Interview de Camille de Peretti (« Nous vieillirons ensemble »), Salon du livre 2008 (1/6) + lecture vidéo de 2 extraits

Camille de Peretti vient de publier en cette rentrée littéraire un troisième roman tour à tour drôle, émouvant ou violent, sur le thème difficile et inattendu des maisons de retraite et du vieillissement, monde qu’elle connaît bien puisque ses parents œuvrent dans le milieu médical. Un sujet sensible à l’heure où l’on dénonce les dérives de certains de ces établissements mais tel n’était pas le propos de l’auteur qui dit s’être avant tout intéressée à ses personnages et à leurs émotions. Merci à la gracieuse et talentueuse Camille de Peretti, que j’ai réellement prise sur le vif, en 5 minutes chrono, pour lui faire parler de son dernier roman « Nous vieillirons ensemble » paru chez Stock. En bonus, une lecture vidéo de deux extraits par l’auteur :

Buzz Littéraire : Vous tirez votre inspiration d’œuvres littéraires ancrées dans le patrimoine culturel français. Pouvez vous nous expliquer pourquoi ?
Camille de Peretti : « Je pense que l’homme qui ne lit pas de romans ne peut pas écrire de romans. Je crois qu’on n’est jamais affranchi de nos pères. Vous savez, il y a des citations cachées dans tous les textes. Voyez, dans « les choses » de Pérec, il y a trois paragraphes entiers de « l’Education Sentimentale » de Flaubert. Oui, pour moi, c’est naturel de parler de ces auteurs dans mes romans. C’est une forme d’hommage si vous voulez. »

Votre écriture et votre travail en général ont considérablement évolué depuis Thornitorynx. Plus puriste, plus ciselée, avec des phrases plus courtes. Comment écrivez vous, Camille ?
« Je travaille en tâchant d’affiner mon style le plus possible. J’essaye de faire le moins de répétitions possibles, le moins de queues possibles. Je veux apprendre. Je suis ténue. Car avec le travail, je sais que l’on arrive à tout. Et avec la persévérance, on conquiert la maturité. Je me rends compte aussi que j’écris une page plus facilement qu’avant. Physiquement, cela me fatigue moins !! Sinon, j’espère que mes livres seront évidemment meilleurs lorsque j’aurais 60 ans !! »

Quand écrivez-vous ?
« J’écris à partir de 16 heures, en buvant un thé. Si je vois que l’inspiration ne vient pas, je m’interromps au bout de deux heures. Sinon, je mets un point d’honneur à ne rien faire le week end, j’ai alors l’impression d’être encore un salarié ! »

Votre dernier roman est clairement inspiré par Perec et son œuvre, on l’a vu dans l’une des questions précédentes, tout comme le précédent roman l’était des Liaisons Dangereuses… Ne craignez vous pas d’être écorchée par des critiques virulentes qui pourraient, ne pas percevoir l’ idée de l’hommage que vous soulevez, mais au contraire, vous reprocher l’effet sous plagiat, allant même jusqu’à parler de paraphrase ?
« J’y ai pensé et j’ai eu un peu peur. Puis, j’ai eu la chance de participer à une émission de France Culture « jeu d’épreuves » où il y avait deux types de journalistes : ceux qui avaient compris mon projet et les autres. C’était intéressant et cocasse au fond parce que les journalistes entre eux se sont compris et moi, aussi, j’ai compris les reproches que l’on me faisait même si je les trouvais très injustes ..! Franchement, (dans un éclat de rire), Pauvre Laclos, pauvre Pérec ! s’ils savaient ! Je suis bien incapable de les copier, et jamais, jamais, je n’ai eu l’intention de les imiter, simplement, à ma façon, je veux leur faire honneur… Oui, c’est ça..  »

Pourquoi avez-vous choisi de planter le décor de votre roman dans une maison de retraite ? Un milieu singulier et un peu éloigné d’une jeune femme non ?!
« C’est un environnement que je connais bien. Je suis tombée dedans quand j’étais petite ! Ma mère est infirmière, mon beau-père, kiné et toute ma famille en général provient, pour faire court du milieu de la géronto-psychiatrie. J’avais envie de relater la vie de ces pensionnaires. Et ceci explique alors cela. »

Puis nous avons été interrompues par la séance de dédicaces qui devait débuter. Merci à Camille de Peretti qui a répondu en un temps record, avec une rare disponibilité et je dirais même, dans un certain inconfort…

Propos recueillis par Laurence Biava, photos d’Anne-Laure Bovéron

Lecture vidéo : Camille de Peretti, très lumineuse et vivante, passionnée par son sujet qu’elle maîtrise à la perfection et sur lequel elle porte un regard juste et sensible, a notamment lu 2 extraits de son roman « Nous vieillirons ensemble », à l’occasion d’une rencontre lecteurs de la Fnac. Le premier extrait particulièrement poignant illustre le dialogue entre un mari et son épouse adultérine atteinte d’Alzheimer (qui le confond notamment avec ses anciens amants…), le second beaucoup plus burlesque dépeint l’ambiance haute en couleurs d’un repas dans la maison de retraite… Un art certain du dialogue (voir aussi l‘intégralité de l’entretien vidéo donné par Camille de Peretti dans la rubrique « Buzz+ »):


2 Commentaires

    • Gwen sur 31 mars 2008 à 21 h 40 min
    • Répondre

    Oui, cela me dit bien de lire cet auteur ; mais moins pour les sujets que pour l’intertextualité. Au départ. Mais cela attendra, je vais me pencher sur des classiques.

  1. J’ai eu le plaisir de la rencontrer très brièvement à l’Escale de Bordeaux le week-end dernier, pour une dédicace. J’ai prévu de lire "Nous sommes cruels", le roman épistolaire qui précède "nous vieillirons ensemble". Elle m’a expliqué que les mêmes protagonistes se retrouvaient dans chacune de ses histoires… Je l’ai trouvé charmante, et disponible, j’ai hâte de lire ce qu’elle écrit.

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