Dans une interview de 1957 donnée au journal l’Express, l’écrivain Louis Ferdinand Céline, à l’occasion de la publication de son roman « D’un château l’autre », se livrait sur l’art d’écrire, sur le style en particulier qui à ses yeux est primordial tandis que l’histoire n’occupe qu’une place mineure. Le tout avec sa verve aussi légendaire que scandaleuse !
« On parle de « messages ». Je n’envoie pas des messages au monde. L’Encyclopédie est énorme, c’est rempli de messages. Il n’y a rien de plus vulgaire, il y en a des kilomètres et des tonnes, et des philosophies, des façons de voir le monde… »
« Je suis un styliste, si je peux dire, un maniaque du style (…). [J’ai inventé] une certaine musique, une certaine petite musique introduite dans le style, et puis c’est tout. L’histoire, mon Dieu, elle est très accessoire. C’est le style qui est intéressant. Les peintres se sont débarrassés du sujet, une cruche, ou un pot, ou une pomme, ou n’importe quoi, c’est la façon de le rendre qui compte.
(…) Je suis un petit peu différent. Alors que tous ces autres qui se croient très différents, ils ne le sont pas du tout. Il y en a plein l’Encyclopédie, des autres. »
A la question des « lecteurs qui achètent votre livre à cause de l’histoire », il retorque:
« Ça, c’est la mercière. Quand vous n’avez pas atteint la mercière, vous n’avez pas atteint les grands tirages. (…) Tout cela, ça existe, c’est l’histoire, la bonne histoire. En un mot, c’est la série noire, c’est le fait divers (…), un peu brodé. Ça, ça intéresse le public. Le public s’intéresse à la voiture, à l’alcool et aux vacances. (…) Et le cinéma fait le reste. On apprend à vivre au cinéma. Et puis vos journaux instruisent sur la vie. Aujourd’hui on ne va pas lire Balzac pour apprendre ce que c’est qu’un médecin de campagne ou un avare. On trouve ça dans vos journaux, dans les hebdomadaires. Les jeunes filles apprennent la vie dans les hebdomadaires et au cinéma. Alors, qu’est ce que vient foutre un livre? Avant on y apprenait la vie, dans un livre. C’est pourquoi on empêchait les jeunes filles de lire les romans. Les maris surveillaient les lectures de leurs femmes. Mais maintenant les bonnes histoires, il y en a plein dans les journaux: sur l’infirmerie spéciale du dépôt, sur l’asile d’aliénés, n’importe quel canard bien fait en contient mille. Ça ne présente aucun intérêt pour la littérature, c’est le sujet.«
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