Je regardais, mécontente, dans le métro les affiches du nouveau long-métrage de Disney, Raiponce, représentant une princesse en forme de super-héros transbahutant sur son dos un prince apeuré, ligoté à l’aide de sa chevelure extra-longue. Cette image ne me plaisait guère et je me disais que tout ce que j’avais aimé, petite fille, dans le monde des princesses disparaissait avec cette nouvelle représentation se voulant « cool » et « moderne », de la femme forte, alter-ego de l’homme, du prince en l’occurrence. Féminisme oblige.
C’est même une tendance de fond : il paraît que les princesses se font chevaliers… Alors que la littérature dite « jeunesse » fait débat (accusée de n’être qu’un « concept marketing » ou même de « l’appartheid » !) et que Flammarion publie une anthologie des « 1001 livres d’enfants qu’il faut avoir lus pour grandir »), je vous invite à retomber en enfance en retrouvant nos livres d’antan… :
Comme de nombreuses petites filles du siècle dernier, j’ai été bercée par les contes de fées et de princesses et même si « Cendrillon pour ses 30 ans est la plus triste des Mamans », cela reste parmi mes plus beaux et forts souvenirs de lecture ! Aussi mièvre que cela puisse paraître, je reste fidèle à toutes ces icônes qui m’ont tant fait rêver : Blanche-Neige, La Belle au Bois dormant, Cendrillon, Peau d’âne, La petite sirène, La petite Poucette mais aussi de magnifiques contes chinois aux illustrations extraordinaires que je ne me lassais pas de contempler (voir ci-dessous, exemplaire d’époque de ma mère) jusqu’aux déesses de la mythologie grecque que je lisais comme des contes (au collège surtout)… Jusqu’à encore bien plus tard : la princesse de Clèves !
Conte « Le palais du prince Dragon », à propos d’un palais sous le fleuve où une princesse, Fleur d’été, tombée de sa jonque, y est retenue prisonnière …
Mais que serait une princesse sans sa fabuleuse robe toute froufroutante et ses parures étincelantes, sans oublier son carrosse et ses pantoufles de vair ? J’aimais que la princesse se lamente en attendant son prince charmant, se languisse et finisse par être sauvée. J’aimais que la princesse soit douce et timide, qu’elle chante, qu’elle cueille des fleurs (ou tout autre végétal joli) dans la clairière, qu’elle coiffe mélancoliquement ses longs cheveux dorés devant le miroir de sa coiffeuse près de son lit à baldaquin, qu’elle danse au bal, qu’elle souffre ou même qu’elle dorme en attendant son baiser… (des activités dignes d’une princesse en somme !). Mais j’apprends dans un article de Télérama que tout cela serait devenu ringard : « Entre naguère et aujourd’hui, la princesse (…) a troqué sa robe kitsch et sa crinière blonde pour des vêtements, une coupe et un destin plus cools. Coup de baguette magique ? Non, le féminisme est passé par là, la libérant peu à peu de son rôle de potiche. ». Plus loin, je lis encore (consternée) : « La révolution est en marche. Les princesses en ont assez d’arborer des robes encombrantes et des chevelures interminables, et elles le font savoir… » Hum… Au-secours, Hans et Charles, ils sont devenus fous ! Traitez-moi de rétrograde mais une princesse « moderne », pour moi ce n’est plus une princesse… Ce qui fait tout l’attrait de la figure, du mythe, c’est justement son charme suranné, son côté « tour d’ivoire » et irréel. Si la princesse commence à vouloir aller à l’école ou avoir un vélo (les thèmes de 2 livres d’aujourd’hui : « Même les princesses doivent aller à l’école », de Susie Morgenstern et « La Princesse de papier » de Brigitte Minne et Anne Westerduin), quel est l’intérêt ? Elle redevient aussi banale que moi (haute comme trois pommes, au siècle dernier) et ça ne me fait plus du tout rêver…
De son côté, François Busnel le directeur du magazine Lire et de l’émission La grande librairie sur France 5, fustige la « littérature jeunesse », « une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d’affaires », écrit-il dans son article « Lisez jeunesse ». Il ajoute « qu’il faut donner aux jeunes des lectures qui ne sont pas de leur âge ».
Une vision que corrobore Charles Dantzig (dont les premiers livres lus étaient Baudelaire et Verlaine) qui déclarait, dans La grande librairie justement, que les livres jeunesse constituaient une sorte « d’apartheid qui considère les enfants comme une sous-catégorie pour laquelle il faudrait écrire des livres un peu plus simples, un peu plus faciles, plus amusants ». C’est « une idée étrange qu’il faille des livres spécifiques pour les enfants » selon lui.
