Frédéric Beigbeder reprend sa casquette de passeur de livres en publiant en cette rentrée littéraire 2011 une anthologie de ses 100 romans favoris: « un hit parade » comme le qualifie la 4e de couv’. Jouant sur l’idée que les livres sont menacés avec l’arrivée du numérique (et qui donne lieu à une préface régressiste et ennuyeuse sur le sujet, recyclé d’une de ses chroniques pour le magazine Lire : « Fahrenheit 451 »), il nous présente donc les livres qu’il souhaite « sauver » de « l’apocalypse », au XXIe siècle. Voila pour le concept (on n’a pas été publicitaire pour rien hein ! :-).
Dans le texte, cela donne des petites chroniques légères (que son ami Yann Moix, d’ailleurs référencé dans son ouvrage qualifiait, dans une interview sur France Inter, de « critiques bâclées sans fond », « drôles et brillantes mais pas profondes », et vlan !), comme l’auteur en a le secret, agrémenté de souvenirs personnels de lecteurs (qui pourront plaire ou bien agacer c’est selon votre empathie à l’auteur) et de quelques analyses parfois bien vues. Romans cultes ou plus confidentiels voire controversés, d’hier et d’aujourd’hui, je me suis amusée à comparer mes perceptions aux siennes :
« Finalement, nous ne lisons que pour voir, et l’on a tort d’opposer si souvent le livre et le cinéma. Les romans sont des films, une suite de « choses vues » collées bout à bout. C’est souvent tout ce que je retiens, lorsque je referme un livre.«
Commençons par quelques statistiques : sur les 100 livres cités par Beigbeder, j’en ai lu une trentaine (à laquelle s’ajoute une dizaine dont j’ai déjà lu l’auteur mais pas le livre cité). Parmi ces livres, il y en a environ une dizaine qui sont aussi dans mon palmarès, 10 de plus dont j’apprécie/adore l’auteur (mais pas le livre cité : cf Houellebecq qu’il cite pour « Plateforme ») et 3 ou 4 auquel je suis franchement réfractaire, (« Je m’en vais » d’Echenoz, « Les bienveillantes » de Littell, Gabriel Garcia Marquez mais plutôt pour « Cent ans de solitude » m’étant arrêté à celui-ci et qui n’est pas celui retenu ici…).
Je vais donc m’intéresser plus particulièrement aux livres qui figureraient aussi dans mon « top 100 » ainsi que quelques autres références significatives (Virginie Despentes, Philippe Djian, Lolita Pille ou J. Safran Foer…) :
« American psycho » de Bret Easton Ellis (n°1)
Pas très original certes mais relativement indétrônable et encore inégalable en effet…
« Tout est là : la puissance du capital, la maladie mentale de Wall street (20 ans avant la faillite de Lehman Brothers), la violence sadienne, l’érotisme tordu des enfants gâtés de l’Amérique, la solitude urbaine, l’humour noir glaçant, le cynisme confiant au nazisme. American pshyco est le chef d’oeuvre du nihilisme définitif, celui qui a tout conclu, c’est le le roman ultime de la déshumanisation.«
Il donne aussi d’intéressantes informations sur la genèse de sa publication en France, notamment Christian Bourgois qui l’a refusé, après les fatwas déjà subies pour Salman Rushdie. A regretter qu’il fasse, également, comme beaucoup l’amalgame avec une critique ou dénonciation politioc-sociale du capitalisme alors que c’est avant tout un roman sur l’aliénation, la solitude et le basculement dans la folie d’un homme (comme l’a expliqué récemment Bret Easton Ellis lors de la sortie de Suites impériales)
Il ajoute : « American Psycho est le meilleur roman du XXe siècle car il a digéré tous les autres. Bateman c’est Bardamu à New-York en costard Armani, mais aussi Proust qui bande en voyant des épingles à chapeau s’enfoncer dans des rats en cage ; c’est Léopold Bloom l’antihéros désespéré par excellence, c’est l’imagination de Boulgakov et le ton blasé du Roquentin de Sartre, c’est le meurtre gratuit de l’étranger de Camus… » ou encore « le premier romancier de la tyrannie de l’individu telle que définie 20 ans plus tard par l’historien Tzvetan Todorov. »
Le reste de la chronique est un peu simpliste (comme « Montrer le malheur c’est une manière de le combatte » hum…).
