Après nous avoir habitués (et déçus) depuis quelques années avec des choix très convenus, le prix de Flore 2010 renoue avec l’audace de ses premières années en couronnant un jeune auteur encore peu connu :
Il s’agit d’Abdellah Taïa pour « Le Jour du roi ». Le jeune écrivain marocain l’emporte contre Ann Scott (A la folle jeunesse) en finale. Dans ce roman Taïa laisse de côté l’homosexualité, thème central de ses deux précédents romans et traite d’un sujet qui lui tient encore plus à cœur : la fracture, qui, au Maroc, sépare les pauvres des riches. Le héros et narrateur du roman est un adolescent pauvre. Il vit seul avec son père. Sa mère est partie, ce qui a démoli le père. Le garçon hait et en même temps admire cette femme indigne, mais libre. Il a un ami de son âge, fils d’une riche famille. C’est ce garçon qui, bien sûr, est désigné pour aller saluer le Roi, baiser sa main. Le Roi est la figure omniprésente de l’autorité, devant qui tous s’écrasent. Malgré leur amitié profonde, le garçon pauvre finira par tuer le garçon riche : la lutte des classes l’emporte. Le roman, politique au fond, ne l’est jamais vraiment. Il est poétique, onirique, métaphorique, et en même temps cru, ponctué de scènes vives qui marquent l’esprit du lecteur. Il se termine avec un autre personnage, féminin : une petite domestique noire dont le père du garçon riche avait fait son esclave sexuelle, destin jusqu’à un certain point accepté et même désiré par cette jeune fille, à la fois aliénée par le sort qui lui a fait la société, et en quête aveugle de liberté. (présentation de l’éditeur)
Biographie de l’auteur:
Abdellah Taïa a publié deux romans au Seuil qui sont traduits ou en cours de traduction en Espagne, Hollande, Italie et surtout aux États-Unis. Il a également dirigé la publication de Lettres à un jeune Marocain ( Seuil, 2009 ). Par ces livres et par ses prises de position publiques, à visage découvert pour défendre l’homosexualité et la liberté des personnes dans son pays, il est devenu une sorte d’icône au Maroc et dans les pays musulmans, violemment attaqué par les islamistes et encensé par les jeunes et les modernistes.
08/10/2010 : Suite à sa première sélection communiquée en septembre dernier, la short-list du prix de Flore 2010 vient d’être dévoilée, éliminant au passage Antoine Bello et Claro notamment : Après délibération du jury, les cinq finalistes en lice, départagés le 4 novembre, sont :
– La fille de son père, Anne Berest (Seuil)
– Naissance d’un pont, Maylis de Kerangal (Verticales)
– Les assoiffées, Bernard Quiriny (Seuil)
– A la folle jeunesse, Ann Scott (Stock)
– Le jour du roi, Abdellah Taïa (Seuil)
10/09/2010 : La première sélection du prix de Flore 2010, peu de temps après celles du Goncourt et du Renaudot, vient d’être communiquée. On notera un absent, Romain Monnery (« Libre, seul et assoupi ») qui pourtant avait tous les critères pour y figurer ainsi que la présence d’Ann Scott et d’Antoine Bello remarqué depuis son thriller « Eloge de la pièce manquante » puis son roman d’anticipation « Les falsificateurs »… :
Les nominés choisis :
* France 80, Gaëlle Bantegnie (L’Arbalète)
* Enquête sur la disparition d’Elise Brunet, Antoine Bello(Gallimard)
* La fille de son père, Anne Berest (Seuil)
* Extraball, Vincent Bernière (JBZ & Cie)
* CosmoZ, Claro (Actes Sud)
* Requiem pour Lola rouge, Pierre Ducrozet (Grasset)
* Naissance d’un pont, Maylis de Kerangal (Verticales)
* La vie adulte, Virginie Mouzat (Albin Michel)
* Les assoiffées, Bernard Quiriny (Seuil)
* Une femme célèbre, Colombe Schneck (Stock)
* A la folle jeunesse, Ann Scott (Stock)
* Le jour du roi, Abdellah Taïa (Seuil)
18 Commentaires
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Les assoiffées, Bernard Quiriny (Seuil) ; non ?
Ann Scott pour le prix de flore et despentes pour le concourt
Goncourt pardon…
Ann Scott pour le FLore. POur le Goncourt, je donne ma langue au chat.
Eh bien voilà !
D’un coté, je suis contente qu’un jeune premier auteur peu connu mais néanmoins remarqué soit primé.
D’un autre, je suis très déçue pour Ann Scott. J’avais le sentiment de quelque chose d’irrésistible.
Bravo d’avoir eu le courage de mettre ne valeur un auteur peu connu ! Egalement, j’aurais pensé qu’Ann Scott…. mais bon, ce sera pour une prochaine fois, non?!
