Colum McCann et National Book Award, fin de l’âge d’or de la littérature américaine, Cormac McCarthy au ciné, écrivains sponsorisés par Disney… : le buzz des blogs

Plusieurs actualités littéraires ont agité (plus ou moins) récemment le petit monde des blogs littéraires. De Colum McCann fustigé ou porté aux nues en passant par la dénonciation marketing du recueil de nouvelles autour de Disneyland édité par Flammarion ou encore l’adaptation cinématographique du multi-acclamé et prix Pulitzer 2007 « La route » de Cormac McCarthy (qui sort le 2 décembre prochain sur grand écran)…
Polémique, déception ou critique acerbe…, petit tour d’horizon des billets chauds de la blogosphère :

Le Fric Frac Club s’indigne de la nomination de Colum McCann (« Et que le vaste monde poursuive sa course folle ») comme lauréat du National Book Award 2009 en fiction :
Dans son billet « Prime à la médiocrité », François Monti commente : « Ce roman nous dit, à travers l’image d’un funambule qui se déplace entre les deux tours du World Trade Center, que la vie ne tient qu’à un fil. Une si riche et originale image ne pouvait visiblement qu’être récompensée. » Il ajoute encore : « C’est le proverbial roman choral qui pue l’artifice à vingt mètres malgré la volonté de vraisemblance, qui s’avère une pure mascarade. Tout est forcé, jusque dans la recherche du petit détail poétique ou psychologique soi-disant bien vu, tout simplement pathétique. »

C’est un tout autre écho que l’on trouve sur Causeur où l’on se pâme en évoquant Tolstoï et Dostoïevski : « La singularité de Et que le vaste monde poursuive sa course folle de Colum McCann tient à trois prouesses : une construction romanesque d’un art souverain, très complexe, captivante, d’une rare beauté ; l’intense vitalité, la richesse et la profondeur charnelle de tous ses personnages ; la rencontre, très difficile et qui pourtant ici s’accomplit, de l’art du roman, ce vieux sceptique incurable, avec la vertu authentique de l’espérance – qui elle aussi est inconciliable avec le mensonge du kitsch.« , écrit Bruno Maillé.

En revanche l’auteur à succès, Carlos Ruiz Zafón, auteur de L’ombre du vent, vendu à onze millions d’exemplaires, en prend pour son grade sur ce même blog. Dans son billet « Des ombres et du vent », Bruno Maillé se moque : « Son Jeu de l’ange mérite d’être signalé aux êtres sensibles comme un colossal semi-remorque entièrement rempli de matières fécales et auquel il convient d’échapper coûte que coûte. En publiant L’ombre du vent en 2001, ce marchand de courants d’air pour grandes surfaces est non seulement devenu “l’Espagnol le plus lu depuis Cervantès”, mais aussi le plus mauvais écrivain espagnol depuis Cervantès. Autant en rapporte le vent… » (dommage que le blogueur ait oublié un petit détail : lire le livre avant de le critiquer…).

Fric Frac Club s’interroge aussi sur « la fin de l’âge d’or de la littérature américaine » en écho au dossier du magazine Transfuge
. François Monti écrit ainsi : « Comme si à la génération de Powers, Vollmann ou Johnson (tous lauréats récents du National Book Awards), rien n’avait vraiment succédé. » (…) Les ateliers de Creative writing produisent à la tonne des écrivains de pacotille capables d’utiliser toutes les ficelles narratives mais incapables de leur donner un sens (Larsen, Unferth, Galchen, Ferris, la liste de ces infâmes écrivains présentés comme des merveilles est longue comme un jour sans pain). On s’agenouille devant l’autel de la sentimentalité de pacotille (une large partie de l’école McSweeney’s) qui anesthésie le lecteur pour ne pas lui laisser voir que l’empereur est nu, nu, nu. On nous vend des romans polyphoniques dont le cortège de personnages parvient à peine à cacher que l’auteur, le seul qui compte, est aphone. »

L’adaptation ciné de « La route » de Corman McCarthy génère plusieurs craintes (et grandes réticences !) des blogueurs :
« S’il existe un livre qui semble impossible à adapter sur le grand écran, c’est bien le roman de Cormac McCarthy, à l’inverse de ses précédents écrits (No Country for Old Men, par exemple) : seulement deux personnages, peu de dialogues et une route pour unique décor. Une trame simple qui ne peut être servie que par des images sobres et beaucoup de retenue. Au vu de la bande-annonce, tous nos doutes sont confirmés. En écho à la sobriété de l’écriture de McCarthy, les studios hollywoodiens ont répondu avec un énième film catastrophe sur l’apocalypse nucléaire (…). Mais pour ceux qui ont lu le livre, il faudra faire des efforts. Pour preuve, Charlize Theron, dans le rôle de la mère – alors que cette dernière n’est pas vraiment présente dans le roman. » s’inquiétait cet été Emma de Cafebook.

