Oyez, oyez lecteurs : Ce soir, l’adaptation du roman classique La princesse de Clèves de Madame de la Fayette (fustigé notamment par Nicolas Sarkozy, voir ci-dessous) par l’écrivain et réalisateur Christophe Honoré, sous le titre de « La belle personne« , est diffusé en avant-première sur Arte. Voici d’ores et déjà un petit aperçu :
A lire: l’analyse critique de La princesse de Clèves de Madame de La Fayette, chef d’œuvre du XVIIe siècle et 1e roman psychologique.
La pauvre princesse de Clèves est l’une des rares héroïnes (mal) mariées de la littérature classique, qui, confrontée à (la tentation d’)un amour adultère, choisira de ne pas passer à l’acte. Aux remords, elle préfère les regrets… Loin d’une Emma Bovary ou d’une Anna Karénine, elle ne cessera de lutter contre le feu de la passion –interdite- qui l’anime pour l’irrésistible Duc de Nemours, tandis que les premières y succomberont allègrement !
« Un exemple de vertu inimitable » (ou d’hypocrisie ?) selon les derniers mots qui clôturent le roman…
Pionnière du roman psychologique moderne, « La princesse de Clèves » signé de Madame de La Fayette, est une analyse virtuose et subtile des arcanes de la séduction, des intrigues et des tourments amoureux dans le monde frelaté (et impitoyable) de la cour d’Henri II au XVIe siècle. Et une œuvre résolument moderne comme le démontre Christophe Honoré qui a eu la bonne idée de transposer ce théâtre des passions en 2008 dans la cour… d’un lycée bourgeois du XVIe arrondissement et bande son de Nick Drake !
Dans le magazine Transfuge et sur son site Internet, Christophe Honoré livre quelques explications sur sa démarche cinématographico-littéraire :
L’idée d’adapter ce roman lui est venue après avoir entendu Nicolas Sarkozy*, fustiger, pendant sa campagne présidentielle ce roman, en estimant qu’il ne servait à rien de l’enseigner en cours. « Mon premier désir a été d’apporter un démenti en forme de film. Une phrase du début du roman dit « Jamais cour n’a connu autant de belles personnes. » Il me semble qu’il n’y a jamais eu autant de beauté que dans les cours de lycée aujourd’hui. J’ai toujours été passionné par les teen-movies américains et curieusement je n’avais jamais fait de film sur l’adolescence. Cet âge correspondait bien à ce roman-là, d’abord parce que l’héroïne a 16 ans, mais aussi pour le lyrisme et la gravité du sentiment amoureux. Je voulais travailler la même histoire, pas du tout dans un souci de correspondances, plutôt avec l’idée que cette histoire n’avait rien de désuet et qu’elle pouvait se raconter au présent. »
Il explique également le choix de transposition dans la cour d’un lycée : « Cette géographie me permettait de jouer sur les trajets, le mouvement. Cet univers fonctionne à la manière d’un petit château: on y retrouve un roi, ses courtisans, des intrigues (on se demande qui est qui, qui sort avec qui…). »
Le film a effacé en partie la dimension morale très présente dans le roman, il le justifie en ces termes : « Dans tous mes films, je me débarasse assez vite de la question de la morale. ce qui ne m’empêche pas d’admirer ça chez d’autres cinéastes comme Chabrol par exemple qui filme les personnages pris dans la gan des codes sociaux. Le poids moral de la Princesse de Clèves percluse entre la religion et une espèce de déontologie de la noblesse, je n’y croyais plus à partir du moment où j’avais décidé de situer l’action dans un lycée. Les interdits me semblent difficile à admettre et à imposer autrement que comme un élément plaqué artificiellement. Cela n’empêche pas l’héroïne d’avoir de vrais conflits. Dans la princesse de Clèves, l’héroïne ne résiste pas tant que pour faire plaisir à sa mère que parce qu’elle se fait une idée de l’amour trop haute pour elle. »
Contrairement au roman, il ajoute que dans son film « les personnages ne sont pas prisonniers d’un carcan social, et, ne vivant pas sous le regard des autres, leur survie morale ne dépend pas du groupe. Je dirai que l’un des piliers de leur morale est l’égoïsme, dans le sens où ils ne se préoccupent pas de ce que les autres pensent d’eux. Et c’est peut-être de là que vient cette dimension plus mélancolique que mélodramatique. »
Verdict ? Rendez-vous ce soir sur Arte pour juger de la réussite de cette transposition libre et moderne ! Sortie dans les salles le 17 septembre.