« Bright lights, big city » de Jay McInerney (n°5)
Sans surprise, on trouve également le fameux premier roman de Jay McInerney auquel l’auteur de 99 francs fait souvent référence. Je suis assez d’accord avec ses remarques sur le roman, mais il est dommage qu’il occulte sa dimensions de roman d’apprentissage (la naissance d’une vocation d’écrivain) et son talent humoristique (cf: les coulisses d’un grand journal, The New-Yorker) pour le réduire aux soirées décadentes et rails de coke (c’est bien plus que ça !) : « La force initiale de ce texte corrosif dont l’émotion repose sur une sorte de romantisme enfoui, de désespoir pudique, comme une fleur fânée à la boutonnière d’un smoking puant la cigarette et le vomi. »
« Ce qui me plait dans les romans de McInerney, c’est leur tendresse désabusée, leur fausse froideur, cette chose bizarre enfouie quelque part sous les kilos de coke et qui s’appelle l’humanité. »
« Le blé en herbe » de Colette (n°12)
Cette chronique commence mal avec la citation de Pascal Sevran (qui le citait dans sa chanson « Il venait d’avoir 18 ans » comme principale raison de la célébrité de ce roman…), suivie d’un parallèle avec l’affaire Polanski ou encore une considération très douteuse sur les relations avec la progéniture de son conjoint avant d’évoquer le terme débile de « cougar ». Elle se poursuit un peu mieux avec cette description : « une lumineuse délicatesse, une indémodable aquarelle des émois adolescents, dont le style respire la langueur de l’été, la fraîcheur du vent breton, le pouvoir des fleurs et la fragilité des amours balnéaires. »
Frédéric Beigbeder souligne ici, avec raison, la beauté métaphorique de la langue de Colette (et en profite pour digresser sur le sujet de la métaphore en recyclant encoire une de ses chroniques Lire :-). C’est exactement pour cela que j’aime Colette, c’est pour ses images étonnantes et merveilleuses qu’elle fait naître en nous parlant de notre environnement quotidien, d’un banal jardin ou d’un petit sentier de plage… « Ecrire comme personne avec les mots de tout le monde« , tel était sa devise et c’est exactement cela. N’en déplaise à Charles Dantzig qui se moquait de son style dans son Dictionnaire égoïste : « De sa négritude, Colette garda un manque de soin, et, du journalisme, car elle écrivait aussi dans les journaux, la peur de la répétition engendrant des périphrases, l’horreur du mot simple. (…) C’est du style de publicité pour le dentifrice. » !
« Nicolas Pages » de Guillaume Dustan (n°13)
Rappelons que le prix de Flore (créé par Frédéric Beigbeder) a été décerné en 1999 à cet auteur (décédé en 2005).
A son propos, il analyse : « Dustan synthétise habilement les quatre courants de la littérature contemporaine : le nouveau réalisme (Houellebecq/Ravalec/Despentes), l’autofiction (Donner/Angot/Doubrovsky), l’écriture « dandy rock » expérimentale (Schuhl/Pacadis/Adrien), la littérature « homo porno » (Renaud Camus/Hervé Guibert/Vincent Borel) »
Il se demande aussi si Dustan était le dernier auteur subversif ? Ce qui ne veut pas dire grand chose mais passons… Personnellement Dustan m’a fait comprendre que la littérature homosexuelle n’existait pas : ce qui importe lorsqu’on lit un auteur c’est sa voix et son univers. On peut tout à fait s’y identifier quels que soient son « orientation » et son sexe. Il m’a aussi ouvert les yeux sur ce que peut représenter l’homophobie de nos jours, le fait de n’avoir aucun droit social, d’être nié par la société, la pire dystopie qui soit je crois ! Il m’a aussi impressionnée par l’énergie de son verbe et sa créativité littéraire. Et bien d’autres choses encore ! Une lecture marquante en tous les cas.
« Maudit manège » de Philippe Djian (n°18)
« Philipe Djian est l’importateur du réalisme quotidien et de la liberté « post beat » (Brautigan, Selby, Thompson…) que les Américains ont façonné dans les années 30 et 60 : il a joué un rôle crucial de transmission au-dessus de l’Atlantique. (…) Djian n’a fait que ramener sur le continent européen le style du « loser magnifique ». »
« Il nous montre les stations-services la nuit, les ivresses dans les jardins pavillonnaires, les disputes qui dégénèrent en prophéties grotesques…«
Je suis assez d’accord avec Beigbeder, Djian est une bonne porte d’ouverture vers une certaine littérature américaine. J’avais été assez marquée par ses romans à l’adolescence (lorsque je ne connaissais pas encore ses maîtres mais une fois découvert les « originaux », j’ai un peu moins accroché…). 37°2 le matin restera malgré tout une référence absolue.
