lire ces autres livres. Et puis j’ai lu il y a peu (c’est à dire qu’il s’est écoulé plus de 10 ans)son roman Luna Park. Comme s’il répondait à mes propres cauchemars puisqu’il y raconte les siens (en résumé) et ce personnage qui le hante. Une lecture très marquante.
Brett Easton Ellis a reconnu plus tard qu’American Psycho était une commande de son éditeur.
Le problème, c’est que vu d’aujourd’hui, tout ce qui était ultra-à la mode dans ce livre est devenu ringard (cf. Huey Lewis & the news.)
Du coup, le livre perd 90% d’intérêt. J’ai aussi trouvé qu’il y avait beaucoup de provocations faciles (les propos homophobes, racistes, antisémités, les détails sexuels crus, etc.)
Parce que Huey Lewis & the news a été, un jour, "ultra à la mode" ???? Huey Lewis a toujours été ringard mon ami, le livre ne perd donc pas de sa fraîcheur. Ce choix permettait simplement à l’auteur de montrer toute la vacuité de son personnage. De plus, ses longs passages sur des artistes "ultra à la mode" (il me semble qu’il consacre un chapitre entier à Witney Houston, ou à Génésis… je ne me souviens plus exactement, ça fait quand même un baille que j’ai lu ce bouquin… bref, ce mode narratif a tellement été repris depuis qu’il en devient flamboyant de la part d’Ellis. Créer un genre, voilà bien ce qu’il a fait avec ce livre. Et ce n’est pas Dantec qui pourra y changer quelque chose(Et c’est bien dommage, soit dit en passant. L’aurait jamais dû avoir des idées poltiques c’t’homme-là. La dope, ça rend trop parano).
Patrick Bateman ne serait pas un serial-killer, mmmh… suis un peu dubitative là quand même Emilien… Concernant cette scène de cavale hallucinogène, effectivement assez exceptionnelle (mais pas ma préférée !), à quels livres penses-tu ? Je crois qu’on m’a parlé d’une scène ds « Las Vegas Parano » qui serait ds le même esprit… non ? (et que F.Beigbeder aurait pâlement tenté d’imiter, selon certains, ds 99F… mais ceci est un autre débat…)
Sophie, qu’entends tu par « choc », choc littéraire ou choquée par la violence, ou autre ?
Joest, je suis d’accord avec Interrogatif, je pense que comparer A.P à un phénomène de mode est très réducteur ! Ce livre dépasse et transcende beaucoup de choses même s’il contient peut-être certaines références (qui sont d’ailleurs assez souvent ironiques) reflétant la mode d’une certaine époque 80’s ou 90’s…
Pour ma part, j’ai mis assez longtemps avant de lire ce livre, je ne l’ai pas lu à sa sortie, ça ne me tentait pas, j’avais l’impression d’un truc super gore et n’ayant aucune fascination pour la violence ou les serial-killers, ça ne m’intéressait pas. C’est finalement une personne qui tenait ce livre comme une sorte de bible, de référence absolue qui m’a incitée à le découvrir. Et là surprise, ça n’avait rien à voir avec ce à quoi je m’attendais. En fait ça n’avait rien à voir avec ce que jamais pu lire. Un pur ovni. Un pur génie !
Et plus de 10 ans après, c’est toujours le cas.
Que pensez-vous sinon du fait que ce livre me paraisse avant tout « drôle » ?
J’ai conscience que c’est rarement en ces termes que l’on parle d’A.P… 😉
je me souviens d’un dialogue rigolo sur la fin : la conversation téléphonique pour fixer un rencard. Et encore bon, ça aurait autant sa place dans une pièce de boulevard contemporain.
Sinon je vois pas. La scène de cul avec force lubrifiants et spermicides peut être. Ou le truc avec le rat et la tronçonneuse ?
j’étais une lectrice très gourmande de polars USA (je découvrais, donc je dévorais, Ellroy par exemple). Donc la violence n’aurait pas dû me choquer… Mais ce livre m’avait vraiment questionnée sur mon propre rapport à la violence. Parce que là, en plus, il n’y avait pas de "morale", de solution, un minimum de coupable arrêté… J’avais aimé moins que zéro d’Ellis, et je m’étais fait surprendre…Donc ce qui au début s’était avéré être une sorte de rejet littéraire est devenue un livre qui m’a bousculé, fait réfléchir. Et la lecture de Luna Park n’a fait que nourrir cette réflexion. Ce type-là est donc un grand écrivain. (je vais vite un peu, cela mériterait une analyse plus complète. Si j’ai le temps, j’essaierais de poser tout ça)
Interrogatif et Alexandra> Mais les histoires d’artistes, de restaurants, de fringues, etc. c’est la colonne vertébrale du roman! Patrick Bateman vit dans l’obsession d’être au fait des dernières modes.