"Bravo d’avoir eu le courage de mettre en valeur un auteur peu connu "…C’est le propre du Prix de FLORE ! Donc, oui, c’est bien quand les gens sont logiques avec eux-mêmes.
C’est peut-être le premier prix de flore que j’ai réellement envie de lire depuis des années.Ca c’est cool.
Non parce que Ann Scott faut pas déconner… Son livre à part la décalque d’Ellis qui est un aveu d’échec sur le fait qu’elle n’a jamais fait mieux que Superstars, n’est pas d’un intérêt délirant… Y avait un article assez troublant à son propos dans le technikart d’octobre où elle est dépeinte comme une starfuckeuse peu subtile…
Pas lu "Le jour du roi" mais adoré "A la folle jeunesse" qui n’est pas ce que tu en dis Chloé, tu ne l’as pas lu ou tu es passé à côté et tu as trop lu les articles qui ne l’ont pas lu non plus! A propos de Technikart tu n’as que ce que tu mérites si tu lis ce genre de torchon! Il n’y a qu’eux pour traiter de starfuckers des gens si discrets qu’on ne sait rien de leur vie..
Hâte de découvrir le Taia.
Ah si si je l’ai lu. J’ai pas ptet pas lu tous les livres d’Ann Scott, mais entre Asphyxie, Superstars, Les chewing-gums ne sont pas biodégradables et A la folle jeunesse, je peux déjà me faire une idée. J’ai même lu sa nouvelle où elle se met dans la peau d’un SDF dans le recueil DIX dirigé par Guillaume Robert, c’est dire.
Et pour A la folle jeunesse, je suis très tentée de me ranger à l’avis de Papitoso qui a commenté la critique du bouquin sur ce site. Il a résumé assez justement mon sentiment sur le livre…
J’ai pu constater qu’Ann Scott dispose sur le web (Facebook, Twitter) d’un solide réseau de sympathisants qui la soutiennent et ce n’est que positif, néanmoins j’ai tendance à penser que le "capital sympathie" inspiré par l’auteur tend à inspirer une grande indulgence quant à ses écrits. Pour ma part je n’ai lu que Superstars dans ses précédents romans qui était un super livre oui! Mais je crains qu’aujourd’hui elle vive dans l’ombre de ce succès jamais répété et c’est bien dommage.
A la folle jeunesse était très décevant de mon point de vue et la référence à Lunar Park assez pathétique il faut bien le dire…
J’aurais vraiment aimé que Scott revienne avec un roman aussi percutant et flamboyant que Superstars et remporte haut la main ce prix de flore, mais là… c’est du réchauffé qu’elle nous a servi. Hélas !
@Alexandra: le côté name-dropping ("hey z’avez vu? j’ai le numéro perso de Bret, la mega-classe non?") devient un constat d’échec dans ce livre, c’est ça le pire.
Il en faut pour tous les gouts, que dire d’autre. Je n’ai pas lu le Ann Scott de la même manière. Je l’ai pris comme une mise en abime, un exercice périlleux beaucoup plus abouti que l’auto-fiction habituelle justement parce que cela reste de la fiction. Je ne pense pas me tromper au vu de ce que j’ai pu lire dans la presse. Il se peut donc que vous soyez passée à côté du sujet.. Reste que "Le jour du roi" paraît être un très beau livre que je vais acheter avec plaisir.
vous me faites rire les filles!
si vous accordez de la valeur au résultat du flore c’est que vous en accordez au regard de beigbeder sur la littérature, on est d’accords? donc si beigbeder compare ann scott à fitzgerald dans le figaro, vous êtes possiblement passées à côté du livre 🙂
@fabricia lis le taia c’est effectivemnt un beau livre
on n’a pas deux pseudos différents on est deux personnes différentes sur un meme ordi. parce que je suis d’accord avec ma copine. c’est pas permis?
faut poser la question avant de tirer des conclusions. zavez rien de mieux à faire à buzz littéraire que de fliquer les gens? un peu consternant quand meme!
je comprends mais le coté modérateur de la chose fait un peu école maternelle 🙂
mais bon ok
Je viens de finir ce livre, que je trouve magnifique, non pas que les autres livres en compétition ne mériteraient pas aussi un prix, je ne les ai pas lus, je ne peux donc pas juger, mais ce Jour du roi, en méritait un, Flore ou un autre. Je trouve dommage de dévoiler l’intrigue dans votre article, ce bouquin est mystérieux, envoûtant, pas si facilement cernable. Il s’agirait d’un serial killer de jeunes hommes, qui attisent peut être sa jalousie mais on n’en est pas certain, c’est assez flou, il s’agirait en fait plus de passion amoureuse, d’exclusivité, de possession que de lutte des classes, ce livre évoque aussi la magie, la sorcellerie, d’autres histoires d’amour se chevauchent. Le dernier chapitre me fait penser à Poésie ininterrompue de Paul Eluard.