« Women » de Bukowski (n° 21)
« Le plus important, reste l’émotion amoureuse que Women provoque : un frisson de tendresse caché sous un déluge de Jack Daniel’s. (…) La plupart des jeunes auteurs contemporains le copient éhontément, mais ce n’est pas très grave – certains sont convaincus qu’ils copient Philipe Djian ou Bret Easton Ellis car ils ne connaissent pas l’original. (…) Buck a inventé le phrasé que vous lirez durant les 100 prochaines années : une écriture amorale, brute sans être sèche… (…) Il crée du lyrisme avec de la saloperie. (…) Il raconte l’histoire de tous ces êtres qui continuent de vivre en n’attendant plus rien. »
Pas grand chose à ajouter si ce n’est que Bukowski, sous ses allures de vieux rustre grossier, cache beaucoup de délicatesse, de finesse et de sensibilité pour décrire et saisir la féminité et l’intimité, même si cela intervient entre deux passages de biture ou de défection…
« Les jeunes filles » de Henry de Montherlant (n°26)
Frédéric Beigbeder résume ce roman comme « Le projet : tourner en ridicule l’amour hétérosexuel bourgeois et le mariage religieux à l’ancienne avec un cynisme implacable. » Je ne sais pas si telle était vraiment l’intention initiale de l’auteur mais je ne trouve pas cela très juste. En tout cas ce n’est pas du tout la 1e pensée qui me soit venue à sa lecture. Pour moi c’est avant tout un roman sur la lâcheté, la superficialité (cf : une ravissante idiote sera préférée à l’intellectuelle au physique banal comme la pauvre Andrée qui, malgré ses belles lettres et son intelligence, n’intéresse nullement le bel écrivain Costals !) et la cruauté (souvent involontaire) masculines (peut-être le premier du genre !) envers les femmes, mais aussi leur « pitié » en quelque sorte envers ces « victimes consentantes ». Et puis c’est aussi un roman génial sur « la groupie littéraire » qui sévit toujours !
Bref si je devais le résumer, je dirai plutôt un portrait des paradoxes masculins et de leur refus d’engagement. Bien évidemment, on peut relativiser tout cela en sachant que l’auteur cultivait une homosexualité refoulée mais malgré tout cela n’enlève rien à sa justesse. Beigbeder ajoute : « Costals dans un roman du XXIe siècle serait sûrement un seriel killer.(…)
En ridiculisant la condition féminine de l’entre-deux guerres, Montherlant a contribué à l’éclosion de Simone de Beauvoir. » Bon s’il le dit…
« Les jolies choses » de Virginie Despentes (n°36)
« Despentes rock’n viole notre idiome national.(…)
Les jolies choses est un roman sur la corruption par les paillettes et la perte de la pureté.(…)
Despentes appartient à la catégorie (nouvelle) des moralistes libertaires.(…)
Ce qui fait la spécificité (et l’intérêt) du courant contemporain de littérature dite « post-naturaliste » ou « trash » est qu’elle jouit en critiquant le plaisir. »
Pas grand chose à ajouter, j’avais trouvé ce roman un peu manichéen et caricatural même si le style de Despentes arrive à sauver le tout.
« Histoire d’amour » de Régis Jauffret (n°55)
Il dit bêtement que « rien n’est original dans ce livre » alors que ce livre est justement d’une très grande singularité !