D’ailleurs, on retrouve ça chez ses imitateurs. D’où le même reproche par exemple au "Hell" de Lolita Pille: 6 ans après, tout ce qu’elle cite est passé de mode… Et certains lieux ont même fermés depuis!
Sophie P> J’ai lu Lunar Park après avoir lu American Psycho et Lunar Park m’a déçu. On dirait l’émission "Where are they now?" de VH1, où ils retrouvent un chanteur has-been. A chaque fois, ça se termine par: "Après mon album, j’ai pas mal galèré. Mais là, c’est mon grand retour…" Le plus pathétique, c’était le cas de Vanilla Ice qui en est à 4 tentatives de come back! En bref, Brett Easton Ellis a l’air d’être le seul à n’avoir pas remarqué qu’il est passé de mode. Pour ça, Lunar Park serait presque un livre comique.
bon allez je tente mais je fais court:
AP est avant tout un livre sur l’économie, sur le cauchemar d’un monde libéral ou la consommation règne en maitre ; En clair bateman court après tous les accessoires nécessaires et tous les endroits ou être, tout en en se rendant compte finalement qu’au bout de cette course délirante… Il n’y a rien, le vide absolu; chaque objet remplace un autre, chaque soirée tout est a refaire… Les gens autour de lui sont dans la même course auto centrée et il pourrait effectivement disparaitre (ou tuer tout le monde autour de lui) sans que personne ne soit perturbé dans sa course au niveau supérieur.
Pour moi donc AP est le livre de quelqu’un qui a eu le malheur de lever la tête dans la course à la jouissance matérielle; le plus grave finalement et le plus angoissant n’est donc pas qu’il tue mais surtout qu’on ne l’arrête pas;parce qu’on réalise alors que le vide devient alors une cage… dont il ne peut sortir.
Le fait que les références soient effectivement datées ne me semblera un problème que quand les gens arrêteront de prendre la sortie du disque a la mode comme une évènement (pas demain la veille donc); au contraire il est même encore plus bouffon aujourd’hui de se dire que des gens ont cru jouer leur vie sur notes de whitney houston.
De fait cette course au vide est bouffone, donc sa critique l’est encore plus et comme toi alexandra je trouve pas mal d’humour halluciné/retroactif dans ce texte.
Enfin comme tous les wanna be ce texte est donc une référence pour moi… (samedi je disais à un pote que pour être sur d’être cool avec un trentenaire léttré il faut juste dire aimer houellbi, bee, et kubrick ;)))
Bref texte tellement important donc qu’il imprègne mon premier roman.
Que peut être vous lirez un jour.
amitiés
yann frat
Toi aussi tu écris un premier roman là-dessus Yann ?
Moi mon Pat Bateman s’appelle Jerôme Kerviel et sa Whitney Houston s’appelle Britney Spears, faut bien updater un peu les références !
Sophie, oui c’est vrai que je n’ai pas du tout cette culture de romans noirs/polars, donc je l’ai abordé avec un œil de novice et c’est peut être pour ça que je l’ai « expérimenté » différemment.
A.P m’apparaît en effet très éloigné d’un polar mais plus proche d’un roman psychologique doublé d’une réflexion sur le mal comme a pu l’être Crime et Châtiment. C’est ce qui m’a intéressée avant tout et puis le fait justement que l’on ne tombe pas dans un jugement de « bons et de méchants » et dans une morale judéo-chrétienne habituelle.
Joest, je suis pas du tout d’accord. La colonne vertébrale du roman ce ne sont pas les noms des marques ou des restaurants (d’ailleurs il y en a que l’on ne connaît pas forcément dc même s’ils étaient imaginaires cela ne gênerait pas). La colonne vertébrale du roman c’est Bateman, le reste n’est que l’accessoire/le décorum de son univers psychotique…
Yann, héhé, houellbi, bee, et… Woody (Allen), talonné par Todd Solondz et ciné nouvelle vagues 60’s et 70’s pr ma part !
