L’écrivain (et musicien) Jérôme Attal (aux éditions Stéphane Million) a participé à l’écriture du scénario d’un court-métrage (en forme de comédie musicale) qui sera diffusé le 25 décembre à 00:50 sur Arte, où il tiendra également le premier rôle masculin aux côtés d’Annabel Rohmer : « La fille aux allumettes ». Une version revisitée et modernisée du célèbre (et poignant) conte d’Andersen « La petite fille aux allumettes ». On se souvient de cette jolie histoire de notre enfance où, à la veille des fêtes, alors que tous s’affairent joyeusement, une pauvre petite orpheline, chassée de chez elle, erre dans les rues. Pieds nus dans la neige, elle tente de vendre un paquet d’allumettes en vain. Elle allume alors, une à une, ses allumettes pour se réchauffer et voit apparaître et s’évanouir dans la lueur vacillante des visions de bonheur et de famille jusqu’à sa grand-mère décédée qui l’emmènera au ciel…
Inspiré, l’auteur du Garçon qui dessinait des soleils noirs en avait déjà tiré de jolis textes à l’humour poétique pour son journal en ligne :
Première apparition, dans un billet intitulé « Toute la nuit j’ai marché dans New-York sous la neige« , de décembre 2007, il imaginait un rêve aux dialogues fantaisistes et émouvants où il la croisait sur la Ve avenue. Extrait :
« – Vous ressemblez à la petite fille aux allumettes, dis-je à son attention.
– Ah non moi je suis la gamine aux allumettes, répond-elle fièrement. Je me suis saoulé toute la nuit. Toutes les réserves de la prohibition y sont passées.
– Ah oui, vous étiez avec Renaud, mais il m’a dit que vous aviez craqué l’allumette de trop.
– Il raconte des cracks ! S’insurge la gamine aux allumettes.
– Je trouve ça charmant de la part de la gamine aux allumettes d’employer l’expression : « raconter des cracks ». Mon père me disait souvent que j’étais un rapide. Et pour moi les rapides c’étaient les fleuves qui traversaient les westerns du mardi soir.
– Vous aussi vous êtes toujours prêt à craquer toute la boîte d’allumettes. Pour un seul visage. Pour un seul visage vous êtes prêt à craquer toute la boîte d’allumettes. Je trouve que c’est super ! Je ne peux pas vous offrir une boîte entière parce qu’avec le froid en ce moment il ne m’en reste qu’une, plus qu’une seule allumette, est-ce que vous voulez voir le pont de Brooklyn à la lueur d’une seule allumette ?
– Si c’est aussi beau que la rue Visconti allumée aux bougies, je veux bien.
– Super, dit-elle avec beaucoup d’enthousiasme et une pointe d’accent irlandais. Je craque la dernière allumette à condition que vous me disiez un secret. Nous n’aurons plus jamais froid.
– D’accord, petite. Nous n’aurons plus jamais froid. Alors voilà. La tendresse est non seulement le but mais la forme supérieure de toute intelligence« .
Dans un billet suivant intitulé « La gamine aux allumettes », il reprend ce personnage attachant et espiègle qu’il rencontre de nouveau cette fois lors d’une promenade crépusculaire à Paris, à la veille de Noël. Extrait :
– « (…) C’est bien ma veine. La plupart des types rencontrent des petites allumeuses et moi il faut que je tombe sur la petite aux allumettes.
– Je me suis perdue, m’apprend-t-elle. (…)
– Vous êtes toujours à faire de grandes promenades pour semer vos souvenirs ! Ce n’est pas malin, parce qu’il y a des beaux souvenirs, alors ça intéressera toujours des gens de les ramasser. C’est très difficile de semer ses souvenirs…Qu’ils soient beaux ou violents, c’est très difficile… Dit la petite après réflexion. – Oui. Les souvenirs violents sont violents pour toujours. Et les beaux souvenirs finissent pas devenir violents, de toute façon.
– Ce n’est pas vraiment des trucs à me raconter pour Noël, dit-elle en fronçant ses sourcils et activant ses gambettes sur le pavé pour suivre mon rythme.
– Pardon, dis-je en m’arrêtant à hauteur de l’escalier qui descend vers le passage des Cygnes. Parce que l’histoire de la petite fille aux allumettes c’est un truc à raconter à Noël peut-être ?!
– Hé ho, je vous raconte pas mon histoire, je fais juste un bout de chemin avec vous.
– Je connais ton histoire. Et aucun de mes beaux souvenirs ne pourra effacer un peu de ton histoire. Je trouve ça moche. Comment peuvent-ils faire la fête ? Me prends-je à penser tout haut en regardant les lumières qui scintillent aux fenêtres des buildings.
– Ils y croient un peu, dit la petite fille. Et vous vous y croyez trop, c’est ça le problème. Moi je trouve ça moins dangereux de me laisser jouer avec des allumettes que de laisser une seule boîte entre vos mains. Parce que pour moi au moins chaque allumette est importante, chaque allumette me tient chaud très longtemps. Vous, il suffit qu’un visage qui vous plaise passe à l’horizon, et ça y est vous craquez toute la boîte pour suivre ce visage, pour suivre sa lueur. C’est pas du tout un bon emploi du feu ! Le feu, c’est fait pour se réchauffer. Pas pour avoir encore plus froid, ni pour éclairer les visages qui vous bouleversent.
– Craquante pour une gamine aux allumettes, fais-je.
Elle accueille mon attention par un grand sourire qui illumine son visage. Un sourire plus grand qu’elle, c’est la pensée qui me vient.
– Merci pour le sourire, dit-elle, j’ai gagné quelques heures sur le froid. Vous êtes mieux qu’une boîte entière. Tiens l’autre jour j’ai pensé à vous, et de penser à vous ça m’a fait gagner quelques heures sur la nuit. (…)
– Hey j’ai une idée. (…) Vous ne voulez pas qu’on craque une allumette ?
– Non, petite. Il faut les garder en cas de pépin pour toi. Quand nous serons séparés.
– Allez, une allumette ! Rien qu’une allumette ! (…)
– Ok.
J’approche mes mains, je les place en coquillage pour qu’elle puisse craquer à l’abri du vent l’allumette contre la partie conductrice de la boîte. La flamme jaillit. Une flamme immense et chaude. Elle regarde ce qu’il y a à l’intérieur, avec avidité. Et moi je regarde son visage. Voilà l’histoire« .
Lire les textes complets sur le journal de Jérome Attal :
« Toute la nuit j’ai marché dans New-York sous la neige »
« La gamine aux allumettes »
Retrouvez le court-métrage avec Jérôme Attal, « La fille aux allumettes » sur Arte dont voici la bande-annonce, dans un esprit « nouvelle vague »:
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