Passion simple d’Annie Ernaux : « Le sens de cette passion est de ne pas en avoir »

Dans Passion simple, Annie Ernaux est claire dés le départ: le sujet de son œuvre ce sera Elle, sans mascarade, sans fards, sans pseudo transposition artificielle, tout juste des noms, des lieux masqués pour préserver son entourage et l’usage assumé du « je ». Elle déplore aussi à la fin de « Passion simple » : « (…) il est possible que l’obligation de répondre à des questions du genre « est-ce autobiographique ? », d’avoir à se justifier de ceci et cela, empêche toutes sortes de livres de voir le jour, sinon sous la forme romanesque où les apparences sont sauves. » En effet, il est de bon ton en France -et ailleurs (cf. Rachel Cusk avec « Aftermath »)- de dévaloriser, d’attaquer, d’insulter la littérature intimiste, rebaptisée par ses détracteurs « nombriliste » (et autres qualificatifs oiseux). Combien de pseudo critiques avons-nous lu, utilisant ce critère sexiste comme argument définitif pour juger de la qualité d’un livre, alors que tant de chefs d’œuvre viennent les contredire… ?
Comme si la littérature était affaire de sujet avant le style, comme s’il y avait des règles…
annie ernaux passion simple analyse critique et extraits citations

Malgré le préjugé dépréciateur, elle jouit aujourd’hui -après malgré tout avoir longtemps dû affronter la réticence des milieux lettrés- d’une grande reconnaissance et respect (fait amusant, y compris auprès des allergiques à l’autofiction !), ce qui est encourageant pour la littérature.
A son sujet on parle d’écriture « transpersonnelle » (comprenez qui dépasse le personne pour toucher à l’universel), d' »auto-sociobiographie » (selon son expression) ou encore « d‘intertextualité« .
Objet de nombreuses thèses universitaires, elle est aussi reconnue à l ‘étranger, y compris au pays du storytelling, les Etats Unis qui lui ont témoigné un bel intérêt. Elle fait ainsi partie du club très fermé des auteurs français qui ont réussi à se faire connaître outre Atlantique.

Passion simple publié en 1991, alors que l’auteur a déjà 5 romans à son actif dont « La place » lauréat du prix Renaudot en 1984 fait l’objet d’une controverse et est rejeté par une partie de la critique. A son sujet, l’auteur se souvient : [Comme] c’est une femme qui écrit. On s’est écrié: «Mon dieu c’est obscène! Une femme qui parle du sexe! Il n’y a pas d’émotion là-dedans.» A l’époque, ça causait un effet de surprise. Aujourd’hui, je ne pense pas que l’effet serait le même.

Difficile de qualifier ce drôle de petit livre, ovni littéraire, audacieux dans sa forme et sur le fond qui désarçonne. Autofiction (terme honni par l’auteur*!), autobiographie, journal, documentaire romanesque, compte rendu sensible ? L’étiquette n’a probablement pas d’importance, même si elle confie que son journal tenu pendant les faits lui a servi de base à son écriture. Ce dernier a d’ailleurs été publié partiellement sous le titre de « Se perdre », « afin de montrer la différence entre les deux » dit-elle (entretien 2010, Bibliothèque Pompidou).

Je est un autre

Ernaux parle d’elle, mais à l’écrit elle devient, malgré le « je », une Autre par la magie du dédoublement qu’implique l’écriture littéraire. La littérature ce n’est que cela après tout : une (re-)création de la réalité y compris de son identité (ce que les experts nomment le « réalisme signifiant » et « réel »).
Elle semble s’observer comme un objet curieux, se plaçant à distance d’elle-même (facilitée par la distance temporelle entre le vécu et le temps de l’écriture qu’elle souligne à plusieurs reprises) pour mieux toucher à une certaine vérité, objectivité ?. C’est ce qui donne cette texture particulière à sa prose. A la fois clinique, froide, presque chirurgicale une impression renforcée par ce que la critique a défini comme son « écriture plate » ou « blanche », « sèche », « factuelle » selon ses termes, minimaliste, favorisant l’économie des mots. Relativement dépourvu d’affect, son court récit des « faits amoureux » est pourtant d’une grande profondeur.