Sinon, je sais que c’est souvent l’analyse qui est faite d’AP, dénonciation de la société de consommation, etc, mais j’ai l’impression que c’est plus profond que ça. Sa pulsion d’(auto)destruction humaine est plutôt une résultante de sa construction psychique (un gamin abandonné) ; la société de consommation devient alors un substitut au même titre que le meurtre.
Pour revenir sur ces digressions sur Whitney Houston par ex, on voit très bien qu’elles sont à prendre au énième degré. Quoi de plus hilarant que cette analyse pseudo sérieuse (qui renferme bien sûr pls niveaux de lecture) qu’il fait sur ce chef d’oeuvre de mièvrerie:
"(…) nous retrouvons tout le talent de Whitney, plus grand que jamais, dans l’extraordinaire "The greatest Love of All", une des plus fortes, des meilleures chansons jamais écrites sur la dignité et le respect de soi-même. De la première à la dernière ligne, c’est une ballade qui parle, de façon magistrale, de la foi en soi-même. C’est là une proclamation pleine d’intensité, que Whitney chante avec une noblesse qui confine au sublime. Son message universel dépasse les frontières, pour instiller chez l’auditeur l’espoir qu’il n’est pas trop tard pour s’améliorer, pour être plus humain." (p337, ed poche 10/18)
Bon, à suivre mon top 5 des meilleurs scènes d’A.P (j’attends bien évidemment le vôtre, ok vous allez être obligés de le relire ce we mais c’est pr la bonne cause !).
(Jeff va-t-il réussir à rédiger un avis en rapport avec le sujet du billet, sans mentionner son blog/roman ou nouvelle…, ts les espoirs sont encore permis, wait and see… ?)
Jeff… Et oui je sais , je suis un vrai wanabe… Mais bon au moins moi je me suis rendu compte assez vite que je faisais du BEE et j’ai donc fini par intégrer pat bateman directement dans l’intrigue… Comme ça je règle le problème.
Mais bon rassurez vous, de l’eau passera sous les ponts avant que tout ceci n’encombre vos bibliothèques… ;)))
Et alex tout d’abord merci de dire que ma réflexion est légère (je suis trés vexé!!! 😉 ) mais je pense que grand public n’a pas encore réalisé a quel point PB est un personnage plausible- comme il n’a pas réalisé ce que le libéralisme économique implique…
wait and see, pb n’a pas finin d’être à le mode…
a+
yann
Tu sais Yann, ce n’est pas une honte pour un wanabee de faire du BEE. Mieux vaut faire du BEE que faire du Pille.
Et pour ce qui est des références ringuardes, il faut se dire que ce bouquin est un bon témoignage des années 80 et que, sans toutes ces références, le livre ne tiendrait pas debout. Pat Bateman sans ses goûts de chiottes et son mobilier bling bling serait il encore Pat Bateman ?
(Tiens, Jeff a réussi à placer une phrase sans parler de lui !)
vi c’est toujours le moins pire, en révant un jour d’avoir un style à soi et des choses à dire quoi ;))))
Bref, allez jeff, take care tu viens de rentrer dans ma bloglist…
see you soon
yann
Le problème crucial dans AP à mon avis, est : Patrick Bateman tue vraiment, ou rêve qu’il tue ?
Et de un.
Et l’horreur du capitalisme dont il est question dans ce livre, c’est plutôt : "la capitalisme, par essence, existe pour dominer une partie du monde contre une autre. Une partie des individus contre d’autres. Au sein du capitalisme, certains doivent être riches et diriger pour pouvoir faire fonctionner la machine capitaliste. Là est le vrai sujet de AP.
Tuer quelqu’un de ses propres mains, ou rêver qu’on le tue, c’est exercer le pouvoir total du capitalisme. Tout simplement. Comme quoi, les "trentennaires lettrés" feraient mieux de lire Marx et autre chose que seulement BEE, Houellebecq et disons… Coupland et co. 😉
Et de deux.
Pour finir, un premier roman placé sous les auspices de AP commence très mal sa carrière de wanna be roman je trouve…
C’est rien de le dire cher Maxence, je démarre bien mal ma non carrière! Mais au fond ce qu’il y a de bien avec elle c’est qu’elle n’encombre personne… au moins… ;))
Sauf que -et de trois- je reste convaincu que le vrai message d’ap est : il n’y a rien au bout de l’ultra consommation.
Mais au fond tout ceci est compatible non?
