Annie, lectrice d’édition, partage sa lecture enthousiaste de La Cité des Amants perdus » de Nadeem Aslam (que l’auteur a mis 11 ans à écrire !), une tragédie sur fond de tradition islamique pakistanaise au Nord de l’Angleterre d’aujourd’hui :
On dit que le coeur est le premier organe à se former et le dernier à mourir
J’ai beaucoup aimé « La Cité des Amants perdus » de Nadeem Aslam paru au Seuil début 2006. Le lent déroulement des saisons soutient l’histoire d’une famille pakistanaise emblématique qui vit dans une ville du nord de l’Angleterre, avec, en toile de fond la disparition énigmatique de Jugnu, entomologiste de son Etat et de sa compagne Chanda qui vivaient en couple sans être mariés.
A travers Shamas, son frère et Kaukab la femme de ce dernier, nous explorons les tourments de cette famille ; nous comprenons comment un islam perverti, vécu au pied de la lettre, mène au meurtre et au malheur de toute une communauté et particulièrement des femmes : répudiation (il suffit que le mari prononce trois fois la phrase « je te répudie » !), châtiments corporels pouvant conduire à la mort si la jeune fille tombe amoureuse d’un garçon que les parents n’ont pas choisi, etc…
Nadeem Aslam nous emmène au Pakistan, son pays, il nous fait découvrir la littérature ourdoue et persane qui a bercé son enfance, mais aussi la mentalité, les mœurs, la façon de vivre (la cuisine, les plantes…). Son livre est rempli d’odeurs et de saveurs, sa prose est pleine de poésie, telle cette phrase : « Un glaçon se détache du toit, poignard lumineux qui tombe, s’écrase sur la marche de pierre aux pieds de Shamas et se transforme en poudre blanche, comme des cristaux de sucre qui perdent leur transparence quand on les écrase… » et de nostalgie du pays perdu. A propos de Kaukab, l’auteur écrit : « Comparé à l’Angleterre le Pakistan est un pays pauvre et humble mais elle souffre d’en être séparée, car avoir soif c’est aspirer à un simple verre d’eau qu’aucun lait, si riche fut-il ne saurait remplacer… ». Beauté et violence se mêlent intimement et font de ce roman, une grande œuvre.
Nadeem Aslam a d’ailleurs reçu les éloges du très grand auteur qu’est Salman Rushdie. La Cité des amants perdus, sélectionné par le Booker Prize, a été un événement littéraire en Grande-Bretagne. [Annie Gagnerot, lectrice d’édition]
1 Commentaire
Une très belle tribune libre qui respire la douceur. J’aime la façon dont vous avez transposé l’âme du roman dans ce brève descriptif. Merci Maman Annie !