Sans doute alléchés par le succès des tribulations de la caissière la plus célèbre du web ou encore « Le quai de Ouistreham » de Florence Aubenas, les éditions du Fleuve Noir (qui inaugurent ainsi leur nouvelle collection de documents) publieront à la rentrée le livre d’une blogueuse assistante sociale. Ses « chroniques de vie ordinaire » retracent le quotidien de « la france d’en bas », un concentré d’humanité haut en couleurs… :
Valérie Agha, une assistante sociale de 33 ans depuis dix ans, est l’auteur du blog « Pause Café ». Un titre en écho à la fameuse série TV avec Véronique Jeannot dans les années 80 mais depuis personne ne semble s’intéresser au métier ou alors pour en dresser un tableau négatif, déplore-t-elle. Elle témoigne de son quotidien, de ces gens qu’elle côtoie, écoute et réussit parfois à aider. « Une galerie de portraits, de cette France qui souffre et crève souvent très loin des caméras, dans le silence et l’oubli. Pour autant, tout n’est pas noir dans ce livre, et Valérie réussit à esquisser de nombreux traits d’espoir, en croquant ses « usagers » avec tendresse et humour. S’en dégage l’instantané d’un milieu, d’un univers, d’une époque… Notre monde vu depuis une salle d’attente. » précise l’éditeur. Chroniques de vies ordinaires est son premier ouvrage (sortie prévue : le 14/10/2010)
Sur son blog, l’auteur écrivait en guise de préambule dans sa première note en juin 2008 : « Tant de tranches de vie, tant de confidences, de moments douloureux effleurés. Je me dis souvent qu’il faut que j’écrive tout cela. Mais pour quoi ?
Finalement c’est peut-être pour moins me sentir seule.
C’est difficile à partager, au quotidien : les gens que vous rencontrez ont plus souvent envie de vous parler de leurs propres problèmes que d’entendre ceux de personnes qu’ils ne connaissent pas, et qui vont encore plus leur miner le moral.
Et puis “assistante sociale”, ça peut évoquer beaucoup de choses… Petit florilège :
“Tout cet argent gaspillé pour engraisser des fainéants qui n’ont qu’à se bouger pour trouver du boulot !” Mais aussi : “Tous ces logements sociaux qu’on refile à des familles africaines et leurs 15 gosses !!” Ou encore, les enfants retirés injustement de leurs familles, ou pas, alors qu’ils étaient en danger et que : “personne ne fait rien, les services sociaux ne font rien, et tout fout le camp” et bla, bla, bla. Mais ce que j’entends encore le plus souvent c’est : “Je ne pourrais jamais faire ce travail”.
Ces histoires que je rencontre, je ne les porte pourtant pas comme un fardeau ; c’est une vraie richesse , et une satisfaction lorsque les personnes que je reçois sortent de mon bureau un peu plus légères d’avoir pu vider leur sac, se livrer un peu, être écoutées, simplement et sans jugement.
Mais j’ai quelquefois le sentiment d’absorber toutes ces ondes de tristesse, d’inquiétude, de désespoir. Autant c’est facile à vivre et de passer à autre chose lorsqu’on est en forme et que l’on n’a pas de problème particulier à gérer dans sa propre vie privée, autant il y a des jours où l’on a le sentiment que la coupe est déjà pleine et que l’on est plus en capacité d’être disponible pour qui que ce soit.
Je ne m’imagine pas comme une mère Thérésa ou quoi que ce soit de ce genre. Juste un trait d’union entre une période difficile et le retour à des jours meilleurs. Cela prend plus ou moins de temps, évidemment. C’est le cas le plus souvent, puisque j’ai la chance de travailler auprès de fonctionnaires, qui à priori ont au moins la chance d’avoir un revenu fixe.
Pour d’autres, des écorchés de la vie, il en est autrement. Ils font partie de ceux qui font souvent les mauvais choix, répètent des histoires ancestrales qu’ils ne maîtrisent pas, s’enferrent dans des situations compliquées.
Pour eux, j’ai parfois du mal à trouver l’énergie nécessaire de nouveau, à chaque fois. A ne pas les juger, non plus. C’est difficile de ne pas se référer à ses propres valeurs et repères et de comprendre les mécanismes complexes qui peuvent amener les gens à des situations irrésolubles et à vous solliciter très souvent.
J’essaie de le faire, du mieux que je peux, et de les aider, autant que possible. Trop, jugerons sans doute certaines de mes collègues. La plupart du temps, cela ne porte préjudice ni à moi, ni aux personnes que je rencontre. Mais cela me met parfois dans des situations compliquées où je me retrouve à établir des dossiers ou rédiger des courriers sans conviction, et cela n’a aucun sens, car je sais d’avance que c’est peine perdue. Pourtant, c’est vrai , je n’arrive que rarement à dire non. Cela provient sans doute d’un besoin de me sentir appréciée… Pendant mes études d’assistante sociale, nous avions étudié un texte : “savoir dire non ; le oui qui tue” ou quelquechose dans ce goût… il faudrait que je remette le nez dedans… !!