Pour apporter ma modeste contribution au débat : je plaide pour la littérature jeunesse ! Et je ne supporte pas les gens qui vous regardent de haut et vous assènent que leur livre d’enfant préféré était un Zola ou du Stendhal… (Zut à l’âge de 4 ans, même en étant un petit génie… !). Je n’ai jamais lu de « grand livre » lorsque j’étais enfant et je m’en porte très bien, j’ai toute la vie pour cela. L’inverse n’étant pas forcément vrai (même si j’observe une grande tendance d’adultes lisant –et se délectant apparemment- de livres pour enfant, j’avoue que cela ne me tente pas du tout en revanche). Lire un conte de fée ou de sorcière, les bêtises d’une Sophie de Réan ou encore pénétrer un château hanté ou une armoire magique, passé la dizaine, ça fait tout de suite beaucoup moins d’effet… Sans compter la capacité d’immersion et de croyance que l’on peut avoir à l’âge tendre. Michel Houellebecq (on y revient toujours !) en parlait très bien dans Les particules élémentaires, où il décrit comment son personnage se régalait des aventures de Pif gadget (qu’il n’hésite pas à comparer à des idéaux kantiens !). Ces livres d’enfance pas si naïfs : « Ce sont nos chef d’œuvre interdits, nos enfants « non reconnus ». », écrivait-il avec justesse.
Sartre parle aussi avec une profonde émotion des récits épiques qu’il lisait petit et qui lui inspiraient des jeux chevaleresques.
Récemment, j’ai pu sauver de la benne, chez mes parents, quelques-uns de mes livres culte de jeunesse que j’avais la chance d’avoir conservés. Et c’est avec une grande émotion que je les ai retrouvés (et serrés dans mes bras/mains) ! 🙂
Voici 2 petites photos de famille de ces survivants :
On y reconnaît quelques incontournables tels que Roald Dahl ou Pierre Gripari, deux stars des cours de récré. Du premier, « Charlie et la chocolaterie » suivi de Charlie et l’ascenseur de verre restent bien sûr mes préférés pour des raisons évidentes de gourmandise… mais aussi de plaisir d’avoir peur (les gamins étant tous victimes de terribles châtiments au fil de leurs péchés respectifs) ! Et puis quelle imagination d’avoir fait d’une banale fabrique de chocolat un monde merveilleux peuplé de créatures magiques (avec les fameux Oompas-Loompas !). Je garde aussi un souvenir amusé de « Les deux gredins » qui me faisait tant rire tout en me dégoutant (Compère gredin –qui ne se lavait jamais- se servait notamment de son immense barbe broussailleuse comme garde manger…), sans oublier leurs horribles tours (comme celui de l’arbre à glu qui me faisait frissonner !).
Du deuxième, mes préférés étaient « La fée du robinet » qui m’horrifiait de plaisir avec ses serpents sortant de l’évier, La sorcière du placard au balais et La sorcière de la rue Mouffetard, tirés des Contes de la rue Broca. J’aimais tout particulièrement que ces histoires s’ancrent dans le quotidien domestique et auraient donc pu m’arriver, ce qui les rendait encore plus effrayantes ! L’armoire magique (chroniques de Narnia) me procurait le même frisson d’autant que la demeure de mes grands-parents était truffée d’immenses armoires d’époque que je finissais par redouter d’approcher de peur d’être happée dans une autre dimension, en bonne froussarde…
Un peu moins connu il me semble, je garde une impression très forte du Prince Pipo, toujours de Gripari. Ce livre, que j’ai beaucoup relu, est vraiment génial, entre Lewis Carroll et J. M. Barrie : un jeune prince traverse un jour un volcan délimitant son royaume et se retrouve dans un 2e monde symétrique au sien mais « sombre, noir et sinistre », comme un reflet inversé (le château est devenu une ferme décrépie, ses parents, un nain et une sorcière façon Thénardier, etc.). L’une des scènes les plus fortes est celle de l’auberge des enfants perdus avec des couteaux de boucher incrustés dans les tables, retenant prisonniers ses petits hôtes. Je trouvais cette histoire aussi terrifiante que fascinante ! Je garde aussi un souvenir amusé des Contes bleus et rouges du chat perché, les aventures de Delphine et Marinette au milieu de leurs animaux de ferme parlants. En particulier l’histoire de la poule transformée en éléphant au cours d’un remake de l’arche de Noé !
