Jeudi soir (23/10/08) François Bégaudeau participait très sympathiquement à une rencontre et dédicace lecteurs à la librairie L’Arbre à lettres à Paris, autour de son Antimanuel de littérature. Un échange riche sous le signe de l’humour et de la décontraction qui a donné lieu à de nombreuses analyses sur la littérature (aristocratie versus démocratie), mais aussi l’écriture, le « style » ou encore la critique littéraire. Au sujet de cette dernière, cet ancien critique aux cahiers du cinéma (et toujours critique par ailleurs notamment pour le magazine Transfuge) a déploré un certain manque de « travail » en prenant pour exemple la (désormais fameuse) observation de Pierre Assouline déclarant notamment que son livre « n’était pas drôle » sans argumenter davantage. Il a aussi évoqué le malaise en France sur l’alliance entre la théorie (qui sous-tend la critique) et l’acte de création artistique qui pour lui sont liés tandis qu’on s’efforce de les dissocier en général (« Flaubert était un immense théoricien », a-t-il notamment rappelé en citant La Correspondance). Il a lui-même expliqué comment certaines « techniques » repérées lors de ses lectures, comme l’usage des adjectifs chez Echenoz, pouvait l’aider dans son travail d’auteur. Bref c’était le moment idéal pour lui demander son avis sur la blogosphère littéraire qui tend à s’ériger comme critique littéraire alternative. Voici sa réponse :
BUZZ… littéraire : Dans votre intervention, vous avez remis en cause d’une certaine façon la critique littéraire telle qu’elle est pratiquée en France, en évoquant notamment le manque de « travail » des critiques (même si des exceptions demeurent). A ce titre, nous aurions aimé savoir quel regard vous portiez sur la critique littéraire « alternative » qui se pratique sur Internet à travers les blogs littéraires (et quel regard portez-vous sur l’ouvrage de Mr Assouline, « Brèves de blog », qui vous a attaqué assez durement) ou les sites collectifs de lecteurs ?
François Bégaudeau : Je ne remets rien en cause. Je mets en évidence la vacuité de certains discours sur la littérature, qu’ils soient tenus par les critiques, les profs, les écrivains eux-mêmes… Et les lecteurs ! Et sans doute moi-même parfois. Ce constat négatif n’est pas une fin en soi, dans le livre c’est un préalable avant d’en venir moi-même à ce qui me semble être le point de salut du discours sur les œuvres : l’analyse de détail. Je ne lis que très peu la critique alternative, donc je ne sais pas ce qu’elle vaut. Je suppose qu’il s’y écrit de belles choses et d’autres moins belles. A propos de l’Antimanuel de littérature, on m’a renvoyé sur des textes que j’ai trouvés très bons, et puis donc vers le blog d’Assouline, qui lui n’est pas du tout alternatif, et reconduit au contraire le pire de la vieille tradition critique française : invective, décrets non argumentés, procès d’intention, délit de sale gueule, -et pour tout dire une absence totale de travail sur un livre qu’il avoue à demi-mot n’avoir pas lu. De la belle ouvrage.
Etes-vous lecteur personnellement de ce type de support et qu’en pensez-vous ?
J’ai répondu plus haut. Mais c’est vraiment par manque de temps. Je n’ai aucun a priori contre. Je me suis même promis de faire un jour un voyage en Internie, ça pourrait être intéressant.
Vous-même seriez-vous tenté par l’aventure du blog ? Pourquoi ?
Ecrivant déjà dans pas mal de supports, je ne ressens pas pour l’instant le besoin d’en ajouter un, même si j’en mesure bien les avantages. J’y viendrai sans doute.
Remerciement à François Bégaudeau pour le temps accordé.
11 Commentaires
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C’est quand même étonnant que quelqu’un dont l’ambition est de dépoussiérer la critique littéraire ne se soit pas intéressé aux blogs…
Trop cultureux pour s’intéresser aux blogs ?
"Je mets en évidence la vacuité de certains discours sur la littérature, qu’ils soient tenus par les critiques, les profs, les écrivains eux-mêmes… Et les lecteurs !"
Peut-être lui rappeler le droit des lecteurs de Pennac.
un jour j’ai lu un livre de pierre assouline
il était question d’une dame qui avait déporté des juifs, et d’un narrateur très gentil a qui ça posait un cas de conscience (je pense que c’était un peu pierre assouline, le narrateur).
A la fin il finissait par dire à la dame c’est pas joli joli ce que vous avez fait (avec des points d’exclamation).
Tout ça se passait à st germain, et c’était pas très intéressant.
il faudrait un moratoire sur la shoah, comme sujet de bouquins.
Un vrai devoir de mémoire, du genre : minute de silence.
le titre de l’article aurait dû être "comment il ne réagit pas sur les blogs littéraires", puisqu’il avoue ne pas trop connaître, etc… Vous avez le sens de la formule et du marketing au buzz 😉
Il commence à avoir un haut potentiel dans "je récupère le pire de Beigbeder" Bégaudeau. Même leurs noms sonnent pareils c’est un signe 😀 Potentiel total dans le style "désormais je me suis tellement grillé sur un paquet de tableaux qu’avant qu’on me reprenne au sérieux, il va se passer du temps".
Gosh! Me voilà frustré.
Je le lirai bientôt, cet antimanuel, et nous verrons bien.
Oui j’ai vu un extrait du Café Littéraire et ai trouvé Bégaudeau franchement insupportable !
J’ai aussi vu le Café Littéraire de Picouly de Framboises (pas pu m’en empêcher..) et je n’ai pas du tout trouvé Bégaudeau insupportable du tout!!. Quant aux remarques sur les initiales FB et ce qui s’ensuit, je trouve que ton raccourci est réducteur et erroné Dahlia. Amitiés à vous.
Hmm d’accord Laurence. Non mais j’avais vu 2 minutes de l’émission sur Daily Motion: il n’arrêtait pas de couper la parole à Assouline qui avait donc du mal à en placer une.
Mais j’ai revu l’émission (au complet cette fois), et j’ai en particulier aimé ce qu’il disait sur le blog d’Assouline : qu’il s’agissait plus d’un blog d’humeur que d’un blog de critique, vu que ce dernier se contentait souvent de rendre compte de ses émotions à lecture des livres (par ex : "humour de mauvais goût") plutôt que d’expliciter ses émotions ("de mauvais goût parce que ci parce que ça") comme un critique se doit de le faire.
J’ai trouvé ça très bien, quoique j’adore la plume parfois acerbe d’Assouline…
Quand au livre de Bégaudeau, oui bien sûr je vais le lire…
Non, mais Begaudeau est apparu comme très suffisant lors de ses interventions lors de l’émission avec Assouline. Il n’a pas laissé parler Onfray, et dit à Assouline : je me tais, si je veux ( ou quelque chose comme cela). Ce n’était pas impertienent mais insolent. Très jeune roquet qui mord. En même temps, je comprends bien sa position sur l’absence parfois de critique chez les critiques. Il était énervé, je me dis que dans certains situations j’ai pu le dire ; mais bon, c’est à la TV : il y a bcp de gens qui regardent cette émission, autant soigner son image avec plus de considération et moi de violence (lâchezmoi la grappe, ça m’a choqué : lire cela dans un livre oui, l’entendre dans la vraie vie : non. Et par un écrivain… Enfin, bon, je me fais une haute image de l’écricain, et la Tv déforme grossit… Longue carrière à lui, c’est presque le principal. Penser peut-être à la chanson de Brel : Les Bourgeois…