J’ai l’impression qu’il est passé complètement à côté de ce qui fait la force vénéneuse et noire de ce livre, il le résume comme s’il s’agissait d’un vulgaire dossier psycho d’un quelconque magazine féminin : « L’air de rien, Histoire d’amour, pose pas mal de questions cruciales : qu’est ce que « draguer » ? Où s’arrête la séduction et où commence le harcèlement pénible et collant ? Où sont les limites ?«
Ses commentaires (et résumés) sont un véritable massacre de l’essence et de la complexité de l’œuvre de Jauffret (qu’il cite 3 fois dans son classement) qui repose, à mon sens, tout entièrement sur l’ambivalence (d’ailleurs l’héroïne d’Histoire d’amour ne parle jamais et ne révèle jamais son point de vue). Et toujours avec des confessions très limites sur ses propres penchants dont on se passerait sans doute (un homme amoureux est-il autre chose qu’un violeur attendant la permission d’agir ? (…) Et enfin la question principale que je me pose personnellement depuis que j’ai lu American psycho : sommes-nous tous des serial-killers en puissance ?!!! »)
« Les bonbons chinois » de Mian Mian (n°70)
J’ai été très surprise de trouver ce livre dans son palmarès, ce quim’a fait très plaisir, malgré les critiques qu’elle a pu essuyer. C’est particulièrement l’écriture poétique et la beauté de son style métaphorique qui m’avait particulièrement touchée à l’époque (idem pour sa consoeur Wei Hui, avec « Shangaï Baby qu’il ne faut pas oublier !). « Un style translucide et fragile comme un papillon«
C’est aussi ce qui ressort de la chronique de Frédéric Beigbeder avec laquelle je suis plutôt d’accord (hormis les comparaisons) : « La tendresse de Salinger + la sensibilité de Gao Xingjian + le physique de Gong Li + la modernité de Virginie Despentes, est-ce Dieu possible ?
(…) Une expérience unique : il y a un contraste ahurissant entre la sérénité poétique de l’écriture de Mian Mian et les histoires brutales qu’elle raconte ».
« Podium » de Yann Moix (n°79)
Eh oui le si décrié Yann Moix, dont les diverses récentes prises de position sur l’actualité ne sont sans doute pas ce qu’il a fait de plus intéressant…, a malgré tout un certain talent littéraire, en particulier dans ses premiers opus. Podium m’avait impressionnée par son inventivité délirante (le terme délirant convient très bien à cet auteur qui aime les situations extrémistes et les explorer jusque dans leur tréfonds aussi tragiques, ridicules et folles soient-elles, mon roman préféré de Yann Moix est néanmoins Anissa Corto que je rapprocherai d’Histoire d’amour de Jauffret d’une certaine façon d’ailleurs).
« Podium est un évangile burlesque, désopilant,, dément, déjanté et pathétique, hilarant et atroce.
(…) Dans ce monde-là [le vedettariat], Moix nous montre que la principale difficulté tient en un seul mot: exister. »
« Tout est illuminé » de Jonathan Safran Foer (n°85)
J’ai été assez étonnée de découvrir que Beigbeder avait apprécié ce roman que je n’affectionne pas particulièrement bien que je l’ai trouvé intéressant (tout comme un Dave Eggers qui figure aussi dans le recueil, et une allusion à Danielewski que j’ai trouvé en revanche vraiment sans grand intérêt, je vais me faire plein d’amis en disant cela, ha ha !).
Or donc Frédéric nous dit que : « parce que cet effronté anonyme était en train de fabriquer de ses petites mains frêles un torrent baroque et bouffon à la Bellow ou Singer, ni plus ni moins. » Je suis tout à fait d’accord avec sa comparaison avec 100 ans de solitude Marquez dont j’ai décroché aussi.
« Disgrâce » de J.M Coetze (n°86)
C’est encore un très bon choix mais son commentaire est lamentable, à se demander s’il a vraiment lu le livre…
C’est très bizarre… Si l’on comprend bien, pour lui Disgrâce est résumé comme un « manuel de drague », j’exagère mais enfin c’est quand même ce qui occupe les trois quart de ses 3 petites pages sur le roman alors qu’il y avait quand même beaucoup à en dire, sur sa profondeur psychologique notamment. Bref, une réflexion quand même à peu près pertinente : « Ce qui frappe à la lecture de Disgrâce est son laconisme. Il se passe tant de choses en si peu de mots. Coetzee scrute les micro-évènements ridicules qui montrent la vieillesse et la solitude du héros. »
« Hell » de Lolita Pille (n°92)
Le fameux roman de la jeunesse dorée, provoquant et poignant, qui aura suscité autant d’éloges que de fiel (notamment accusé d’avoir été re-writé voire écrit par Frédéric Beigbeder, thèse stupide à laquelle je ne crois pas une minute). Ce texte percutant de la rentrée littéraire 2002 m’avait particulièrement touchée par le mal-être qu’il exprimait (et que j’ai retrouvé en 2009 avec le roman de Sacha Sperling, « Mes illusions donnent sur la cour », un peu moins abouti au niveau de l’histoire néanmoins). Près de 10 ans plus tard, je remarque que c’est l’un des articles qui reste le plus consulté sur Buzz littéraire, le bouche à oreille continuant de fonctionner sur ce petit opus ! Beigbeder qui avait recommandé ce livre à son éditeur Grasset à l’époque revient sur sa découverte en 2002 : « Le texte de Lolita Pille m’a happé il n’y a pas d’autre mot. Elle avait un ton cinglant, une méchanceté sautillante, une façon merveilleusement insolente de décrire la jeunesse dorée de l’Ouest parisien« .