Au-delà de toutes ces théories, et de la barbarie administrative inhérente à cette profession, ce qui prime avant tout pour moi et ce pour quoi j’exerce ce métier, c’est la relation à l’autre. Ce qui me plaît par dessus tout, c’est d’arriver à tisser peu à peu un climat de confiance, qui leur permette de se sentir suffisament à l’aise pour pouvoir s’exprimer librement. Que je puissse au fil des rendez-vous les découvrir et comprendre ce qui les amène là, dans mon bureau. Je découvre alors des histoires de vie incroyables. Des personnages fascinants. Des parcours extraordinaires. Je m’en nourris, c’est ce qui me fait avancer. Au fond, toutes ces personnes qui pensent me demander tant, me devoir tant : ils ne se rendent pas compte à quel point c’est moi qui leur suis reconnaissante. »
13 Commentaires
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Je suis heureuse et fière surtout (!) de pouvoir me reconnaître (assistante sociale également) à travers ces propos… Autant de vraies valeurs que j’aime à partager…
Des mots bien choisis, respectueux de tous et de chacun de ces gens aux vies ordinaires, des mots si bien pesés, si bien trouvés, si bien exprimés, si vrais !
MERCI, Val.
Son blog est le meilleur sur la profession!
Elle écrit d’une manière juste,drole et émouvante sans jamais tomber dans le pathos.
Il me tarde de lire le livre!
Connue sur son blog, c’est un vrai plaisir de découvrir une collègue qui arrive à mettre en mots nos ressentis du quotidien.
Assistante sociale, un métier difficile et encore plus à expliquer. J’aime mon métier pour les mêmes raisons qu’elle et je suis sure que ce livre fera naître quelques vocations nouvelles.
Nous avons des valeurs à défendre, ce livre devrait nous y aider.
Merci
Merci, très chouette article ! Et merci aux lectrices du blog pour leurs commentaires 😉
Un livre que j’attends avec impatience tant le talent transpire déjà dans les articles de son blog. A s’offrir, à offrir, pour rire, pour pleurer, pour se reconnaître !
impatiente de le lire …déjà fan du blog !!!je suis vraiment pressée de lire le livre tant le talent de l’écrivain me paraît comme une évidence !
merci pour ces morceaux de vie partager !
On pourrais croire que je ne suis pas totalement objective.Mais comme d’autre on pu l’exprimer, elle a un vrai talent allez pour un avant goût sur son blog vous entrerez dans son univers drôle, émouvant, touchant et aussi plein de fantaisie et d’imagination.Suivez les aventures aussi de lynotte et surtout lisez sa nouvelle une question de méthode.
Ayant participé à sa formation je suis d’autant plus fière de ce que Val peut nous faire toucher de ces tranches de vie cassées. Ne vous méprenez pas elle a aussi beaucoup d’humour, de franc parler sur l’univers impitoyable de la France d’en-haut pour celle d’en – bas. Allez voir son Blog…Découvrez Question de méthode, j’espère qui sera édité voir nouvelle série française qui cartonne…..
Pour répondre à votre question, j’ai envoyé mon manuscrit à Guy Birenbaum il y a environ un an. C’est lui qui dirige aujourd’hui la collection "documentaire" au Fleuve Noir.
Ah ouiiiii !! A quand "une question de méthode" version nouvelle série télé (mais rpenez des acteurs de talent pour pas gâcher le scenario 🙂 )!!! Je suis d’accord avec LN!!!
Je suis bien impatiente de lire Valérie et de découvrir à nouveaux ces portraits qui nous parlent tant, nous les Assistantes sociales ! Déja très fan du blog, je suis d’autant plus heureuse de cette publication que les occasions de mettre en lumière notre profession sont rares ! Je souhaite donc à ce livre beaucoup de succès et bien plus encore!
Merci à vous de faire découvrir à d’autres ( que nous les assistants sociaux ) les qualités d’écriture de Valérie, et de laisser entrevoir son humanité et son humour…
En attendant le livre un seul conseil : dirigez vous abs-so-lu-ment vers son blog, une fois que vous aurez commencé à lire, à rire, à vous émouvoir…vous ne pourrez plus vous en passer…
Valérie, c’est l’assistante sociale que tous les usagers rêvent de rencontrer dans leur parcours chaotique, c’est la collègue qu’on aimerait tous cotoyer…
J’appréciais de lire le blog de Valérie, j’attends impatiemment de lire son livre. Etant moi-même dans une profession d’écoute (mais dans un domaine très différent), je me sens proche de ses propos, notamment quand elle dit tant recevoir de ceux qui viennent lui demander son aide, et leur en être profondément reconnaissante…