Les attentats du 11 septembre sont devenus une source d’inspiration (et peut-être même un genre ?) littéraire à part entière. Cataclysme physique et moral, traumatisme humain, remise en question personnelle ou familiale… : les écrivains américains et un français (Frédéric Beigbeder pour ne pas le nommer avec son poignant et original « Windows on the world ») en ont exploré les retentissements à travers des fictions personnelles ou mettant en scène la société américaine face à ses démons. La dimension historique ou géopolitique a, elle, été laissée de côté jusqu’à présent au profit d’une littérature axé sur le ressenti émotionnel, ont pu regretter certains critiques, toujours avides, malheureusement, de « littérature messagère ».
Les thèmes convoqués touchent à la perte, le non-sens de la vie, de la superficialité matérialiste, le dépassement face à la massivité de cet évènement ou encore les valeurs mystiques et métaphysiques qui réinventent la tragédie de l’intime.
Dans le sillage de Jonathan Safran Foer (« Extrêmement fort et incroyablement près ») et de Jay McInerney (« The Good life » traduit par « La belle vie » en français) qui imaginait le destin de deux couples post-attentats du 11 septembre et leur envie de repartir d’un « ground zéro » sentimental, d’autres auteurs se sont distingués tel Don DeLillo avec « Falling Man » (« L »homme qui tombe » en français). « Ce n’était plus une rue mais un monde, un espace-temps de pluie de cendres et de presque nuit. » : ainsi débute son roman dont le titre représente un fantôme, un type en costume, harnaché, suspendu qui se lance d’immeuble en immeuble restant insaisissable pour la police. Une présence-absence qui donne corps aux stigmates et aux souvenirs que doivent exprimer les survivants. Pour vivre. Comme Keith Neudecker le héros (qui vivra une aventure avec une autre rescapée du drame pour tenter de conjurer ce monde hanté par le souvenir de l’horreur et des disparus) et son ex, Lianne, c’est l’occasion de scruter leur propre vie, à l’aune de fracas collectifs. Un roman de catharsis.
Un catharsis à laquelle répond celle de Siri Hustvedt dans « Elégie pour un américain ». De retour à New-York après l’enterrement de leur père, dans le Minnesota, Erik Davidsen, psychiatre divorcé, et sa soeur, Inga, veuve dévastée et récente d’un écrivain célèbre, découvrent une lettre, adressée il y a longtemps au défunt. Ils y découvrent que leur père aurait été impliqué dans une mort mystérieuse. Et la romancière plutôt que d’enquêter, de psychanalyser les deux personnages, ainsi que ceux qui gravitent autour d’eux, révèle leur part obscure.
« La route », Prix Pulitzer 2007 du géant des lettres américaines, Cormac McCarthy s’avère, lui, un roman apocalyptique. Les USA sont en cendres après une catastrophe non précisée, et c’est ici le récit d’une errance sans but d’un homme et de son fils, qui semblent être les seuls survivants. Aussi réaliste que métaphorique, la critique a particulièrement plébiscité la poésie de ce chef d’œuvre.
Dernière parution : « Les enfants de l’empereur » de Claire Messud qui nous entraîne dans le milieu « intello-branché » de New-York, juste avant 2001. Et nous fait partager les rêves de 3 amis intimes : la belle Marina, qui, à 30 ans, vit toujours chez ses parents et travaille à « son livre », Danielle, réalisatrice télé et Julius, critique littéraire. Mais il y a aussi le père de Marina journaliste engagé et figure charismatique de l’intelligentsia new-yorkaise, puis le jeune cousin de Province, Bootie, idéaliste en pleine déroute, et enfin le séduisant Ludovic, objet de toutes les convoitises et manipulateur né. A ce microcosme trendy, Claire Messud ajoute le personnage principal du livre : New-York. Et fait monter la pression jusqu’au jour fatidique du 11 septembre où la mégapole meurtrie à l’unisson des 6 personnages, ne sera plus tout à fait la même.
A lire aussi : Les romans du 11 septembre de la rentrée littéraire de janvier 2009
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