Et de quatre!
yann (l’andouille wannabe…) (Ou la wannabe andouille?)
Merci de cet avis d’un éminent spécialiste!
sur ta 1e question, je ne suis pas certaine que ce soit si crucial que cela, même si ça reste troublant, même si Bateman avait rêvé, cela resterait terrifiant… Cela me fait un peu penser aux gens qui cherchent à expliquer un film de David Lynch, je vois pas l’intérêt en fait… 😉
Bon sinon sur le capitalisme, tjs pareil BEE a-t-il vraiment voulu délivrer "un message" ou dénoncer qqc ? Je ne le pense pas, encore une fois (mais ça serait à lui de répondre bien sûr, Bret si tu nous lis ? 😉
Les serial-killers ne sont pas le produit ou une allégorie du capitalisme ou de l’ultra-consommation… C’est avant tout un déséquilibre, une fêlure, un traumatisme qui se développe comme un virus dans un système donné (les serial killers existent aussi dans une dictature communiste) et peuvent éventuellement, dans une forme extrême, accoucher d’un Bateman ou d’autre chose…
enfin sur la question de l’influence ellisienne sur les romans actuels… oui c’est vrai que malheureusement certains thèmes ou gimmicks sont je pense à éviter sous peine d’être taxés de « sous-ellis » mais comme tu l’écrivais au sujet de cet auteur (je me tâte pr le découvrir d’ailleurs) ici :livres.fluctuat.net/blog/…
on peut parfois trouver certaines filiations sans que cela ne nuise trop à l’oeuvre enfin je crois 😉
bon et puis il faudra aussi que tu me fasses un cours sur Gibson, très déçue de ses 2 derniers livres…
Totalement d’accord avec toi Alexandra. Les sous-Ellis abondent, c’est un peu… chiant, osons le dire, actuellement. Là je suis dans le Bruce Wagner, "Toujours L.A." du pur sous-Ellis, au moins Tropper avait une qualité, la sincérité et la simplicité de son propos.
Par contre dire qu’expliquer le message sous-jacent d’un livre est vain alors que tu te tape (avec courage d’ailleurs) une analyse (très bonne aussi) de plus de dix pages imprimées du livre, c’est un peu paradoxal avoue…
Pour le reste, c’est Ellis lui-même qui écrivait dans les Inrocks (époque noir et blanc mensuel, hé oui je suis vieux) que Bateman était l’incarnation de la sauvagerie du capitalisme et de son manque de sens moral dans les années 80… Autant dire que, comme aujourd’hui c’est pire, on comprend qu’Ellis écrive une semi-fake autobiographie plutôt critique avec Lunar Park. ; )
PS : désolé Yann, je suis un sale con. Mais c’est vrai que AP est vraiment LE livre par lequel il ne faut pas se laisser influencer quand on commence à écrire non ? Un lourd héritage si on veut…
Ben maxence je suis bien d’accord avec toi, il ne faudrait pas se laisser influencer par AP ni par houellbi quand on écrit (ni par personne d’ailleurs). Sauf que moi j’ai pas pu et que quand je m’en suis rendu compte ben au lieu de contourner l’obstacle qui de toutes façon me guettait à chaque ligne, j’ai préféré l’affronter frontalement et mettre du second degrés dans ma façon de faire… comme tout le monde.
Bref de toutes façon ce livre est appellé apparemment à une grande carrière d’inédit de fond de tiroir donc tout ceci n’est pas bien grave.
Et Maxence sauf erreur je ne t’ai pas insulté. Je me suis un peu moqué de ton ton péremptoire, c’est tout… Mais au fond c’est la preuve que ce livre nous a touché non?
yann (wanna has been)
Idem, je ne voulais pas être blessant, ça me semblait juste dommage l’influence Ellis (mais j’étais bien conscient que tu en étais conscient… ; ))
Le ton péremptoire c’est l’âge désolé. Et encore ,vous ne lisez pas "Le R*ck est m*rt" ; )
Maxence, dans cette citation (merci de l’avoir ressorti de derrière les fagots !) "Bateman l’incarnation de la sauvagerie du capitalisme et de son manque de sens moral dans les années 80", je suis d’accord avec cela, puisque en effet Bateman est le yankee superficiel à son extrême, obnubilé par l’apparence et les signes extérieurs de richesse mais, MAIS il n’est pas dit que le meurtre en tant que tel soit, lui, "l’incarnation de la sauvagerie du capitalisme".
