Le 16 Mars dernier, au cours du salon du livre 2012 à Paris, Delphine de Vigan, l’auteur phare de la rentrée littéraire de septembre 2011 avec son roman, « Rien ne s’oppose à la nuit », participait à une conférence sur le thème « Ecrit-on un film comme on écrit un roman ? ». Elle explique son travail d’écriture et dévoile son projet de film en cours. Compte-rendu :
A propos de l’écriture scénaristique et de son projet de film en cours :
Delphine de Vigan travaille actuellement sur un projet de cinéma qu’elle pilote : le film « A coup sûr ». Le sujet ? « Brocarder cette société où il faut toujours être au top de tout. »
Elle en a assez de cette injonction d’être heureux, d’être épanoui, performant sexuellement. Elle avait envie de dire des choses personnelles sur le sujet. Elle a une idée très précise des acteurs et veut leur faire vivre « des améliorations de situations de la vie courante ».
Au niveau de la création en elle-même, il s’agit d’un ping-pong permanent, entre les idées qui jaillissent et l’écriture proprement dite. Elle a trouvé la bonne personne avec laquelle travailler.
Elle garde un très bon souvenir de « Tu seras mon fils » de Legrand et de leur complicité co-écriture . »
« A coup sûr » reste son bébé : « Je n’ai aucune envie que quelqu’un d’autre s’en empare pour en faire une comédie formatée et n’envisage pas que le film soit réalisé par quelqu’un d’autre. Pas envie d’être étiquetée. Ce sera un film d’auteur, avec une prise de risques importantes« , précise-t-elle.
Elle se jette dans la réalisation tête baissée et plonge dans le grand bain bouillonnant de la réalisation : « Il faut savoir s’entourer et être humble » dit-elle.
La vision globale du projet lui est apparue en avançant dans l’écriture.
L’héroïne sera vraisemblablement une jeune femme de 28 ans, issue du café-théâtre. Si le projet se réalise, le tournage se fera à l’automne, et il y aura une série de personnages secondaires. Reste à trouver un distributeur. Elle assure que c’est plutôt en bonne voie. « A coup sûr » sera un film bavard. Jusqu’à présent l’écriture cinématographique la plus convaincante fut celle de « No et moi », porté à l’écran par Zabou Breitman. « J’aime le cinéma pour la culture de l’image : celle-ci m’est venue par le biais de la BD et par les films au cinéma que j’allais voir quand j’étais enfant avec ma mère. »
Elle comprend très bien que des écrivains se mettent avec bonheur au cinéma et veulent porter leurs romans à l’écran, en participant à leur réécriture. Elle aime bien Philippe Claudel, son écriture scénaristique.
A propos de l’écriture de ses romans :
L’écriture prend des formes différentes mais l’écriture romanesque reste plus importante, plus vivifiante que le reste. Il lui faut un long temps d’incubation, de recherche, de distance avec le précédent roman, pour parvenir à composer un ensemble d’idées. L’impulsion est très différente de celle qui conduit à écrire un scénario. « Au cinéma, j’ai besoin de l’image, et besoin du comique. J’ai besoin du visuel, aucune scène montrée à l’écran n’en remplace une autre. » Elle ajoute : « J’éprouve de plus en plus le besoin de raconter des histoires, et je n’ai pas envie d’avoir des étiquettes. Aujourd’hui, il reste plus facile de se réaliser. » En ce qui concerne le choix d’un sujet autobiographique, elle commente : « Il est aussi personnel et parfois douloureux de mettre de soi dans un film ou dans un livre. »
Elle attache beaucoup d’importance à l’intériorité des personnages et se méfie de ce qui est trop bavard, trop démonstratif. « Concernant le roman, j’ai toujours beaucoup à apprendre. » estime-t-elle
Au sujet de l’écriture du fameux «Rien ne s’oppose à la nuit », elle la décrit comme « une expérience assez ingrate » : « J’ai eu l’impression de faire Paris-Strasbourg à plat ventre ! Mais je pourrais en dire autant, à peu de choses près, pour tous les romans. Je fus très seule. Ce fut très long, très opaque, je ne le faisais lire au fur et à mesure qu’à mon éditrice.«
Malgré tout, elle tenait à ce parti-pris de subjectivité : « Je me sens délivrée de ce livre : il y avait une grande dimension personnelle et émotionnelle. Oui, je ressens une libération énorme. »
Elle explique avoir écrit cette œuvre comme un hommage à sa famille « qui fut, par ma faute, très surexposée, et très seule. » Une surexposition qui l’a contrainte à un moment donné, « à arrêter tous les médias. »
Depuis, elle observe, par rapport à ce livre, une forme de repli. Elle exclut pour l’instant totalement toute adaptation au cinéma. « C’est le renoncement total. » déclare-t-elle.
Pour finir, elle indique que si elle ne devait importer qu’un seul livre avec elle, et pour toujours, ce serait «Vendredi ou les lymbes du pacifique » de Michel Tournier. [Propos recueillis par Laurence Biava]
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