En conclusion il écrit : « Est-ce cela ce que certains nomment « l’énergie du désespoir » ? Je crois que Hell est exactement le contraire : une parabole sur la perte de confiance en soi, sur une génération détruite par l’ironie.«
On sait que l’auteur avait cultivé par la suite des liens amicaux avec la jeune auteure, mais il déplore dans son paragraphe biographique que celle-ci ne lui donne plus de nouvelles et nous apprend que comme Françoise Sagan, elle serait en prise avec l’administration fiscale… Peut-être devrait-elle tenter d’écrire une suite avec un Hell 2 !
« Clémence Picot » de Régis Jauffret (n°95)
Ce roman magistral de Régis Jauffret m’avait fascinée (et glacée) par son ton chirurgical, froid presque détaché pour décrire les actes ignobles d’un personnage féminin (fait rare, le role du psychopathe étant plus généralement masculin mais chez Jauffret ce sont plus souvent les femmes qui sont folles !). Un portrait saisissant et captivant d’une authentique dingue, frustrée et obsessionnelle dans la veine d’une Elfriede Jelinek.
J’avais beaucoup aimé l’écriture organique de l’auteur et sa façon de mettre en interaction ses personnages avec leurs lieux de vie. Beigbeder la compare avec notamment l’infirmière de Misery, ce qui n’est pas sans rapport en effet même si le style n’a strictement rien à voir. Il résume bien l’atmosphère de ce livre hors norme (auxquels certains sont d’ailleurs complètement réfractaires, il faut accepter de rentrer dans ce labyrinthe mental…) : « Clémence Picot est un livre claustrophobique, angoissant, pathétique et injuste, pénible et grisâtre, qui procure un plaisir hypnotique. »
En conclusion, j’ai apprécié de lire ce petit palmarès beigbedérien, exercice toujours intéressant quel que soit l’auteur du reste. Il a le mérite de citer des livres plus méconnus ou oubliés comme Mathieu Terence et son Journal d’un cœur sec ou encore Les locataires de l’été de Charles Simmons. Même si ses remarques sont parfois ineptes (notamment dans sa volonté de résumer en une formule publicitaire la complexité d’un livre et ses comparaisons qui n’ont pas lieu d’être avec Raskolnikov, Roquentin et Bardamu (trio qui revient sans cesse à tout propos). Parmi les lectures que j’entreprendrai peut-être, il y aura sans doute Jean Rhys (mais ça c’était déjà prévu avant même de lire Beigbeder !) mais plus inattendu : le Journal de Kurt Cobain (cela fait longtemps qu’on m’en parle et cela a fini d’aiguiser ma curiosité !). [Alexandra Galakof]
8 Commentaires
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Je n’aurais pas imaginé que "les jeunes filles" de Montherlant puisse figurer dans le palmarès de Beigbeder… Je viens de le lire, et d’écrire sur mon blog combien sa misogynie, qu’on fait souvent passer pour de la misanthropie, m’avait semblé datée… Amusant que Beigbder fasse un lien avec Simone, parce que c’est évident qu’il devait incarner tout ce qu’elle détestait !
Oui c’est vrai que la misogynie de Montherlant peut aujourd’hui apparaître anachronique à l’heure où l’on fustige tout ce qui s’apparente de près ou de loin à du sexisme, un peu comme les personnages de mad men qui fument, draguent et boivent à tout va, à contre-courant de notre époque faite d’interdits !
Néanmoins cette misogynie ne m’a finalement pas paru si datée lorsque j’avais lu ce roman qui m’avait bp marquée il y a quelques années. je crois qu’elle est encore d’actualité même si elle prend d’autres visages (masqués…).