Le meurtre c’est pour moi une dérive du personnage qui lui est propre par rapport à sa psyché, son histoire et surtout son enfance je pense…
Je trouve que ton interprétation est un peu comme un raccourci un peu cliché qui ne s’accorde pas à l’œuvre justement exempte de tout jugement moral. A la limite je préfére la thèse de Yann (« il n’y a rien au bout de l’ultra consommation ») sans y adhérer vraiment non plus.
Enfin cela reste un avis personnel bien sûr…
Non mais je suis volontiers ironique et souvent cela passe mal à l’écrit alors j’essaye de pondérer mes propos à postériori quand ils sont mal compris…
Bref, sinon pour moi le meurtre est juste un glissement du réel dans un monde ou le meurtre symbolique est omniprésent (dans l’ultra capitalisme il s’agit de tuer son adversaire, de survivre).
Enfin sinon merci pour le "à la limite" ça fait toujours plaisir, d’être intéressant "à la limite" ;)))
Et mes amitiés à maxence donc.
yann
Je viens juste de finir le livre, j’avais vu le film à sa sortie au cinéma et je n’avais pas du tout aimé, je l’avais trouvé vide, mais j’étais assez jeune aussi. Bref, je poste juste pour dire que j’ai aimé ce livre et que moi aussi je le trouve bien drôle, au Xième degrés, je me suis pris des fous rire à en lire des passages au téléphone à mon petit copain. C’est poussé tellement loin, ça fait plaisir un auteur qui n’a pas peur d’aller jusqu’au bout, c’est ce que j’ai aimé dans ce livre
Personnellement, je trouve que le raccourcis n’est peut-être pas usité par celui (et en l’occurence, celle) que l’on croit Alexandra. Car enfin, si Bateman est "l’incarnation de la sauvagerie du capitalisme et de son manque de sens moral dans les années 80" (on ne s’en lasse pas hein ;)), c’est actes le sont aussi.
On est ce que l’on fait.
La citation n’est pas exact en plus, je la cite de mémoire, donc Ellis parlait-il de Bateman ou de Bateman et ses actes, bref.
Moi ce que je trouverais cliché, et à la limite, commercial, facile et grosse ficelle même, c’est que Bateman soit un simple yuppie que les déviances portent à tuer ses petites camarades… ça fait un peu "le curé pédophile", "le pompier violeur", "le gendarme meurtrier"…
Le fait est que le mécanisme du capitalisme, délocalisation, humiliation en entreprise, dévaluation de l’humain en faveur du profit (un exemple ? Polluons toutes une région – Bopal – ce n’est pas grâve de tuer des enfants, des vieillards et des animaux avec nos produits chimiques, l’important c’est de faire du fric, après tout il faut maintenir notre train de vie, et la survie de l’entreprise en dépend")
Quel différence entre implanter une usine chimique au bord d’une ville énorme comme Toulouse en sachant parfaitement que cette usine peut sauter à la gueule de nos citoyens, et tuer un pauvre miséreux dans la rue ?
C’est ça, la question de AP. C’est du moins ainsi qu’Ellis l’entendait.
Mais Yann a également raison, et les deux raisonnements se rejoignent, la consommation terminale ne crée rien, que du vide et de l’ennui, et à partir de là, quand on a pouvoir, argent, temps et de l’imagination, qu’est-ce qui nous empêche d’inviter une call girl à la maison pour la découper en petits morceaux après tout ?
"ces actes" pardon… je bourre mes post de fautes quand je suis passionné… et comme je suis passionné tout le temps, bref.
Maxence, cette phrase que tu cites est celle justement que j’ai placée en exergue de ma chronique fleuve : "Le mal est-ce une chose que l’on est ? Ou bien est-ce une chose que l’on fait ?" (enfin si c’est bien celle-ci à laquelle tu fais allusion) c’est une interrogation en fait de la part du personnage qui ne comprend pas ses pulsions. Toujours dans la droite lignée d’un Raskolnikov…
Pour ma part j’aurais tendance à estimer que le mal est quelque chose que l’on devient (et serais très curieuse d’avoir l’avis d’autres lecteurs là-dessus, ce qui constitue tout l’enjeu du roman pour moi).
Sinon je ne m’engagerai pas dans le (très vaste et complexe) débat politique sur le capitalisme (ou libéralisme ?) qui ne saurait être résumé en quelques lignes à mon sens ne pouvant conduire qu’à un certain manichéisme hélas… Mais que dire des massacres sous des dictatures communistes ?
