En cette rentrée littéraire de janvier, les jeunes plumes au féminin font entendre leurs voix. La niçoise Barbara Israël qu’évoquait Stéphane Million, son éditeur, dans sa chronique nous parle d’adolescence, l’âge des premières fois, des bars et des révoltes, dans son deuxième roman « Miss Saturne », toujours sur fond de bande-son rock et de Côte d’azur. C’est aussi le sujet du premier roman, « Les petites morsures » d’Aurore Guitry (qui publie déjà en parallèle un deuxième roman : « Les âmes fardées ») qui vous avait été présenté l’an passé et qui sort aujourd’hui au Livre de Poche. De son côté, Audrey Diwan revient aussi avec un deuxième roman, « De l’autre côté de l’été » chez Flammarion et essaie de revisiter les affres de la femme de la cinquantaine qui s’offre les services d’un escort boy comme l’a déjà fait Balasko dans son roman (puis film) « Cliente » (voir article à ce sujet).
Quelques petits extraits qui vous donneront peut-être envie de découvrir l’une ou l’autre de ces jeunes romancières…
Extrait choisi de « Miss Saturne » de Barbara Israël :
« Résultat des opérations, on débarque au Saturne en retard.
Le Saturne, c’est notre QG. Il est connu comme le bar des New Waves de Nice. Même si les New Waves qui se la pètent rechignent à y traîner parce qu’ils nous jugent comme des cagoles. Au début c’était seulement un bar fréquenté par des homos un peu ringards, le genre que les homos pas-ringards-du-tout considèrent comme des pestiférés. Dans le lot, on trouvait tout un tas de types qui digéraient mal leur retour d’âge et qui, réflexion faite, préféraient se retrouver entre vieux, histoire de passer l’après-midi. Pour eux, les plaisirs de la vie se résumaient plus qu’à une tarte aux pommes et à une tasse de thé, qu’ils saisissaient d’une main délicate, avec le petit doigt en l’air à l’ancienne. C’est vraiment triste quand on pense à ce qu’on devient.
Ils souffraient de cette cohabitation avec nous. Notre jeunesse irritait la prunelle de leurs yeux semblables à des terrains vagues. Du coup ils ont décidé de s’évaporer discrétos. (…)
On avait l’habitude de se retrouver autour de la platine vinyle du disquaire pour écouter les derniers titres des Bauhaus ou des Cocteau Twins fraîchement débarqués d’Angleterre. Au début, on ne s’adressait pas la parole. On se contentait de se reluquer avec le sentiment partagé d’être de chanceux privilégiés ayant accès à ce qui se faisait de mieux en musique.
On formait une sorte de secte combattant ce monde envahi par Kool and the Gang et par Madonna.
La musique est la première chose qu’on a partagée et elle s’est d’office imposée comme la Constitution de notre amitié. C’est ça qu’il me fallait, des amis, des alliés, des gens qui soient comme moi, à la recherche de trucs qu’ils n’ont pas. »
Extrait choisi de « De l’autre côté de l’été » d’Audrey Diwan :
– Alors qu’est ce que je peux faire pour vous ?
Vous savez qu’on va bientôt fermer ? m’a-t-il demandé. Sa voix oscillait entre l’amabilité de rigueur et une claire envie d’en finir.
Il a relevé les yeux, des yeux bien noirs, comme des vitres sans tain, dans lesquels on pouvait presque se voir, mais rien deviner.
Il s’est rendu compte que la femme prostrée à côté de lui avait l’air dément, sans voix et sans mouvement. Et ça l’a intrigué.
« Il y a un problème Madame ? » Oui, non, ce n’est pas un problème, pas tout à fait, c’est plus grave que ça, plus profond. C’est une histoire de rêve que… Mais parle nom de dieu !
– Est-ce que vous voulez passer une année avec moi ?
J’ai cru qu’il allait rire, ça aurait été la meilleure chose à faire.
On aurait changé l’évènement en blague, la blague un peu déplacée d’une cliente farfelue.
Mais il n’en a rien fait. « Je vous apporte l’addition tout de suite. On ferme. »
Son timbre s’était assombri. Peut-être que je l’avais vexé.
Il faut connaître l’histoire des gens pour savoir ce qui peut leur faire mal.
Avec les inconnus tous les mots sont des risques non estimables.
Je suis allée me rasseoir et j’ai sorti mon chéquier.
Cette proposition, je ne l’avais pas préméditée. Mais maintenant qu’elle était là, il me semblait que c’était une idée importante et qu’il aurait dû y réfléchir avant de me répondre. Bien sûr, il n’avait pas de raison d’accepter. (…)
Il s’est approché et a posé sous mon nez une coupelle en plastique vert avec l’addition dessus. Il est resté à côté, attendant que je fasse ce foutu chèque et que je m’en aille. J’avais la tête à hauteur de son nombril et j’ai eu envie de soulever son tee-shirt pour voir.