Anatomie d’une femme sous l’emprise de la passion

Dans la lignée de Marguerite Duras, le projet d’Ernaux est ici de chercher à comprendre cette créature mystérieuse qu’est une femme sous l’emprise d’une passion charnelle, d’un homme. A travers ses mots qui semblent s’étonner parfois de cet état qui assiège, colonise l’être à son insu, elle décrit par fragments, souvenirs, flash back, les gestes, sensations, tourments, pensées et obsessions qui l’habitaient.
L’attente impérieuse, insatiable, les montagnes russes émotionnelles, l’intensité dont se pare chaque menu détail, la dévotion quasi fétichiste (« J’aurais voulu conserver tel quel ce désordre où tout objet signifiait un geste, un moment, qui composait un tableau… »), la sublimation de l’autre (dont le portrait succinct qu’elle brosse de lui le rapproche davantage du beauf gougeât et égocentrique) l’humiliation, l’aveuglement, les conjectures sans fin, la perte de la raison à la fois voulue et subie.

On s’amusera au passage des « signes » de l’époque où le téléphone, grand instrument des passions amoureuses, est ici… à fil, alors que le téléphone portable n’avait pas encore fait son apparition, ce qui modifie le rapport à l’attente et assigne l’amoureux(se) à domicile et… l’homme adultérin aux cabines téléphoniques !
« Je n’avais pas d’autre avenir que le prochain coup de téléphone fixant un rendez-vous, éviter de sortir craignant toujours de manquer un appel ».
« Je recommençais d’attendre un appel, avec de plus en plus de souffrance et d’angoisse au fur et à mesure que s’éloignait la date de la dernière rencontre. De la même façon qu’après les examens autrefois, où plus je m’éloignais de l’épreuve et plus j’étais certaine d’être recalée, plus les jours se succédaient sans qu’il m’appelle, plus j’étais certaine d’être quittée. »

Mais cette passion -avec un homme marié- qui semble plutôt à sens unique est bien cruelle. La femme-maîtresse attend, l’homme dispose. Utilisée pour quelques moments éphémère de plaisir physique, dénués de toute tendresse, affection et encore moins d’amour, puis jetée, laissée à sa solitude qui lui en devient plus pesante encore. La dureté de cette relation frappe. Mais étrangement, elle ne se plaint que peu de ce statut fort peu enviable qui ne semble lui apporter que de la souffrance, de l’angoisse et même la perte de son identité, de sa vie (ce qu’elle reconnaît malgré tout à demi-mot malgré le déni dans lequel elle semble vivre) et paraît s’y complaire masochistement (« j’évitais les occasions qui pouvaient m’arracher à mon obsession. » ; « Je ne voulais pas détourner mon esprit vers autre chose que l’attente de A: ne pas gâcher celle-ci »)

Compte tenu de son féminisme revendiqué, son comportement si soumis et son abnégation d’elle-même semblent encore plus incongrus. Ici l’on pourrait se poser de l’instinct masochiste de la femme : pourquoi rester avec un tel homme, pourquoi souffrir ? Le syndrôme « fifty shades of grey » peut-être ?! (on comprendra bien que nulle association entre le talent littéraire d’Ernaux et le précédent ouvrage cité n’est ici faite !).

Sexualité patriarcale

Et puis momentanément quelques éclairs de lucidité la traversent comme lorsqu’elle réalise que on amant est en fait « d’abord soucieux de sa carrière, avec des accès d’érotisme… » et qu’elle se sent alors « délivrée », le verbe renvoyant directement à la sensation d’emprisonnement de la passion.
Il semble qu’elle ne comprenne pas vraiment elle-même ce qui la pousse à s’accrocher avec autant d’entêtement à cet homme dont elle n’a rien à espérer, et avec qui elle semble, de plus, n’avoir rien en commun, si ce n’est une entente sexuelle (tout du moins c’est tout ce qu’il a à lui offrir, mais est-ce vraiment tout ce qu’elle en attend, elle ne le dit pas explicitement). Une sexualité basée d’ailleurs avant tout sur le plaisir de l’homme, dans la tradition patriarcale. Elle ne se livre pas à l’exercice de la description de l’acte physique mais l’évoque plutôt par petites touches assez crues, de façon encore une fois assez technique (ce qui aura pu choquer à l’époque, pré-Catherine Millet !). Elle note aussi la dimension cérébrale du désir sexuel et semble s’en étonner, alors qu’elle revit en souvenir ses étreintes : « J’avais l’impression de m’abandonner à un plaisir physique, comme si le cerveau, sous l’afflux répété des mêmes images, des mêmes souvenirs, pouvait jouir, qu’il soit un organe sexuel comme les autres. »

Elle dévoile ce culte insensé, cette adulation presque effrayante, qu’elle lui porte allant jusqu’à conserver ses secrétions pour tenter de combler son absence jamais contrebalancée par sa présence jamais rassasiante et toujours frustrante. « Dans cette relation je ne connaissais que la présence ou l’absence. (…) une passion oscillant sans cesse entre « toujours » et « un jour ».
« Tout était manque sans fin, sauf le moment où nous étions ensemble à faire l’amour. »
« Je vivais le plaisir comme une future douleur.

