Le chameau sauvage est le premier roman devenu culte de Philippe Jaenada et ayant remporté le prix de Flore en 1997. Ce grand admirateur de Brautigan et Bukowski est l’un des précursueurs de ces romans générationnels dits de trentenaire à la française/parisienne, dans la veine d’Haute fidélité, et moins trash que Djian, qui influence toujours les jeunes auteurs comme par exemple Romain Monnery qui s’inscrit dans le même sillon.
Prenez un jeune parisien, un peu paumé, un peu glandeur : Halvard Sanz, savant mélange de Pierre Richard et de Buster Keaton, piètre traducteur, pas très doué pour les histoires d’amour ni pour réparer son radiateur. Mêlez y un destin capricieux, qui jonche son parcours initiatique de rencontres et d’incidents tous plus rocambolesques les uns que les autres : une banale panne électrique se transforme en garde à vue, une tranquille promenade en cavale, un dîner en orgie…
Ajoutez l’indéboutable énergie du héros, toujours prêt à philosopher (« Ne désespérez jamais, mais ne vous enthousiasmez pas trop vite ! ») et à rationaliser les aléas de cette sacrée « roue du destin » qui place par exemple un soir sur son chemin : l’énigmatique Pollux Lesiak (des noms de baptème savamment choisis !). « Une fille toute seule assise, qui reçoit une bassine d’eau glacée sur la tête, je sentais que c’était mon genre« , se dit alors Halvard immédiatement sous le charme. Même si cette fille vous demande » si vous n’avez pas une idée derrière la tête » lorsque vous lui proposez de venir se sécher chez vous. « LA question piège qui tétanise un homme ! » apprend-on tout sourire.
Une fille qui s’évapore aussi mystérieusement qu’elle était apparue. Plongeant Halvard dans une quête urbaine impossible de cette jeune inconnue. Mais fort de sa devise « on croise toujours deux fois les gens qui nous intéressent » (rappelons nous que nous sommes encore à l’heure pré Internet et qu’il s’agit ici de vraies rencontres du hasard!), il réchappera d’une petite amie hystérique, d’une passante psychopathe, d’une période nympho, pour finalement retrouver sa dulcinée…, tel un chevalier des romans courtois modernes surmontant toutes les épreuves pour gagner le coeur de sa Dame !
Une épopée romantique, assaisonnée de beaucoup de parenthèses, sa marque de fabrique !, qui doit tout son charme au talent de narrateur de Jaenada, incarnation touchante de la maladresse masculine. Impossible de résister aux cogitations surréalistes d’Halvard. Qui réfléchit par exemple lors de sa première nuit d’amour avec la belle Pollux sur « le moyen le plus raffiné pour la rejoindre au lit« , alors qu’il avance vers elle « aussi à l’aise qu’une momie« … Ou qui s’extasie devant « la chair molle » des femmes et de leurs plis : ces traits roses pâles qui révèlent leur fragilité et leur douceur. De quoi faire fondre les plus dur(e)s à cuire !
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Secret d’écriture du Chameau Sauvage (extraits interview Philippe Jaenada):
« Quand j’ai écrit « La Chameau sauvage », que je me suis libéré. J’ai écrit au plus proche de ce que j’étais. J’essaie d’être fidèle à ce que je pense. Je me suis débarrassé des effets de plumes pompeux. Et c’est là que j’ai pensé utiliser ma technique de la parenthèse, qui est devenu ma marque de fabrique. Ce n’est pas une pose. C’est naturel. J’essaie de ne pas en abuser. Mais c’est mon moyen de m’exprimer. Ça donne plusieurs niveaux de lecture, ou couleurs, comme en peinture. J’ai l’esprit d’escalier… »
« Pour le premier livre publié (i.e Le chameau sauvage), je m’étais enfermé à la campagne et ai donné des centaines de pages en huit mois. »
3 Commentaires
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Non non, il n’est pas FERMé!
seulement 20 pages lues… et déjà plus envie de le quitter !!! donc lecture de ce soir sous la couette… quoi de mieux par ce temps de froidure ?