J’ai aussi été abonnée à presque toutes les revues de Bayard Presse : Pomme d’Api, Les belles histoires et J’aime lire… Outre les Tom-Tom et Nana (autre hit de cour de récré a priori toujours aussi en vogue), quelques histoires m’avaient beaucoup marquée comme : « La marelle » (qui est un peu l’inverse de « Quartier lointain » , un petit garçon se retrouve dans la peau d’un adulte après avoir joué avec une marelle magique) et surtout « Le Zapoyoko » (géniale histoire où un petit garçon projeté au royaume du dictionnaire au cours d’une partie de scrabble) et enfin « La sorcière habite au 47 » (dans la veine d’un Gripari où une vieille voisine se révèle une sorcière qui va ensorceler le jeune héros pour en faire son esclave jusqu’à ce qu’il se libère au cours d’un gouter piégé).
Sans oublier les livres cassettes avec en tête, mon récit préféré « Maître Renard » (toujours de Roald Dahl) que ma mère nous passait toujours à table pour nous mettre en appétit (un récit très rabelaisien avec force descriptifs de festins de volaille succulents : végétariens s’abstenir !). Dans le même registre, j’étais très fan d’une histoire de petite fille kidnappée par un ogre (Le géant de Zéralda) et qui finalement s’en sortait grâce à ses talents culinaires, un autre best pour me faire finir mon assiette !
Je n’ai malheureusement pas pu retrouver mon imposante collection de Comtesse de Ségur qui avait appartenu à ma mère et autres récits de bibliothèque verte. Je me souviens notamment que j’enviais beaucoup la joyeuse petite troupe du Château de Fleurville pour leur belle cabane dans le jardin et tous les jeux qu’ils imaginaient.
J’ai un souvenir assez vif aussi des nombreux livres illustrés, les tous premiers livres que ma mère me lisait lorsque je ne savais pas encore le faire. Et je remarque que peu de gens se souviennent de ce type de livre (cf : ma question sur les livres d’enfance pour les bibliothèques de blogueur, personne n’a cité pour l’instant un vrai livre de petite enfance mais plus souvent d’adolescence). Si les histoires de loup, de galettes, de Goupil et de korrigans me captivaient toujours, je me souviens aussi d’un ouvrage qu’une maîtresse de maternelle nous avait lu mais impossible de retrouver le titre, il s’agissait d’un pays en noir et blanc où les couleurs avaient disparu (si ça dit quelque chose à quelqu’un, n’hésitez pas à me donner le titre !). En bonne neuneu, j’étais sinon bien sûr une fan des « Martine », « Caroline » et autres « Emilie Jolie ».
A noter qu’outre les princesses, les danseuses me plaisaient aussi beaucoup et je garde un superbe souvenir d’un roman « Rosanna entre dans la danse », pré-période Fame, où une jeune italienne tente de devenir ballerine (j’aimais en particulier avoir le cœur déchiré par les descriptions évoquant le mal du pays et la solitude de l’héroïne en manque de ses oliviers et de ses pizzas !). Plus tard, j’ai dévoré les romans d’Henri Troyat en particulier sa trilogie de Viou. J’étais aussi une grande adepte des drames sur la Shoah (ceci a changé désormais), de « Mon ami Frédéric » (lu à l’école je crois), « L’ami retrouvé » à « Anne Franck » bien sûr, mais aussi un moins connu (ou du moins tombant dans l’oubli) je crois, « La steppe infinie » sur la déportation d’une petite polonaise juive, évidemment tous poignants… [Alexandra]
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10 Commentaires
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SUPERBE. BELLE IDEE DE SUJET POUR NOEL. ET SUPER TEXTE : et je me rends compte que depuis l’enfance, je partage les mêmes goûts littéraires que toi !
Trop fort l’album sur Le bonhomme de neige ! J’ai adoré l’animé qui m’a laissé un souvenir impérissable…
Merci pour cette belle boîte de madeleines de Proust ^_^
Une agréable lecture (comme à l’habitude) et enfin une prise de position pour sauver les authentiques princesses! Un autre classique qui n’a pas pris une ride est "l’histoire sans fin" de Michael Einde. Je l’ai relu, il y a 3 ans et j’ai découvert avec plaisir qu’il possédait plusieurs niveaux de lecture, on peut y voir un conte philosophique et ça reste donc très prenant, même avec des yeux "adultes".
Je vois que nous avons eu les mêmes lectures d’enfance… Que de bons souvenirs !
Par contre, je suis un peu traumatisée de découvrir qu’entre Viou et A demain Sylvie, que j’ai lus et relus, il y avait un livre dont j’ignorais tout !
[FB]
Gazelle, ah tiens je ne me souvenais pas qu’ils l’avaient adapté en dessin animé, en même temps c’est vrai que le livre s’y prêtait vraiment avec le bonhomme patinant sur la glace !
Merci Hector, eh oui il fallait bien que qqn se charge de défendre ces pauvres princesses (je prépare la pétition!)