Du bout du stylo, j’ai tracé un chiffre qui n’avait rien à voir avec la somme demandée. Un chiffre énorme qui encombrait presque le petit morceau de papier avec tous ses zéros. Il l’a pris, d’une main sèche.
– C’est quoi ça ?
– Le prix pour une année.
Extrait choisi de « Les petites morsures » d’Aurore Guitry :
« Cette nuit, j’ai bien dormi. d’un sommeil continu et sans rêve, donc sans cauchemar. Il n’y avait aucun gouffre. Seulement mon lit dans lequel je me suis enfoncée.
Et maintenant, tandis que je vais à l’école par le chemin que je prends tous les jours, je regarde.
L’habitude, ça tue l’observation. On ne voit plus ce qu’on fait. Parce que c’est entré dans le cerveau et qu’il n’y a plus qu’à se mettre sur pilote automatique. Et alors que je fais attention à la route, aux commerçants qui bordent le trottoir, pendant un instant j’ai l’impression de me perdre. C’est familier mais pas connu. J’ai déjà vu ce boulanger mais pas la petite maison qui est à côté.
J’ai déjà vu ce feu rouge ou peut-être était-ce ailleurs.
Je m’arrête. Si c’est comme ça il faut que je fasse une pause.
Comme jusqu’à maintenant je n’ai pas fait attention, aujourd’hui je vais voir, utiliser mes yeux au lieu d’en faire mauvais usage.
D’habitude quand je vais au lycée, la seule chose à laquelle je tente de faire attention ce sont les crottes de chien. Et encore, une fois sur quatre je marche dedans.
Alors là je m’assois sur le banc quelques minutes devant chez le boulanger.
Je regarde tous ces gens branchés sur pilote automatique aller à leur travail.
Les enfants, les yeux perdus dans les brumes du sommeil ou d’une inconscience volontaire. Et pendant un instant, je me sens privilégiée.
Parce que je les vois tous et qu’eux, pendant un instant ils ont perdu la vue. »
Moi j’ai appris de leur visage, j’ai tiré un enseignement de leur passage. Je me suis rengorgée des autres.
10 Commentaires
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Dommage qu’il n’y ait pas de critiques de ces ouvrages. On voudrait en savoir plus…
PFFF, aucun extrait ne me plaît.
J’ai lu les trois à la suite et j’ai eu l’impression de lire trois fois la même chose, écrites de la même façon (avec dans le premier extrait une phrase à laquelle il semble manquer une partie ?)
Je vais encore passer à côté des livres qui sortent.
Pas très séduit non plus… Mais des extraits du premier roman de Barbara Israël m’ont donné envie de la lire.
Comme d’habitude, avec un train de retard, j’opte donc pour Barbara 🙂
L’extrait du livre d’Audrey Diwan n’est pas très bien choisi. Je l’ai lu et ça m’a énormment touché. Je trouve ça à la fois fort et poétique.
Lu que Barbara Israel (pop heart) et franchement bof bof. Facile, convenu, style sans style. Tout ça a déjà été lu (vu) cent fois (et souvent en mieux). Seul point positif: ce roman est court donc le supplice ne dure pas trop longtemps.
Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire Miss Saturne, mais j’avais bien aimé Pop Heart, sûrement parce que moi aussi j’ai grandi à Nice dans la fin des années 80 et que je portais des T-shirts des Smiths en traînant au Paradis….
Le Paradis ? Maintenant c’est un bar peuplé de preppy poseurs et couillons tenu par un patron aussi aimable qu’une porte de prison…
Honnêtement s’il y a besoin d’une critique du dernier roman d’Audrey Diwan, je suis prête à en fournir une : je viens de terminer la mienne pour mon blog. Je réitère ma proposition, c’est normal, les lecteurs semblent^intéressés. J’achève le second roman de Barbara Israel, perso, j’ai beaucoup aimé, un ton, une ligne, un style à elle. A plus.
ps : Anne-Laure a fait aussi des papiers très bien écrits sur Diwan et Zalberg visibles sur son blog.
la biz
Sur les photos, ces trois nanas se ressemblent comme trois sushis industriels posés côte à côte. Les éditeurs recrutent par casting? C’est ce que laisserait supposer le troisième extrait que vous publiez. Il faut un physique bien craquant pour faire passer cette accumulation de banalités.
Il faut lire les livres au lieu de regarder les photos. Les lecteurs sont quand même de plus en plus limités (enfin sur cette page en tout cas). Hein Marvin? C’est vrai que c’est fatigant de tourner les pages…