Les jeunes auteurs se succèdent, écrivent parfois un roman remarqué et puis tombent plus ou moins dans l’oubli… C’est un peu le cas de la jeune Claire Legendre qui avait fait scandale il y a quelques années, avec son deuxième roman choc « Viande », alors qu’elle n’avait que 20 ans, aussitôt classée dans la catégorie des jeunes auteurs trash aux côtés d’une Virginie Despentes.
Dans ce roman, elle s’intéressait déjà à l’identité féminine notamment à travers le corps et la perception masculine. Un texte dans lequel on pouvait également sentir quelques velléités féministes (dénonciation de la femme objet) mâtinées d’une touche de fantastique, dans la veine d’un Truismes de Darrieussecq.
Quelques romans plus tard, relativement passés inaperçus comparativement à « Viande », Claire Legendre qui continue de tenir avec assiduité son journal en ligne sur son site (http://www.clairelegendre.net), voyage (elle a notamment été pensionnaire à la villa Médicis à Rome) et a exercé un certain nombre d’activités dont le professorat, récidive avec un roman qui aborde de nouveau le corps et la beauté féminine.
Elle précise avoir mis 3 ans à l’écrire, tout en poursuivant sa thèse en parallèle (DEA de Littérature Comparée).
Dans « L’écorchée vive » (aux éditions Grasset), elle imagine une héroïne au visage difforme et monstrueux réparé par la médecine qui reçoit quelque temps plus tard, alors qu’elle tente de reconstruire son identité de « presque belle », une photo la représentant enfant avec le visage découpé. Débute alors un jeu de pistes paranoïaque pour tenter de comprendre ce qui se cache derrière cet envoi traumatisant tandis que l’auteur dessine une parabole sur la beauté en soulignant sa frontière ténue avec la « monstruosité ». Ce faisant, elle interroge le rapport au physique maladif dans notre société moderne.
« Plutôt que de s’adapter à l’autre, a expliqué l’auteur au magazine Elle, on a aujourd’hui les moyens d’adapter l’autre à notre regard, on le corrige, on le répare, on le normalise mais pour la « gueule cassée » qui a grandi face aux regards fuyants, la greffe de visage implique aussi une réinvention de soi. Il faut composer avec ce masque qui ne reflète rien de son passé, dissimuler, mentir par omission. »
Extrait : « Barbara réussit presque à y croire. J’ai été défigurée. Elle parle seule, en étalant la crème sur les joues. J’ai été défigurée. « Tu as un accident ? – Non c’est ma mère, elle ne voulait pas que je sorte, alors elle a serré les jambes comme une malade, et elle m’a un peu amochée. – C’est dégueulasse ! – Ouais, c’est vraiment dégueulasse. » Barbara se maquille. Elle adore ça : du bleu sur les yeux, du rouge sur les lèvres. Elle est soigneuse. Les collègues disent qu’elle est toujours très bien maquillée. Le dessin de la bouche, magnifique. Et la peau blanche… Barbara s’applique, devant le miroir de la salle de bains. Il fait chaud. L’angoisse peut descendre tranquillement le long de l’oesophage, avec un verre d’eau fraîche. » (p 63)
Présentation de l’éditeur : « Elle est seule dans le hall quand elle découvre l’enveloppe dans la boîte aux lettres. Elle est fébrile en l’ouvrant. Elle s’y attend peut-être, elle en a l’intuition, que dans l’enveloppe elle ne va rien trouver de bon. Elle la déchire. Il y a une photographie : dans une cour d’école, de jeunes enfants déguisés. Ils ont quatre ou cinq ans. Dans le haut de la photo il manque un visage, qui a été découpé. Elle reconnaît les autres. Et à travers le trou de son visage à elle, de son visage d’enfant, elle passe un doigt. » Qui donc adresse à Barbara son visage d’enfant découpé ? Et pourquoi ? Est-ce une menace ? Une provocation ? La jeune femme, enfermée dans son joli corps, a un secret. »
De son côté, Lola Gruber, moins médiatisée que la première, avait aussi connu un petit succès avec son premier recueil de nouvelles, Douze histoires d’amour à faire soi-même, aux éditions Les petits matins. Elle nous informe aujourd’hui qu’elle publie un deuxième roman « Les Pingouins dans la jungle » qu’elle présente en ces termes :
« Ana et Maurice se sont connus au lycée et se fréquentent depuis une quinzaine d’années. Ils s’aiment… mais rarement en même temps. Ils se cherchent, se trouvent, se perdent, s’égratignent et s’horripilent, mal assortis et inséparables. Est-ce parce qu’Ana est la fille de Vlad, imposteur et vagabond ? Et que le père de Maurice est Dieu, tout simplement ? Le cœur de leur relation est-il seulement l’héritage, réel ou fantasmé, de leur identité ashkénaze ? Ce n’est pas une belle histoire d’amour.
Ce n’est pas une ténébreuse histoire de famille.
Ce n’est pas une histoire juive.
Ce n’est pas une histoire drôle. Ni triste, d’ailleurs.
C’est un portrait, le portrait d’Ana, dont l’identité s’établit à mesure qu’elle découvre, dans sa vie comme dans sa ville, que les illusions sont bien plus précieuses que la vérité. »
Photo ci-dessus : Claire Legendre à gauche, Lola Gruber à droite
3 Commentaires
À propos de fille défigurée, lire "Monstres Invisibles" de Chuck Palahniuk – assurément différent dans le fond et dans la forme que l’ouvrage de Claire Legendre (pas mieux hein, juste différent… ).
Avec une fin surprenante comme l’auteur américain sait si bien les concocter…
J’avais bien aimé son dernier roman, celui qui se passe à Rome. Je parle de Claire Legendre. "La méthode Stanislavski"…
Oui je me souviens de Claire Legendre. Elle est hyper douée, hyper qualifiée, aussi douée que Marie Darrieussecq mais moinsréputée, l’un des rares auteurs, Claire Legendre, à avoir séjourné à La Villa Médicis.
Qui se souvient aussi de Clélie Aster il y a 7 ou 8 ans avec son "Aloha", je l’avais découert à un salon du Livre, c’était le premier roman sur le mobile et les échanges texto, qui sait ce qu’elle est devenue ? J’aimerais bien la relire.