Mise à jour / Notre avis : :
Tout d’abord il faut vraiment savoir qu’il s’agit d’une transposition du roman de Madame de La Fayette car hormis le maigre dilemme que s’efforce de mimer Léa Seydoux, l’actrice principale jouant le rôle de la princesse (Melle de Chartres), entre son amour pour son camarade Otto et son prof d’italien, Honoré n’a pas su traduire les tensions, les revirements, les stratagèmes et les intrigues qui animent le roman, lui donnant tout son sel haletant. Le principal sentiment qui domine au visionnage de ce film est… l’ennui finalement.
On ne croit pas vraiment aux tourments du cœur ou aux passions violentes censés agiter les personnages qui manquent singulièrement de fougue.
La timidité et les "grands embarras" de Melle de Chartres lorsqu’elle croise Nemours ont fait place ici à des face à face froids où aucun trouble ne transparaît jamais vraiment, si ce n’est à travers des dialogues qui du coup sonnent un peu faux. Quant à la scène de la lettre (au texte splendide) qui est normalement un moment fort du livre ne donne ici lieu qu’à un insignifiant remous (et à un texte mièvre).
A cela s’ajoute la pesante esthétique grise et brumeuse qui baigne le film de bout en bout, qui certes représente sans doute bien l’atmosphère d’un lycée parisien en hiver, mais qui outre le fait de plomber le film, ne se prête pas forcément bien à la représentation d’une cour fastueuse et flamboyante telle qu’on pouvait se l’imaginer en lisant le roman.
Le pitch : Junie, seize ans, change de lycée en cours d’année suite à la mort de sa mère. Elle intègre une nouvelle classe dont fait partie son cousin Mathias. Il devient son ambassadeur auprès de sa bande d’amis. Junie est vite courtisée par les garçons du groupe, elle consent à devenir la fiancée du plus calme d’entre eux, Otto. Mais bientôt, elle sera confrontée au grand amour, celui de Nemours (Louis Garrel), son professeur d’italien. Ne voulant pas céder à ses sentiments, Junie s’obstine à refuser le bonheur, car il n’est à ses yeux qu’une illusion.
L’histoire originale de La princesse de Clèves :
Mademoiselle de Chartres, jeune fille de seize ans élevée par sa mère selon de rigoureuses règles de morale, paraît pour la première fois au Louvre. Le prince de Clèves, ébloui par sa beauté, la demande en mariage. Mademoiselle de Chartres accepte ce mariage de raison mais rencontre, peu de temps après le duc de Nemours. Naît entre eux une passion immédiate et partagée (mais non révélée), à laquelle sa mère, Madame de Chartres la conjure de renoncer : « Ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles, quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord : ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie ». Déchirée entre le serment de fidélité à son mari qu’elle n’aime pas et son désir ardent pour Nemours, la princesse luttera pour préserver sa vertu, aimer sans trahir et tenter de trouver le bonheur malgré tout…
La bande-annonce :
Voir le site du film et le site de Christophe Honoré pour plus d’infos
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*Citation de Nicolas Sarkozy pendant un meeting de Lyon, le 23 février 2006 : « La princesse de Clèves ! Voilà ce que donne l’Education nationale pour épreuve d’examen ! Etonnez-vous que ça aille si mal. Si c’est ce qu’on enseigne à nos enfants. » ainsi que « Dans la fonction publique, il faut en finir avec la pression des concours et des examens. L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen !«
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