Tu conclues : "C’est ça, la question de AP. C’est du moins ainsi qu’Ellis l’entendait." Il faudrait lui poser la question je suppose (Bret t’es chiant de pas répondre !). Je n’ai pas l’impression si j’en juge par les différents livres que j’ai pu lire de lui depuis "Moins que zéro" qu’il soit habité par la volonté de faire une littérature engagée messagère. Je respecte néanmoins ton opinion qui tend vers le contraire mais je pense pas que l’on tombe d’accord so…
Nan, je bosse là (voir signature) ; ) et accessoirement, je suis un fan du Buzz Littéraire bien sûr (re, ; ))
Mais c’est vrai qu’Ellis donne l’impression d’être vraiment très loin de tout engagement tu as raison. Pourtant, je t’assure, ayant eu la chance de lire Ap à sa parution, j’ai lu de nombreux interviews de l’époque où il déclarait (en réponse aux tarés qui prenaient le livre au premier degrés, ce qu’il raconte très bien dans Lunar Park d’ailleurs) qu’il s’agissait d’un pamphlet dénonçant les travers du capitalisme des années 80 (des années 80 hein, pas du capitalisme en général) au travers des agissements d’un yuppie (l’incarnation même de l’indifférence et du manque de sens moral du monde des affaires de l’époque)
Pour revenir, juste une minute, sur le capitalisme et le marxisme (communisme donc) Il ne faut pas confondre « l’appareil politique » capitaliste et communiste, et l’économie de marché. Le communisme, bien que « censé » distribuer la même quantité aux producteurs (les ouvriers) qu’à ceux qui sont au sommet de l’état ont aussi un fonctionnement capitaliste dans le fond. les pays communistes (ceux qui restent) produisent eux aussi des biens, ils gèrent aussi, des capitaux, etc. Et, là où tu as raison, ils polluent eux aussi (voir l’état écologique catastrophique de la Russie actuellement) et ils saccagent autant la planète que les autres se revendiquant capitalistes. La seule différence, c’est que par devant, ils affirment distribuer de manière juste, le gain du travail des ouvriers (ce qui n’est pas le cas en vérité comme tout le monde le sait aujourd’hui, cf : La Corée du Nord)
Mais bon, pour revenir à Ellis, tu ne vas pas me contredire si je te dis que Glamorama est un roman profondément engagé contre la superficialité contemporaine par exemple ?
Si ?
Si ? (siiiiiiiiii allez, contredis moi, j’adore discuter avec toi en fait ; ))
Heuuu, c’était une joke hein : (
Comme je te le disais précédemment je suis d’accord avec le fait qu’il s’agit « d’un pamphlet dénonçant les travers du capitalisme des années 80 ».
Plutôt que le terme « dénonce » (mais là je pinaille) qui me fait tt de suite penser à un truc militant/un peu politique (qui ne va pas avec l’esprit d’Ellis je trouve), je dirai plutôt qu’il s’en amuse/ s’en moque et joue avec ses dérives comme ds Glamorama où il s’amuse avec la superficialité de notre époque, comme tu le dis.
Et plutôt que capitalisme (je pinaille encore, Bateman n’étant pas un courtier très motivé mais plutôt un glandeur), je dirai consumérisme, la société du « tout fric » et du clinquant en somme. Sinon oui tu as raison sur le distingo système politique/économique mais bon il me semble que le libéralisme a aussi une portée/application économique (qui n’est d’ailleurs pas forcément celle du capitalisme en effet qui peut être très conservateur en fait, mais passons…).
Là où je crains, non pas de te contredire, mais juste de ne pas être d’accord c’est sur le fait que les meurtres de Bateman soient une métaphore du capitalisme, cf : ton commentaire n°17. Là c’est ton interprétation du capitalisme (« le capitalisme c’est tuer l’autre »), j’ai pas l’impression que ce soit celle d’Ellis.
Bon, on est presque d’accord donc… Mince, va falloir que je trouve autre chose… ; )
Un petit article à ce propos (voir lien)
Oula, j’ai pas le temps de lire la trentaine de comm’ donc va p’t’ être y avoir redite. J’ai fini le bouquin il y a moins d’une semaine et je suis HEUREUX de me tirer de ce cauchemar ^^. Par contre MAINTENANT je veux bien voir Christian Bayle en Roi du slasher.