Et derrière ces sentences un peu définitives et exagérées sur les différences hommes/femmes, je trouve qu’il y a pas mal de vrai (éternel débat toutefois)…
Sinon pr en revenir à Beigbeder en fait ce n’est pas très étonnant, il s’inscrit bien ds la filiation de montherlant je trouve (tant par les thématiques que le cynisme un peu provoc’), d’ailleurs son affinité avec matzneff (grand ami de montherlant et aussi un peu son héritier, cf son journal intime "Camisole de flammes" dans lequel il parle de l’auteur dans ses vieux jours et que je te recommande !) le révèle aussi.
bon je lis que tu n’as pas aimé les jeunes filles, moi étrangement, bien qu’il ne soit pas tendre pour mon « genre » :-), j’ai adoré ! je crois que ce que tu soulignes ds ton billet n’est pas étranger au fait que ce livre tombe aujourd’hui en désuétude mais il restera en bonne place ds ma bibliothèque en tout cas !
J’aime la provoc en littérature, pourtant ! Mais là je trouvais qu’elle était d’assez mauvaise foi: le narrateur attaque les femmes, se moque d’elle, et beaucoup de ses observations sont finalement assez justes. Mais ce qu’il cache, c’est qu’au fond il n’est pas attiré par elles. La question de l’homosexualité me paraît latente, et rendrait tout plus clair. Les seules pages où affleure de l’amour, c’est dans celles où le narrateur parle de son propre fils… (et l’ambiguïté y est d’ailleurs tres grande)
(Montherlant lui-même a avoué à la fin de sa vie que la seule personne qu’il ait jamais aimé de toute sa vie avait été un camarade de classe…)
Sinon c’est Christian Bourgois, et non pas "Bourgeois".
(Enfin, c’était… )
Je détestais Beigbeder et me refusais à le lire tant ses jugements dans Voici me semblaient stupides. Il avait déjà publié un ouvrage de ce type que je trouvais à côté de la plaque l’ayant feuilleté chez un ami. Et puis j’ai découvert cet auteur et j’en suis restée sur le flanc, c’était bien supérieur à son image publique. J’ai tout lu de lui en quelques semaines. Tout ce Autour de Beigbeder est plat comparé à ses livres. C’est dommage qu’il se disperse ainsi.
Merci de la correction de la coquille sur "Bourgois".
Alors pour ceux que cela intéresse divers auteurs ont commenté ce palmarès beigbedérien.
J’aime bien l’avis de David Foenkinos :
"C’est sûr que c’est un classement très intime et personnel. Forcément, je trouve qu’il y a de grands oubliés. Je dirais, pour n’en citer que quelques-uns: Romain Gary, Milan Kundera ou encore Albert Cohen. Pour paraître intello, je devrais aussi m’insurger contre l’intolérable oubli de Gombrowicz! Mais ce qui me surprend encore plus, ce sont les absences de Céline et Nabokov. Quoi «Lolita» n’est pas dans le top 100 de Beigbeder? Est-il passé aux femmes mûres?! Faut croire qu’un Matzneff lui suffisait.
En revanche, il y a de nombreux auteurs dont nous partageons le goût, mais je n’aurais pas choisi les mêmes livres. J’aurais pris «Anissa Corto» pour Moix, «Un roman russe» pour Carrère, ou «la Panoplie littéraire» pour Frank. Et surtout pas «Plateforme» pour Houellebecq. C’est un auteur que je vénère, mais il a choisi le seul livre que je trouve un peu en dessous des autres.
Par contre, complètement d’accord pour Philip Roth dont «Un homme» est mon livre préféré. Je préfère Roth quand il parle des femmes, de la vieillesse, plutôt que dans son ambition de raconter l’Amérique. Pour le reste, j’adore l’idée de faire un top de ses goûts (comme le personnage de «High Fidelity») et ça me donne envie de découvrir plein de textes que je ne connais pas. Ou disons plutôt: je me rends compte de mon inculture !"
Source : Le Nouvel Obs
http://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire-2011/20110907.OBS9925/le-best-of-de-beigbeder-ca-se-discute.html
entre autres, Iphigénie d’Homère, L’art d’aimer d’Ovide, des livres mystiques, des apocryphes jusqu’à nos jours.
