Après le petit débat sur le système Lulu et de son mode de répartition en faveur de l’auteur (80% des bénéfices des ventes lui sont reversés contre 8 à 10 dans l’édition traditionnelle), certains d’entre vous qui écrivez ou souhaiteraient être édités sont peut-être intéressés de savoir s’il est réellement possible de « vivre de sa plume » en tant que romancier.
A la question sur le pourcentage de ses droits d’auteur posée par le magazine Lire (en 2005), Anna Gavalda répondait par exemple : « Pour le premier livre, j’ai touché 10%, pour le deuxième 12% et pour le dernier 13%. A partir de là, j’ai décidé de ne plus augmenter mes tarifs car je ne veux pas que ma «gourmandise» se répercute sur le prix de l’ouvrage (puisque c’est fatalement ce qui se passe). Je préfère des livres cousus, du beau papier et des couvertures à rabat, à un prix raisonnable, plutôt qu’un manteau de fourrure. Je préfère des lecteurs qui se disent: «Allez… je me l’offre. Je n’ai pas la patience d’attendre le poche… » Elle précisait également refuser les à-valoir : « J’en refuse le principe, car je suis convaincue que les à-valoir ne sont pas une bonne chose. Je n’aimerais pas écrire un livre dans l’idée de rembourser une somme, ça m’angoisserait. »
L’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) donne quelques précisions sur cette situation financière. Hormis les droits d’auteur mirobolants d’un Bernard Werber (Les Fourmis…) ou d’un Éric-Emmanuel Schmitt et les confortables « à-valoir » (avance sur les ventes) de rares écrivains stars, la réalité du métier d’écrivain est souvent précaire comme l’on peut s’en douter. Si un Marc Lévy, habitué des best-sellers, gagne en moyenne 1,1 million d’euros par ouvrage en droits d’auteur (estimation d’après un pourcentage du prix de vente TTC du livre, 6 à 20 % et plus selon les ventes et l’auteur), auxquels s’ajoutent les revenus de cession de droits à l’étranger, d’adaptation cinématographique (50/50 avec l’éditeur)…, pour beaucoup d’auteurs la littérature ne suffit hélas pas à les faire vivre…
En France, sur les 20 000 auteurs recensés, moins de 2 000 « vivent de leur plume » selon l’AGESSA (2007). Une notion qu’il convient encore de relativiser quand on sait que le « smic » de l’écrivain avoisine 7 335 € de droits… par an, soit environ 611€ par mois ! Une activité alimentaire (le professorat apparaît souvent en première ligne) est donc souvent nécessaire comme l’illustrait l’étude sur la Condition littéraire (éd. La Découverte) récemment publiée, à moins d’obtenir le statut d’« écrivain en résidence » accordé par les collectivités qui permet de séjourner dans la demeure d’un écrivain célèbre et d’un revenu pouvant aller jusqu’à 1600€ ou encore d’une bourse du CNL (Centre National du livre).
On estime qu’un succès de librairie commence à 30 000 exemplaires voire même 20 000 ou 10 000.
Comment un éditeur évalue-t-il le potentiel d’un livre pour déterminer son premier tirage: d’un petit « 1 500 exemplaires » jusqu’à la superproduction de 100 000 ?
En le « vendant » d’abord aux forces commerciales du diffuseur. Redoutable obstacle à surmonter ! Un éditeur, dans l’immense majorité des cas, est le client d’un diffuseur dont les VRP sillonneront les points de vente, équipés de leur classeur truffé d’argumentaires (deux géants se taillent la part du lion dans la distribution du livre en France, Hachette et Interforum – groupe Éditis). Mais que le diffuseur soit petit et spécialisé ou puissant et généraliste, le rituel est toujours le même : l’éditeur se présente tous les 2 mois devant l’armée de forces de vente du diffuseur. Livre après livre, son équipe explique, argumente, expose : chaque responsable de point de vente écoute attentivement puis… vote.
Un exemple : le directeur du secteur grandes librairies (les 1 000 plus grosses) en « garantit » 2 500 exemplaires. Celui des hypers (5 réseaux, de Auchan à Carrefour), très sélectif, vote pour 1 000. Le spécialiste des librairies plus modestes (du 1 000e au 3 000e point de vente), espère en placer 800. Ses collègues des magasins Relay et de l’export, prudent, s’en tiennent à 300… Si l’on fait le compte : 4 900 exemplaires constituent un objectif de vente. L’éditeur décidera de son tirage en fonction de cette négociation majeure.
Illustration : film « Les ambitieux » de Catherine Corsini, l’histoire d’un jeune auteur qui rêve d’être édité et prêt à tout pour la gloire…
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