Bon, sinon le côté commande à tué le mythe ainsi qu’une lecture en Septembre dernier, celle du Démon de Selby qui se déroule dans un univers proche mais où l’évolution du protagoniste est plaisante là où on subit un Bateman égal en-presque- tous lieux du roman.
Et y’a pas à dire, je préfère les traductions de Selby que celle d’Ellis.
AP est le roman d’ellis qui m’a probablement le moins plu.
J’ai trouvé que ce roman jouait vraiment sur la violence gratuite de scènes qui parfois n’ont pas vraiment d’intérêt dans l’histoire en elle même. Il ne faut pas oublier que c’est un bouquin qui a été écrit sur commande de son éditeur qui voulait un truc bien gore qui ferait du fric. Jackpot !
Mon dieu, personne n’a donc lu Lunar Park ?…
Si, j’ai lu "Lunar Park", et j’avais d’ailleurs envie de répondre qu’il FALLAIT lire "Lunar Park". alors, BEE est-il démodé ou pas ? franchement, je ne crois pas que le propos est quelque chose à voir avec cette question, je ne pense pas que pour qualifier l’oeuvre de Bret Easton Ellis on puisse parler de mode, ou cela ne peut venir que de gens qui n’ont que ça en tête – les endroits à la mode, les fringues à la mode…
BEE, c’st avant tout une sacrée voix et peu d’auteurs contemporains lui arrivent à la cheville.
Bizarre que ce soit ce livre qui recueille autant de commentaires.
Il ya beaucoup moins de commentaires pour Jonathan Franzen, par exemple, pour prendre une comparaison dans la veine "roman américain contemporain et novateur".
Il me semble hypocrite dès lors de faire semblant de s’intéresser uniquement aux qualités littéraires de ce roman qui est, avant tout, un objet marchand formaté pour plaire.
Une fois ces précautions prises, on peut néanmoins jouer le jeu et disséquer l’objet en tant qu’œuvre littéraire.
Alors on peut dire que l’analyse proposée ci-dessus est assez juste et complète. Les techniques narratives employées, audacieuses et efficaces, donnent un résultat à moitié réussi. Le roman est froid, impersonnel et un peu ennuyeux, en dehors des scènes fétiches, pour qui les aiment (ultra violence et pornographie anthropophage). La litanie des marques et la répétition d’ actes insipides peignent d’une lumière crue les obsessions et hallucinations d’un minable malade mental.
Pour moi, il n’y a jamais de passage à l’acte, mais uniquement des bouffées délirantes qui vont s’accumulant vers la fin du livre. Cela explique que cet assassin récidiviste ne soit jamais recherché et encore moins arrêté, et qu’aucune trace ne reste sur les prétendus lieux des crimes. Les propos scandaleux tenus par le héros ne sont jamais relevés par ses interlocuteurs : preuve qu’ils ne sont jamais proférés mais uniquement pensés.
Mouais… pour moi ca rest du biba magazine amélioré. Bref on est loin des hauteurs d’un Aristote, d’un Leibniz ou d’un Chesterton (note pour la commentatrice quand elle cite la phrase sur le "mal": cette distinction se fait en première année en cours de philosophie… un conflit entre éthique déontique et thiques de la vertu (débat encore violent aux US car très lourd d’implications pratiques)… Bref pas de quoi s’extasier là-dessus. Du roman de gare de luxe, écrit pour les femmes ou les metros. Du sur mesure pour les critiques.
Pour moi ce livre est un livre culte
Pour moi,Bateman n’a fait ses monstruosité QUE dans sa tête……….mais c’est extraordinaire et la montée de sa folie est remarquablement écrite
La lecture de ce livre : un choc! Si drôle! Mais pas que.. En revanche (mais je ne l’ai pas lu en anglais ) je me souviens de ma surprise à lire partout qu’il s’agissait d’un tueur en série. Non, si j’ai bien lu, il s’agit de qqu qui se prend pour un tueur en série , et on le sait vers la fin , lors d’une conversation avec son ami, celui-ci lui dit "non , tu n’étais pas avec celui que tu as cru tuer". Enfin je ne me rappellle plus , mais ce dont je me rappelle c’est qu’il est alors évident que ce n’est pas lui qui a tué .La force de ce livre c’est que la progression de la folie (sa singularité) se lit dans le regard que lui portent les autres.Au début, il est parfait, juste un peu différent des autres, car il a un sens critique, (et c’est ce qui le perd!) puis peu à peu ,au fur et à mesure qu’il loue des vidéos,qu’il confond sa vie avec les vidéos, qu’il perd peu à peu la raison, à chacune de ses rencontres un petit détail n’est plus parfait, il se désintègre de la société. Jusqu’à cette conversation finale: il avoue un crime non commis . Il n’est donc pas serial killer. Il est juste devenu fou. Car il lui restait une once de critique. La réalité n’apparaît que par le regard des autres.
