La comédienne célèbre pour son rôle de la belle Roxanne dans l’adaptation cinématographique de « Cyrano de Bergerac » en 1990, possède aussi des talents de conteuse qui s’affirment de livre en livre. Son troisième prend la forme d’un recueil de nouvelles intimiste où elle explore le désir, la frustration, la féminité, la fragilité des couples et bien sûr les hommes (qui se révèlent souvent impuissant ou absent)…
Un recueil cousin de celui de Nathalie Cachin où en 6 nouvelles, elle brosse le portrait de 6 femmes et de leurs relations amoureuses : épouse, maîtresse, divorcée, mère de famille qui toutes attendent leur homme, rêvent de séduction, de jouissance et de passion avant de se retrouver seule dans un lit vide avec leurs illusions perdues… Une femme qui se métamorphose en chatte, une femme a envie d’une chose, une femme s’imagine des choses, une femme se prend pour un chimpanzé, une femme imagine qu’elle écrase son amant comme un grillon, une femme se voit dans un hamster…
Le premier texte, le plus long et le plus marquant décrit le rendez-vous d’une femme et de son amant, un homme marié qui la fascine en dépit de son problème d’impuissance. Avec une mise en scène très travaillée, elle fait progressivement monter la tension de leurs retrouvailles après une séparation d’un an, entre réminiscences de leur rencontre passée, stress et désir qui se mêlent puis le corps à corps avant une issue décevante…
Placé résolument sous le signe phallique (des petits, des gros, des sombres, des recourbés, des fins, des ramollos…), le recueil porte un titre inspiré d’un mythe sénégalais selon lequel le manioc serait « la fortune de l’homme » car doté de vertus aphrodisiaques. Une écriture à la fois précise et poétique (la peau du dos qu’elle compare par exemple à l’eau calme d’un étang ou à une plaine ou encore « l’eau verte odorante » des mots du désir…), à la fois sensuelle voire animale et pudique qui ne sombre jamais dans la vulgarité.
Elle a l’art des petits détails et sait nous faire entrer dans l’intimité d’un couple en révélant les fragilités cachées de chacun sans voyeurisme.
Un ouvrage hautement recommandé par Nicolas Rey dans sa chronique littéraire pour VSD qui n’aura pas manqué d’y trouver des résonnances avec ses thèmes de prédilection. A propos de cette première nouvelle, il commentait notamment : « La première histoire, la plus consistante, est un petit drame où le suspense et la difficulté d’aimer fusionnent parfaitement. Une femme a rendez-vous dans un hôtel loin de Paris. Il faut qu’elle arrive en avance. Le temps de prendre une douche, de s’épiler, d’aller fumer une cigarette sur le balcon, de mettre sa robe, d’aller uriner avant que l’homme n’arrive. N’allez pas croire que la vessie soit un détail dans ses 60 pages. La vessie est essentielle. Plus que 20 minutes : « Faire pipi une dernière fois. Après il sera trop tard. Elle sera trop anxieuse, trop excitée pour détendre son sexe et uriner. » Camarade lecteur, n’oublie jamais ça. Si, avant de commencer les préliminaires, une femme te demande où se trouvent tes toilettes, demeure souriant et compréhensif, indique lui l’endroit et augmente le volume de ta chaîne stéréo. Ne rêve pas. La femme n’est pas en train de se faire un rail dans ton dos. La femme n’est pas vénale. La femme est généreuse. Si la femme était venue avec un petit sachet, elle t’aurait tout simplement proposé de partager la substance sur la table basse. Non, camarade lecteur, la femme tente de faire pipi comme dans le livre d’Anne Brochet, il faut lui laisser le temps nécessaire. Si tu es un vrai gentleman, tu peux même balancer la phrase suivante : « Je descends acheter des cigarettes. Tu n’as besoin de rien ? » En y repensant, évite-le « Tu n’as besoin de rien ? » Cela oblige la femme à répondre. Et c’est horrible de devoir parler à son futur amant alors que l’on tente de soulager sa vessie dans des toilettes que l’on ne connaît pas. Une vessie de femme, camarade lecteur, c’est compliqué, fragile et important. Pour en revenir au bouquin, l’homme arrive. Un peu trop tôt. Un duel au soleil se prépare. On ne racontera pas la suite. ce qu’on peut dire, c’est que l’écriture brûlante de la fille est digne de certains américains. On se croirait dans un motel de la côte est avec un « dinner » à quelques kilomètres et une climatisation qui ne fonctionne plus. »
Extrait « La fortune de l’homme » d’Anne Brochet :
« Il me reste une heure pour trouver un homme. Hier soir, quand j’ai fermé les volets, j’ai regardé dans la rue déserte et je me suis dit : «Encore une journée passée sans amour.» Ça m’a glacé à l’intérieur de la tête. Ce n’est pas mon ventre qui le réclame, de toute façon je ne le sens plus, non, c’est ma tête. Quand je réfléchis, quand je suis certaine que c’est un homme qu’il me faut, c’est ma tête qui me brûle. Quand je me dis que c’est foutu pour moi, que plus jamais, c’est encore ma tête qui frissonne violemment. »
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