Sur la couverture d’un récent succès d’édition, « Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates », on pouvait lire la réaction enthousiaste, « Absolument délicieux ! », d’une Anna Gavalda. Faire appel à un écrivain célèbre pour promouvoir le livre d’un(e) inconnu devient une pratique courante des éditeurs new-yorkais de la Ve Avenue et commence à s’installer à Saint Germain des près… Ce petit éloge, puissant levier marketing, porte même un nom : le « blurb » :
Le blurb (traduit dans le dictionnaire par « notice publicitaire » ou « baratin ») désigne donc cette petite phrase signée d’un grand écrivain, affichée sur le bandeau rouge ceignant la couverture d’un nouveau livre d’un auteur en général méconnu. « Le roi du tartan noir » (James Ellroy, à propos de l’Ecossais Ian Rankin) ; « A couper le souffle ! » (Michael Connelly, sur un jeune auteur de polars)… On se souvient aussi de Bret Easton Ellis qui vantait par exemple les mérites du roman « Love creeps » d’Amanda Filipacchi (« comédie érotico-surréaliste traitant avec brio, humour et philosphie des névroses amoureuses« ) tout en écrivant dans Lunar Park : « Il me fallait trouver une phrase pour la promo d’un livre banal et inoffensif, écrit par une connaissance à New-York, encore un roman médiocre et poli qui allait obtenir quelques critiques respectueuses et puis être oublié à jamais. La phrase que j’ai fini par concevoir était désinvolte et évasive, une suite de mots si vagues qu’elle aurait pu s’appliquer à n’importe quoi.«
Même si déjà pèse le soupçon de copinage, la course au blurb, plus chic qu’un vulgaire slogan publicitaire, semble bel et bien lancée !
Aux Etats-Unis c’est l’agent littéraire qui se charge de trouver blurbeur à la couverture de son poulain : « Il doit se débrouiller pour faire lire très tôt le texte d’un écrivain inconnu à d’autres, déjà renommés, a expliqué Philippe Robinet, directeur d’Oh ! Editions au magazine L’Express. Si le roman en question suscite une réaction enthousiaste, ce sera un argument fort pour le vendre à l’éditeur, lequel s’en servira également pour placer le livre auprès des libraires. » Cet éditeur a ainsi « commandité » deux blurbs pour son auteur, Michel Rostain, qui publie ces jours-ci Le Fils, tout juste couronné par le Goncourt du premier roman dont l’un à Nancy Huston (remarquée aussi sur la 4e de couv’ du succès de la rentrée de septembre 2010 : Purge de Sofi Oksnanen qu’elle qualifiait ni plus ni moins de « chef d’oeuvre »).
Parmi les blurbeurs stars américains, on trouve un Stephen King pour les jeunes auteurs de fantastique, Jim Harrison pour un romancier nature writing, et pour un « polar » rien ne vaut un Harlan Coben ou un Michael Connelly. Et à ce jeu, le nombre de blurbs recueillis permet également d’obtenir le soutien des services commerciaux et d’exercer un moyen de pression au sein des groupes d’édition américains.
Quant à l’objectif de vente : il doit dépasser la barre des 100 000 exemplaires.
Si le blurb peut parfois être sincère, il n’échappe pas à la règle du renvoi d’ascenseur ou de l’échange de bons procédés (comme l’a pratiqué Tatiana de Rosnay avec l’Américaine Diane Chamberlain).
Officiellement, aucun blurbeur ne se ferait payer…
En France, Anna Gavalda fait encore office d’exception. Comme l’a expliqué, à L’Express, Francis Geffard, éditeur de littérature américaine chez Albin Michel : « Anna Gavalda est l’exception qui confirme la règle française : un auteur Gallimard serait mal vu des confrères de sa maison s’il était « blurbé » par un écrivain d’Albin Michel ! Les Français sont souvent en concurrence, alors qu’aux Etats-Unis les blurbs sont une tradition, liée à celle du mentor, à une collégialité entretenue par l’université, où enseignent de nombreux écrivains et qui favorise les réseaux, l’entraide. Les Bret Easton Ellis, Philip Roth, Joyce Carol Oates, Russel Banks, etc. ont conscience de leur responsabilité, ils sont dans un acte militant et ne se prononcent pas sur n’importe qui. Pour eux, c’est avant tout une façon d’accompagner sur les fonts baptismaux un jeune auteur auquel ils croient« .
Source : L’Express (voir l’article complet : http://www.lexpress.fr/culture/livre/les-blurbs-debarquent-sur-vos-livres_963212.html)
A lire aussi : Quand la mauvaise critique dope les ventes d’un livre…
2 Commentaires
madame monsieur
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