Toutes sortes de choses qu’un oeil extérieur ne peut pas comprendre et jugera avant tout malsain et destructeur, mais qui répondent à la logique « biaisée » et flirtant avec la folie (l’amour fou autre nom de la passion), de la protagoniste.
Mais le jugement moral n’a pas sa place ici comme elle le déclare : « Il m’a semblé que l’écriture devait tendre à cela, cette impression que provoque la scène de l’acte sexuel, cette angoisse et cette stupeur, une suspension du jugement moral. »
Une suspension qui rappelle le « suspension of disbelief » de Coleridge. Il faut accepter de se mettre dans sa tête et de « croire » malgré tout en cette histoire vouée à l’échec, qui semble n’avoir même aucun sens. Mais c’est justement là son intérêt, estime-t-elle en guise de conclusion, alors qu’elle médite sur la signification de cette relation.

Passion simple Annie Ernaux critique analyse

Une femme capable de tout

Il y a probablement dans toute passion, la volonté d’aller au bout de soi-même, de repousser ses limites, de se livrer corps et âme et enfin de ne plus s’appartenir, de s’en remettre à l’autre. Et si l’on tente de poursuivre dans l’analyse/l’interprétation psychologique (de comptoir ?), peut-être aussi la tendance à vouloir ainsi réparer, combler un déséquilibre, manque initial.
Elle le découvre à ses dépens: « J’ai découvert de quoi on peut être capable autant dire de tout. »
Cette réflexion est intéressante quand on se penche sur le cas des femmes -la tendance étant plutôt féminine a priori- sous l’emprise d’hommes violents parfois tortionnaires et assassins, et qui en arrivent à se faire leurs complices et à commettre l’innommable au nom de ces passions qui les lient, souvent à leur corps défendant à eux (cf, sur le thème aussi le dernier film de Maïwenn en 2015 « Mon roi »).
Elle met aussi en relief la façon qu’une femme a de s’investir totalement dans une passion amoureuse, de vivre et de n’exister qu’à travers l’autre, au détriment de tout le reste, y compris son travail et ses propres enfants, tandis que pour l’homme, elle n’est qu’un élément parmi d’autres centres d’intérêt et activités, peut être même juste un défoulement…
« Etait-il possible de désirer, ces choses, n’importe quelle chose, autrement que pour quelqu’un, pour servir l’amour ? »

Différences socio-culturelles

Bien évidemment un livre d’Annie Ernaux n’en serait pas vraiment un si elle n’abordait pas la question des classes sociales et du capital culturel, socio-économique qui selon elle est si déterminant dans nos identités.
Son amant n’échappe pas à sa loupe sociologique alors qu’elle détaille ses goûts « populos » ou « bling bling » pour une télévision de grand divertissement ou encore rouler vite dans des grosses voitures.
Mais étrangement elle qui pourtant a toujours souffert d’un complexe d’infériorité de classe sociale, n’en est pas gênée car elle l’attribue à ses origines étrangères. Il y a peut-être ici un petit syndrôme « Lady Chatterley » où la femme se trouve finalement attirée par ce qui est si éloigné de son monde (ici celui d’une professeur de lettres).
On pense aussi au roman de Philippe Vilain « Pas son genre » qui aborde, d’un point de vue masculin, les différences socio-intellectuelles à travers la relation d’attraction-répulsion entre un professeur de philo et une coiffeuse, mais à l’inverse l’entente physique ne parviendra pas à gommer le fossé culturel.