Anne-Laure : , en fait je ne les ai pas photographiés ds le bon ordre : c’est Viou (fillette avec son austère grand mère), A demain Sylvie (ado avec sa mère légère) et en dernier lieu le 3e bonheur (sa vie de jeune-femme où elle prend son 1e appart !). Je vous ai fait grâce de ma collection d’Heidi (qui va de la petite fille jusqu’à sa vie de grand mère !).
Dans les Martine, je signale que maintenant on les trouve aussi en cahiers de soutien de la maternelle à 8 ans plus le dico Martine, Martine apprend l’anglais, etc., c’est très bien foutu. Les cahiers Martine, Casterman Mai 2010 pour le dernier. http://www.club-martine.fr/
jeunesse.casterman.com/ca…
Dans la lignée du Seigneur des anneaux, la trilogie de Philip Pullman (prof de littérature à Oxford comme l’était Tolkien), vaut le détour. Rien à voir avec le film beaucoup moins subversif.
Comme quoi la lecture des Martine Caroline, et Emilie Jolie peut mener à la littérature. L’essentiel étant de donner le goût de lire… Même le chti conduit à la littérature
Pascal
Ah… Doit on faire un choix… ??? Ma réponse à chaud !
L’homme que je suis ne peux que se réjouir que l’on conseille aux femmes de devenir l’égal de l’homme (où ce que l’on imagine être en droit d’attendre d’un homme).
En même temps, et même si cela remet en question le rôle théorique de l’homme, j’aspire à ce moment béni où une femme ne cherchera plus un homme en Audi TT(que je pourrais m’offrir, autant le préciser avant de passer pour un frustré) mais mettra tout en oeuvre pour se la procurer par ses propres moyens. Les femmes ne sont pas matérialistes, enfin pas toutes, elles aiment les hommes qui s’en sortent mieux que leurs congénères et donc parfois, les hommes en Audi TT (blanc, comme le cheval). Il est question de prince très souvent, si ça n’est pas un symbole de statut social ça…
Et on ne m’ôtera pas de la tête que tout cela vient de l’éducation et des comtes de fée… Ne fais rien, ton homme, s’il est bien, le fera pour toi…(cf. « Prince Charmant, « Bon parti », « gendre idéal », « bon à marier » « beau gosse », « Brad Pitt », etc)
De manière globale, je n’aime pas dans les comtes de fée :
– Que la princesse n’ait rien d’autre à offrir que ses fesses et beaucoup d’enfants.
– Que la princesse soit systématiquement naïve, voir bête
– Que les sacrifices du prince soit dus.
– Qu’elle doit avoir un statut social supérieur à la norme
On pourrait conserver le principe médiéval du comte tout en donnant un rôle actif (et non dominateur) à la princesse. Elle pourrait trouver des ruses, une stratégie pour déjouer les actions des « méchants »( par exemple faire des gâteaux empoisonnés, saboter le ménage pour Cendrillon, je plaisante…)… Sans pour autant devenir haltérophile porteuse de prince ! A ce titre, l’illustration du début est grotesque, remplacer un déséquilibre par un déséquilibre, quelle riche idée !
Le féminisme « old school » n’est pas la seule alternative, dieu merci, et ce que j’observe dans toutes ces descriptions de scénarios de livres pour enfant est une proposition aussi pertinente que celle de remplacer le nazisme par le communisme…
On pourrait se poser la question de savoir pourquoi après tout ? Pourquoi un tel contenu ? Probablement parce que les éditeurs estiment que ces livres « nouvelle génération » véhiculent des idées auxquelles les mères de famille (qui continue de les acheter très souvent) vont adhérer. Ironie du sort, c’est en les achetant seules qu’elles perpétuent le partage des rôles ancestrales…et « Maman te liras une histoire après avoir mis la machine à laver en route »…
Le vrai problème du conte de fée, c’est que contrairement au père Noel, on ne dit jamais aux filles que le prince charmant n’exsite pas… Elles doivent elles même en faire l’amère expérience… ou pas…
Nicolas
Heureux avec sa princesse depuis plus de 9 mois maintenant… et oui, les hommes aussi veulent y croire… mais ma princesse a un cerveau et n’a pas besoin de moi pour s’assumer…
Bonjour,
Je suis à la recherche d’un livre que j’avais adoré sur la mythologie grecque depuis plusieurs années mais je ne me rappelle plus du titre. Je viens de reconnaître l’illustration du Dieu « Atlas » sur une de vos photos. Je suis presque sûre que c’est le livre que je cherche. Pourriez-vous me donner le titre, l’auteur et l’éditeur? Merci bonne continuation
Je vais rechercher et te redirai cela, dans ce même commentaire que jactualiserai dés que j’aurais récupéré les références.