En résonance avec le dossier « Le potentiel érotique de la littérature » qui interrogeait le rapport entre littérature et érotisme, il est intéressant de lire les propos de Nina Bouraoui (qui publie un nouveau roman « Nos baisers sont des adieux », un livre qu’elle qualifie de « répertoire amoureux », composé de portraits, de 1972 à nos jours où la narratrice se remémore ses rencontres et liaisons d’Alger, à Paris en passant par, Berlin, Zurich…), écrivain à l’écriture charnelle et organique, sur ce sujet :
Interrogée par le magazine Transfuge elle répond notamment au cours d’une longue interview : « Je commence à trouver les mots [de l’érotisme] dans « Nos baisers sont des adieux ». Parce qu’il y a non seulement la pudeur, mais aussi la technique qui rend l’érotisme difficile. Je trouve qu’il est très compliqué d’écrire des scènes sensuelles ou sexuelles. J’arrive très bien à décrire le corps des garçons, leur force, leur peau- sans doute parce que je suis moins impliquée. Ecrire sur deux femmes c’est un juste dosage – il faut éviter la vulgarité ou ce qui, à mon avis, est la pire chose au monde, une espèce de romantisme tiédasse. La solution consiste peut-être à adopter une position un peu virile. Et dans le cas de Nos baisers sont des adieux, pour employer un mot que je déteste, si on dit que c’est un livre « sexy », je serai contente. C’est un livre qui doit être sexy, qui doit donner envie de faire l’amour -sans que nul ne soit choqué. »
Elle ne se situe pas pour autant dans la lignée de la perversion d’un Sade ou d’un Bataille : « J’adore cette littérature qui libère mes pulsions – une littérature à la fois profondément intelligente et profondément dérangeante. Et c’est bien d’être dérangé mais cet univers là n’est pas du tout le mien, c’est par voyeurisme que je l’aime. Je n’ai pas relu Bataille depuis longtemps, je me souviens qu’à 20 ans, je trouvais Mme Edwarda et Histoire de l’oeil, si subversifs, si culottés. Mais je ne pourrai pas écrire ainsi, ce n’est pas moi. J’ai mis du temps à me défaire de mes complexes, à pouvoir écrire sur la sensualité et la sexualité. Et à assumer mon homosexualité, pas dans ma vie mais dans mes livres. Parce qu’on reste prisonnier de son image et c’est très dur à déconstruire. »
Quelques extraits de « Nos baisers sont des adieux » (dans la digne lignée de Violette Leduc…) :
« Couchée sur le ventre, le soleil contre la nuque, je regardais Diana au travers d’une tige transparente, surgissant en stries, derrière la baie vitrée de son salon. Elle était encore plus belle, comme derrière un filtre, cela me faisait penser à une feuille de papier calque glissée entre nous deux, me protégeant ainsi des larmes. »
« Nous glissions l’une sur l’autre sans tomber, notre équilibre était parfait. Nos nuits étaient des aubes, nos jours des soirées, nous vivions à l’envers du temps.«
2 Commentaires
Ca y est, la saison des livres racoleurs de l’été a débuté!
lol bien dit Joest !
Mais tout de même, j’aime bien l’idée de vivre à "l’envers du temps" 🙂