La plupart de ces textes sont offerts sur la toile en téléchargement gratuit, c’est un petit miracle.
bcs.fltr.ucl.ac.be/slinf4…
Et puis Antigone revue par Anouilh, Ondine de Giraudoux, bref des pièces de théâtre.
Je sauverais des scénarios de Tarkovski en passant par Chaplin, Audiard, Capra, et tant d’autres. Ce sont aussi des livres pour moi.
Désolée pour l’intervention peut être de trop, mais cela me démangeait car qu’est-ce qu’un livre?
Je sauverais de la littérature pour enfants bien sûr.
Je sauverais des poèmes!!!! Je sauverais les poètes, tant oubliés.
Un monde sans poésie ne peut pas vraiment se sauver de l’apocalypse.
Je tenterais de sauver La vie en rose… Des recueils de textes de chansons.
Je me contrefous que ces textes soient gravés sur de la pierre ou sur une disquette d’ordi. J’espère surtout que des annales akashiques existent ainsi que d’immenses bibliothèques de l’astral. Quitte à rêver…
Cf, article du NOuvel Obs : non seulement je suis d’accord avec Foenkinos (comme Alexandra)mais aussi avec Catherine Millet par certains endroits et Philippe Sollers pour l’aspect rebelle et provoc. Je ne comprends pas, en revanche, l’irascibilité de Pierre Jourde, son mépris global qui entoure son atroce commentaire sur Lolita Pille : je le trouve d’une arrogance et d’une gratuité sans nom.
Frédéric Beigbeder – et c’est un bon point dont on ne parle pas, à tort – a visiblement fait changer le bandeau rouge qui entourait son roman : Fin août, on voyait partout sur le net "mes 100 coups de coeur" et c’est quelque chose qui m’avait assez surprise sachant que Frédéric Beigbeder demande à ses chroniqueurs du Cercle de ne jamais employer cette expression, sans doute parce qu’elle est d’une beauferie sans nom, il est vrai, et si peu littéraire. Le bandeau a donc changé et enfin, l’on peut lire ceci plus en accord avec sa démarche : "Mes 100 livres préférés(pour le prix d’un). C’est bien de cela dont il s’agit : ses livres préférés en version papier, à 75%, ce nouvel ouvrage emporte mon adhésion
Hier soir, Frédéric Beigbeder était chez Ruquier et sauf les 10 premières minutes passées, qui correspondent au pourquoi du comment de la préface profondément démagogique et artificielle, qui, à mon sens, lui sont en tous points semblable, (à la préface) le reste de la prestation télévisuelle est très intéressant. Je suis à la fois d’accord avec Pulvar et Polony, ce qui prouve l’éclectisme (inégal par endroits) de l’ouvrage.
Les goûts (littéraires) se discutent-ils donc ? !! J’aurais aussi rajouté Joyce, Kundera, Faulkner, des auteurs plus classiques, on se demande effectivement pourquoi Jauffret est cité trois fois, ou pourquoi deux oeuvres d’un même auteur sont au même classement (détails), je n’aurais certainement pas mis "American Psycho" en première ligne, je n’aurais certainement pas choisi des romans cités pour certains auteurs mais d’autres (pas "plateforme" pour Houellebecq" mais "les particules élémentaires"), j’aurais vraiment squizzé Grégoire Bouillier, et rapproché du haut de la pile Jean Rhys ET COetzee. Quant à Dawn Pwell, et Viktor Pelevine, je ne les ai jamais lus. Je ne sais pas qui c’est. Quelqu’un connait ? Cela vaut le coup ? VOIlà, je respecte cette subjectivité mais je trouve certains choix contestables. Et surtout je me serais volontiers passée de cette préface, car même si son contenu est assez bouleversant de sincèrité, il n’en est pas moins complètement erroné. Il est à l’image du donquichottisme de Frédéric : Je n’ai aucune inquiétude, le livre papier ne disparaîtra jamais.
Car les gens qui lisent, écrivent, achètent des livres papiers continueront d’agir de la sorte.
SImplement, le livre numérique non seulement ne me gene nullement mais il est une chance pour l’imprimé : car il va précisément contribuer "à accomplir le rêve des Lumières, celui d’un savoir accessible à tous. Et les bibliothèques devenir le meilleur allié de la révolution numérique en cours"
(Entretien avec RoBERT Darnton, historien américain du livre et Annick Cojean – Le Monde du 15 janvier 2011)
http://www.telleestmatele.com/ar...