L’adaptation allemande au cinéma du sulfureux roman « Les Particules élémentaires » (voir la chronique et l’analyse détaillée du roman « Les particules élémentaires ») de l’écrivain français Michel Houellebecq, version soft de ce réquisitoire amer contre le désenchantement affectif et sexuel de l’homme occidental, a reçu un accueil mitigé samedi 11 février 2006 à la Berlinale. Le cinéaste Oskar Roehler a rassemblé quatre très bons acteurs allemands de la nouvelle génération pour relever le défi de porter à l’écran ce roman très controversé qui a connu un succès inespéré en Allemagne.
On retrouve notamment l’actrice Franka, vue dans Cours Lola cours et La mémoire dans la peau, dans le rôle d’Annabelle, l’amour d’enfance du personnage de Michael.
Ce film en compétition, au scénario grave mais pas aussi désespéré qu’on l’attendait, a été applaudi. Même si certains pourront déplorer une version trop « soft » de cette histoire de solitude, de frustration et d’obsession sexuelle, voire une trahison par rapport à l’inspiration de l’écrivain. (…) Les images demeurent, à quelques brèves exceptions, plutôt douces, comme la scène finale où les héros prennent le soleil sur les pliants au bord d’un lac.
Le cinéaste allemand a expliqué à la presse que « rendre le caractère pornographique du livre n’était bien sûr pas possible à l’écran« , pas plus que de restituer « l’épilogue complètement fataliste » du roman ». Même s’il partage le pessimisme de Houellebecq, a confié Roehler, qui a déjà tourné des films durs sur la société moderne comme « Der alte Affe Angst » (« Le vieux singe de la peur ») en 2002.
Difficile en effet de restituer le contenu des « Particules élémentaires », le livre qui analyse sans tabou les excès du sexe, et ambitionne d’expliquer quasi-philosophiquement les souffrances de la génération des soixante-huitards et post-soixante-huitards, en dénonçant les déceptions résultant de Mai 1968 et de l’émancipation des femmes, qui, selon la thèse de Houellebecq, a créé un déséquilibre entre les sexes.
Le pitch : Michael (Christian Ulmen) et Bruno (Moritz Bleibtreu), deux demi-frères, que leur mère hippie a oublié d’élever, cherchent chacun à leur manière à combler leur inquiétude sur le sexe. Le microbiologiste Michael fait des recherches pour parvenir à une reproduction par clonage et sans contact sexuel. L’enseignant Bruno assouvit un désir insatiable dans les bordels.
Mais, dans leur univers l’un asséché, l’autre dévasté, les deux vont trouver un vrai amour, Michael avec Annabelle (Franka Potente), une ancienne camarade de classe qui réussit à l’arracher à ses théories scientifiques, Bruno avec Christiane, une femme rencontrée dans un camp de vacances, merveilleusement campée par Martina Gedeck. Ces amours survivront au delà de la maladie ou du suicide de l’une et de l’autre.
Ce sont peut-être ces quatre acteurs au jeu harmonieux, la beauté soignée des décors urbains et campagnards, qui ne donnent pas à ce film le ton désolé qui semblait mieux convenir à une interprétation de Houellebecq.
« Nous n’avons pas voulu reprendre la morale de Houellebecq« , a ajouté le cinéaste allemand qui n’a pas pu prendre contact récemment avec l’écrivain, injoignable. Il l’a certes rencontré auparavant, mais il n’était pas question de lui montrer le film. « Son opinion de lui-même ce jour-là était celle d’un homme assis dans son coin qui paraissait comme momifié », a-t-il confié récemment dans une interview. Le réalisateur affirmait d’ailleurs avant même la projection : « Nous nous sommes rapidement rendu compte que le livre n’était pas adaptable à la lettre ». Le refus de Houellebecq de participer à l’adaptation a compliqué la tâche au co-producteur Oliver Berben qui a déclaré « pouvoir écrire un livre entier sur les cinq ans passés à négocier avec lui » avant de pouvoir commencer le tournage…
Le producteur Bernd Eichinger (qui a produit l’an dernier « La Chute », le film sur les derniers jours de Hitler) a expliqué quant à lui que le scénario « n’a pas été arrêté en accord » avec l’écrivain français, qu’il n’a jamais rencontré.
Le film pourrait pourtant bénéficier d’un bon accueil, notamment en Allemagne. L’an dernier Houellebecq avait remarqué: « Les Allemands ont été les premiers à me prendre au sérieux« .
Précédemment l’adaptation signée Philippe Harel du premier roman de Houellebecq, Extension du domaine de la lutte souffrait déjà des défauts qui semblent être reprochés aujourd’hui à la version cinéma des Particules élémentaires. Pourtant, Houellebecq avait participé avec Harel au scénario d’Extension…
Ne reste plus qu’à voir ce que l’écrivain réalisera lorsqu’il sera seul aux commandes de l’adaptation de « La possibilité d’une île ».
Source : AFP
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C’était aussi Harel qui devait à l’origine réaliser l’adaptation des particules, il s’est fait damer le pion par les allemands…