Il y a 15 ans, un jeune auteur, Alexandre Jardin, s’imposait sur la scène littéraire avec son troisième roman, Fanfan, qui tentait de conjurer la prédiction beigbedérienne de « l’amour dure 3 ans« . Pour enrayer l’usure inéluctable du sentiment, son héros décidait de rester éternellement dans le prélude amoureux, de résister au passage à l’acte… « Sauver le déclin de la passion » ! Un joli conte qui a fait la renommée d’Alexandre Jardin, adapté au cinéma avec Sophie Marceau et Vincent Pérez. Un peu moins plébiscité aujourd’hui, l’auteur tente de surfer sur ce succès d’hier et sort une suite : « Quinze ans après ». Une bonne idée ?
Publié chez Grasset « Quinze ans après » est la suite de « Fanfan ». C’était il y a 15 ans. Les amoureux passionnés d’hier, aujourd’hui quadagrénaires (Fanfan est devenue « lourde d’échecs, de poncifs et vieille de trouilles ») se convertissent au bonheur de la vie conjugale (puis du divorce, des liaisons…). Et renie ainsi son idéalisme de jeune-homme… Ce qui froissera peut-être les fans d’hier. Amer, aigri Alexandre ? La question se pose…
Même si l’auteur s’en défend en affirmant aujourd’hui que l’on peut enchanter le quotidien.
Au menu, désillusions sur la vie de couple, l’engagement marital et romantique… Mais en contrepoids ode à « la vie de pantouflard » (« la féérie quotidienne ») !
Le tout pimenté par un troisième personnage : une certaine Faustine, voisine nymphomane et cruelle, chroniqueuse littéraire à la dent dure : « Dans une autre vie, elle avait dû être videur à l’entrée d’une librairie« . Elle serait inspirée du chroniqueur Eric Naulleau, émission « On est pas couché », comme l’a révélé Alexandre Jardin lors de l’émission où il était invité (nouvel argument « people » pour aiguiser un peu d’intérêt sur l’opus réchauffé).
«Avant, je pensais que le meilleur était dans les débuts, explique l’auteur. Maintenant, plus. J’ai voulu rectifier cette erreur de jugement en offrant une suite à mes personnages. Désormais, je préfère fantasmer sur les habitudes, leur donner chaque fois un nouvel éclairage. C’est ça qui fait qu’on vieillit ensemble, pas les artifices du début.» a-t-il expliqué dans une interview.
Peut-on jamais guérir d’un premier amour ? Comment notre idéal amoureux évolue avec le temps, la sagesse, l’expérience… ? Et surtout l’amour peut-il vraiment rimer avec routine loin « des charmes des commencements » ? C’est ce que l’auteur tente de démontrer avec ce nouveau roman toujours emprunt de sa fantaisie de « grand enfant qui refuse de grandir »…
Comme pour son livre de 1992, l’auteur souhaite passer derrière la caméra pour prolonger l’histoire d’amour fantasque entre Fanfan et Alexandre Crusoé. Sophie Marceau et Vincent Perez seraient pour le moment au stade des négociations pour reprendre leur rôle sur grand écran.
Extrait :
« C’était plus fort que lui : un besoin organique, vital, de faire évoluer son avatar, de ne pas le laisser en rade sur cette pellicule qui le figeait dans des idées qu’il exécrait désormais. Fanfan Acte II démentirait l’acte I. Alexandre souhaitait s’actualiser sans délai. Il voulait se montrer éloquent contre son éloquence de jadis. Et que ses deux livres se fassent la guerre entre eux, en étrillant ses croyances obsolètes. Rageur, il allait tenter d’écrire une œuvre à rebours qui montrerait que seule la vie domestique bien intriguée permet d’atteindre la haute passion. Et que les charmes des commencements ne sont que broutilles au regard des vertiges neufs qui peuvent survenir jour après jour. Ce bouquin bilieux parfois porterait la discorde dans la littérature romantique ; sans qu’aucun scrupule le retienne. Sa nature trop riche avait soif de castagne, ou plutôt de riposte. Quel déviant lyrique, autre que ce fêlé, pouvait soutenir que la flamme la plus brûlante ne surgit qu’avec le temps ? En prenant ses habitudes comme point d’appui au lieu de s’en défier. Tout à sa furie iconoclaste, Alexandre désirait clouer au pilori, une bonne fois pour toutes, l’idée même de l’étiolement des passions. Par ce livre tonnant et joueur, bélier de nouveaux songes – qui guidaient sa propre vie -, il espérait refaire l’amour ; de fond en comble. Oui, rien que ça : refaire l’amour, en réformer les attendus, se conduire en schismatique. Sans mettre de mors à ses idées. En osant la rupture totale avec les mythes occidentaux mal foutus qui, tous, promettent aux amants fous d’amour, un jour ou l’autre, une gueule de bois. Il y puiserait un goût de revanche allègre et de bravade. »
A lire aussi : la chronique de « Fanfan »
1 Commentaire
J’ai lu Fanfan, et déja la suite semblait une parodie de Fanfan… alors que pourrait faire d’autre Alexandre Jardin ?
Vive la parodie mais avec talent !
Alain