« Pauvre Sagan ! », tel est le titre du billet d’humeur signé Nelly Kaprièlian dans le dernier numéro des Inrockuptibles qui livre sa déception à la vue du film tant attendu de Diane Kurys sur le « charmant petit monstre » interprété par une Sylvie Testud plus ressemblante que nature. La critique littéraire déplore notamment l’absence de fond, d’épaisseur artistique du personnage qu’était Sagan, avant d’être une femme frivole, légère aimant conduire des bolides et boire des vodkas dans des cocktails mondains…
De son talent d’écrivain, de sa sensibilité littéraire, il semblerait que la réalisatrice ne retienne rien, si ce n’est quelques vagues allusions au fait « qu’elle n’arrive pas à écrire« , rapporte Kaprièlian dépitée. C’est « une Françoise Sagan de folklore pour musée Grévin« , résume-t-ele.
Il est vrai que faire exister le talent littéraire, l’art d’écrire, l’inspiration, à l’écran n’est pas chose aisée mais, rappelle-t-elle les cinéastes américains y sont pourtant arrivés. Et de citer en particulier le biopic sur « Truman Capote » qui retrace l’écriture de son célèbre roman « De sang froid ». Elle rappelle au passage que les éditions Julliard ont eu la bonne idée de ré-éditer bon nombre de ses oeuvres, un peu tombées en désuétude.
Le critique ciné des Inrocks, Jean-Baptiste Morain, analyse, lui, le film, avec autant d’amertume :
« (…) Diane Kurys, comme beaucoup de gens, semble considérer que la littérature est l’art de la formule. D’où cette pénible voix off qui nous gratifie à l’occasion (sans qu’on sache pourquoi) de quelques citations mal choisies de Sagan, suites de consternantes idées reçues sur la vie, l’amour, la mort, la solitude, la littérature, la coiffure… Mais l’écrivain Sagan n’est pas là, pas dans ses bons mots justement, mais dans ses creux, ses moments faibles, dans le mouvement parfois maladroit de la langue, dans ses soi-disant fautes de français, dans ce repli des mots où se dit l’indicible. Sagan, sans charme, sans sexualité (on la voit vivre avec des femmes et épouser des hommes, mais jamais coucher avec qui que ce soit), sans intelligence, sans style, qu’est-ce, sinon une marionnette maquillée comme un carré d’as ? »
De son côté Télérama, plus indulgent, fait un constat assez similaire :
« Connaît-on mieux Sagan au terme de ce portrait parcellaire mais bien senti ? Pas sûr. Diane Kurys s’attarde trop sur sa déchéance, et on ne sent pas toujours, malgré une voix off « verbatim », la grandeur de l’écrivain qu’elle fut. Il faut croire, pour reprendre le slogan-alibi (piqué à Oscar Wilde) de tant de biographies d’artistes, que sa vie était sa plus grande oeuvre… »
La réalisatrice expliquait comment elle a travaillé son portrait de l’auteur d’Aimez-vous Brahms: « J’ai voulu la montrer dans son ambiguïté, à la fois proche, humaine et totalement imprévisible. Je n’ai pas cherché à la rendre meilleure qu’elle n’était, j’ai seulement voulu la rendre vraie, en essayant de m’approcher au plus près. Elle était généreuse, passionnée, passionnante et elle pouvait être un monstre d’égoïsme, elle était lâche aussi, parfois. Faire le portrait de quelqu’un, c’est aussi faire un portrait de soi-même. »
Lire la chronique de « Bonjour tristesse » de Françoise Sagan
2 Commentaires
je viens de le voir, c’était bien mais c’était pas marrant marrant!
C’est vrai que c’est la vie de la femme et pas de l’écrivain qui est explorée, du coup en rentrant je me suis commandée ses bouquins sur Price pour me faire une idée. D’un autre côté, sa vie a été tellement romanesque que ça prend légitimement beaucoup de place. A mon avis, le téléfilm de 3h lui rend davantage justice mais en attendant, j’étais contente de découvrir le personnage 😉
J’ai été bluffée par l’interprétation totalement magique de Sylvie Testut, quel talent ! J’ai 57 ans j’ai suivi la vie de "Minou" et c’est dommage que Diane n’ait pas insisté davantage sur son talent littéraire, sur sa vie bien plus joyeuse qu’on peut le croire dans son film, on ne retrouve pas bien la légèreté si naturelle de Françoise Sagan, on ressent une espèce de stress permanent…. une tristesse infinie…. peu d’amour, pas de sexe ; bon fim, magistralement interprété par Sylvie… un peu trop loin d’une réalité.. voulue, cachée par Diane Kurys ???