Pour ma part l’aspect codifié et répétitif des "marques " de costume, boisson, snobisme ,etc. m’ont rappelé Sade.
Mais je ne le vois pas comme "l’histoire d’un serial killer".
"… suite aux déclarations de Bret Easton Ellis lors de l’annonce selon lui absurde de la suite d’American Psycho, l’écrivain du livre original a confirmé que Patrick Bateman ne faisait que dessiner ses horribles meurtres…"
Sur le débat concernant l’interprétation (dénonciation du capitalisme, etc), Ellis réfute cette intention, voir extraits interview intéressante à ce propos : http://www.buzz-litteraire.com/i...
drôle d’humour ! Ca me fait pas rire. Ce livre est bon car il est réaliste et poussé à l’extrême. Voilà notre modèle de société. Le monde est géré par ces hommes. Le drôle de l’histoire, c’est que ces hommes gonflés d’orgueil ne se rendent pas compte de leur comportement et que le reste de la population n’en a pas connaissance. Mais voilà, c’est bien eux qui font tourner le monde. Il faut bien le reconnaître. On devrait envoyer 1 exemplaire de ce livre à chaque député afin qu’il revienne sur Terre. QCM obligatoire tous les 6 mois pour vérifier qu’ils se rappellent de l’histoire.
Arrêtez d’écrire Luna Park, c’est LunaR Park.
BEE est à la littérature américaine ce que Rimbaud était à la poésie française : un génie !
Bonjour
C’est vrai,je l’ avoue je n’ai pas tenu jusqu’ à la fin du bouquin j’ avais trop envie de gerber et le prochain chapitre ne me promettait qu’ un peu plus de souffrance car c’est vraiment physiquement que mon malaise est devenu insoutenable.La description du monde des golden boys à travers des pages entières de catalogue de fringue est vite devenue ennnuyeuse et j’ ai taillé à coups de serpe dans cet effet de style qui ne fait que du remplissage; idem pour les scènes de restos branchés où on se fait copieusement chier. Alors que reste t’il de Pat Bat(e)man « Christian Bale » tous oripeaux retirés sinon d’ incarner nos fantasmes les plus refoulés en nous renvoyant à notre propre voyeurisme.Finalement « il » est nous, »il » nous englobe, »il » est la société moderne deshumanisée et préfabriquée qui nous dépasse par sa violence,son cynisme,sa cruauté et son aveuglement.Finalement je le reconnais, »A.P. » aurait pu être un bon livre si son auteur s’ était d’ avantage tourné vers Anthony Burgess en rapprochant le parcours de P. Bateman de celui d’ Alex dans « A Clockwork Orange » mais il a opté pour le bling-bling littéraire assurement plus rémunérateur alors…
Aquoibon aquoibon, c’est un aquoiboniste, un faiseur se paisantristes,un drôle de je-m’en- fou-tiste…Je persiste
J’ai eu de l’insomnie à lire ce livre. J’ai eu des éclats de rire à lire ce livre. J’ai eu de l’ennuie à lire ce livre. J’ai eu de la pitié et de la colère à lire ce livre. J’ai voulu arrêter de lire ce livre. J’ai bandé à lire ce livre. J’ai souvent fermé les yeux en lisant ce livre. Je me sens coupable d’avoir aimé ça… Je sais pas trop quoi en penser. Assez déroutant. Je cite un critique: « Malheureusement, Bateman est l’un des plus beaux personnages de la littérature moderne »
Ce livre est excellent pour être sûr d’avoir la nausée.
Je ne pense pas qu’on puisse « intellectualiser » ce genre de livre comme une représentation des années 80. Ce n’est même pas la caricature d’un mode de consommation, mais une description vulgaire d’actes odieux. Très loin à mon sens d’un chef d’oeuvre de la littérature. Ou alors il faut faire une thérapie.