Pedro Babel du Fric Frac Club (encore !) la rejoint : « Pour quiconque ayant lu « The Road » avec fascination, avec terreur, avec effroi, avec émotion, la question se pose forcément : comment est-il possible, à partir d’une telle histoire, racontée avec une telle science littéraire, d’accepter de se voir imposer des images précises par-dessus celles que nous a léguées, sans doute de façon indélébile, notre expérience personnelle de lecteur ? »
Il redoute plus précisément « Trop de pathos, trop de complaisance dans l’horreur, trop d’insistance sur des motifs qui dans le livre frappent sec et droit par leur intensité choisie. »

Même son de cloche chez In cold blog : « (…) adapter ce magnifique roman au cinéma me semble relever de la mission impossible, notamment en regard des standards hollywoodiens : récit sombre, épuré, sans dialogues ou presque ni réelle action… »

Enfin, plus légère, la polémique sur le récent recueil de nouvelles autour de Disneyland chez Flammarion a suscité l’indignation de quelques blogueurs. A commencer par la blogueuse Wrath qui résume le principe du recueil comme « se faire inviter par une marque puis d’écrire une nouvelle pour remercier.« 
Reprise par la blogueuse Miscellanees suite à un message sur le Twitter de William Réjault (Ron l’infirmier), dans son billet intitulé « Des auteurs s’essaient à la nouvelle sponsorisée… sur Disneyland » : « C’est la première fois, à ma connaissance, que l’on voit un ouvrage plus ou moins de commande autour d’une marque. Jusqu’à présent, tout juste avait-on vu quelques placements de produits dans des romans, ce qui est monnaie courante aux US, notamment pour les romans girly. »
Le blogueur Grégory Pouy livre une analyse marketing dans son billet « La littérature peut-elle constituer du branded content ? le cas de « Au pays de Mickey« : « Les gens pourraient prendre plaisir à découvrir ces 9 histoires qui ont été écrites à la suite d’un WE où les auteurs ont été invités à découvrir le parc (je suppose qu’ils ont également été payés pour ce faire).
En étant plongés dans cet univers, on peut imaginer que les lecteurs pourraient ensuite avoir envie d’y aller par eux même sur les traces des héros dont ils auront lu les pérégrinations. De manière plus générale, cela renforce évidemment tout l’imaginaire autour du parc et lui permet de vivre autrement dans les esprits.
 »
Autant d’élucubrations qui sont parties de la supposition faite par le blog Paris-Normandie
: « (…) tout cela ressemble à une nouvelle méthode de communication de la “principauté souristique”. Au risque de me tromper, je crois bien que Disneyland Paris a soufflé l’idée de ce recueil à Flammarion… »
Pure spéculation donc que les blogueurs pré-cités ont transformé en affirmation sans la vérifier… Dommage !

Précédents buzz des blogs :
La nouvelle génération doit-elle écrire des livres écolo ?
« J’irai cracher sur vos blogs » : Quand les blogs fustigent les blogs…

4 Commentaires

Passer au formulaire de commentaire

  1. Après vérification, j’ajoute ici la réponse faite par Guillaume Robert, éditeur chez Flammarion, suite aux accusations portées par les différents blogueurs mentionnés ci-dessus :

    "Quand Martin Parr est invité à photographier Disneyland, on trouve cela corrosif ou impertinent. On parle de pop art ou de détournement.

    C’est la même chose que j’ai proposé à neuf jeunes auteurs. Raconter le parc autrement.

    Alors, non, les auteurs n’ont pas été rémunérés par Disneyland. Ils ont reçu un à-valoir de Flammarion.

    Alors, non, les auteurs n’ont pas eu de consignes. Disneyland nous a donné la même liberté qu’à Martin Parr, à savoir : « Tout est possible dans la limite du mauvais goût. »

    D’ailleurs, le recueil, si on prend la peine de le lire, est assez sombre, assez réaliste et loin des contes de fées.

    « Trahissant la magie de Disney, ces scénarios proposent des contes fées modernes et bien plus réalistes : une drôle d’attraction pour adultes. » Camille Tenneson, Le Nouvel Obs, à propos de Disneyland."

    Merci de cette réponse.

  2. Euh… Moi aussi, je voudrais faire une nouvelle sur Disneyland. Je pourrais avoir deux entrées gratuites?

  3. Ils sont fortiches les blogueurs français, de chroniquer "La Route" avant sa sortie sur les écrans… Leurs homologues américains qui ont pu découvrir le film en avant-première n’ont semble-t-il pas été déçus.
    Un peu d’optimisme et d’enthousiasme, que diable !

  4. Oui c’est assez étonnant d’ailleurs cette levée de boucliers contre l’adaptation ciné de La route alors que c’est au contraire un livre qui s’y prête particulièrement bien. Un livre très visuel, essentiellement visuel même qui fait naître beaucoup d’images. Et puis une histoire très hollywoodienne finalement avec sa morale très "god bless america" 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.