Construction d’une fiction amoureuse personnelle

Une relation amoureuse, et a fortiori une passion, est d’abord une histoire qu’on se raconte à soi-même. Ce que l’on s’imagine de l’autre, ce que l’on projette comme fantasmes sur lui. Ce que Camille Laurens nommait la « romance nerveuse », terme que l’on doit à Alister (« Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? », 2008) et dont le roman paru en 2008 fait écho à Passion simple. C’est ce que monte à merveille l’auteur ici, alors qu’elle décrit le temps passé à broder, à combler les trous de cette histoire faite avant tout d’absence et d’attente. Cette Pénélope moderne, occupe le temps entre deux rendez-vous, à inventer à son rustre amant des pensées, désirs, sentiments qu’il n’a probablement pas. Tout est propice, sujet à exciter son imaginaire, ses rêveries : chanson (« Les chansons accompagnaient et légitimaient ce que j’étais en train de vivre »), conversation, film (on notera au passage avec plaisir les références aux films français qui jalonnent sa réflexion, signes d’un autre temps, là où on aurait probablement eu une liste de productions américaines dans un roman contemporain…) : La femme d’à côté de truffaut, Loulou de Pialat, Trop Belle pour toi de Blier. « (…) et je restais assise à poursuivre l’un des multiples scénarios… »
Quant aux rencontres amoureuses, elles sont soigneusement mises en scène, chorégraphiées : du choix de ses vêtements-costumes, à l’arrangement des apéritifs. Elle devient actrice jouant son rôle de maîtresse séductrice avec entrain dans le décor de son appartement, de sa chambre à coucher et de son salon dont le désordre post-coïtum est lui-même « une ouvre d’art » à ses yeux.
Et puis, il y a la superstition amoureuse, aussi drôle que pathétique, quand on s’en remet au supernaturel, au mystique à l’ésotérique, aux rituels, pour tenter de nier une ultime fois la réalité, croire que malgré tout, malgré l’évidence, quelque chose est possible, à changer le cours du destin. « Je voulais forcer le présent à redevenir du passé ouvert sur le bonheur. »
Où comme une enfant, elle fait des voeux au vent, lance une pièce et songe à voir une cartomancienne, pour un appel de lui, pour « le retour de l’être aimé » comme l’appellent les marabouts (cf: excellente scène décrite par Calixte Beyala dans « Comment cuisiner son mari à l’africaine » dans la salle d’attente de l’un de ces charlatans pour désespérés de l’amour !).
Jusqu’à que cet immense soufflet finisse par flirter avec la paranoïa et une forme de folie.

Passion simple Annie Ernaux analyse citations

Mise en abyme: l’écrivain dans le récit, le récit en train de s’écrire

Une des particularités enfin du livre, de l’objet textuel a-t-on presque envie de dire tant son « concept » est frappant, est la voix de l’auteur qui se superpose sans cesse à celle de l’amante.
Si parfois le dispositif peut paraître intrusif, ici il ne gêne pas car dés le début, le parti pris est « documentaire », nous ne sommes pas dans une « histoire » au sens traditionnel du terme, avec un début, un milieu, une fin. Il s’agit d’instantanés, de saisir du signifiant.
En commentant son propre travail littéraire, Annie Ernaux rajoute une autre dimension à son récit qui accentue encore la distanciation à son « double » personnage. Elle dit la crainte de l’auteur de voir son oeuvre lui échapper à sa publication, mal interprétée, jugée selon des critères moraux (ce qui ne manqua pas d’arriver) plutôt que littéraires. Elle dit aussi ce que c’est que d’utiliser l’intimité comme matériau littéraire, le risque que cela représente, le passage du privé au public. Au passage, elle en profite pour rectifier un préjugé courant celui d’associer littérature intimiste/écriture de soi pour reprendre l’expression de Camille Laurens avec qui elle partage une filiation certaine: « C’est donc par erreur qu’on assimile celui qui écrit sur sa vie à un exhibitionniste, puisque ce dernier n’a qu’un désir, se montrer et être vu dans le même instant. »

La force du texte est de ne pas chercher à expliquer (ce qui aurait indéniablement verser dans la psychologie de comptoir) et de laisser ainsi au lecteur la place de recevoir, de s’identifier ou d’interpréter ce qui lui est donné à voir. « Le sens de cette passion est de ne pas en avoir, d’avoir été pendant 2 ans la réalité la plus violente qui soit et la moins explicable.. »
Elle saisit ainsi, avec une grande justesse, la complexité psychologique, la vision déformé, logique désaxée qui habitent l’être en proie à la passion, cette terrible maladie dont les anciens avaient déjà si peur et cherchaient à s’en préserver pour la perte de self-contrôle qu’elle impliquait.
Ce qui étonne finalement c’est que malgré le caractère a priori dévastateur de l’expérience, elle semble en retirer malgré tout une certaine satisfaction. Peut-être parce qu’elle sert de source d’inspiration ou tout simplement comme le disait Musset, dans « On ne badine pas avec l’amour » : « On est souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui« . [Alexandra Galakof]

© Buzz littéraire – Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.

————–

Paroles d’Anne Ernaux à propos de l’écriture et de « Passion simple »

* « Je me suis toujours révoltée contre l’assimilation de ma démarche d’écriture à l’autofiction parce que dans le terme même il y a quelque chose de replié sur soi, de fermé au monde. Je n’ai jamais eu envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n’est pas parce que les choses me sont arrivées à moi que je les écris, c’est parce qu’elles sont arrivées, qu’elles ne sont donc pas uniques». » (extrait entretien L’Express -2015)

« Je n’ai rien à voir avec l’autofiction. Dans l’autofiction, il y a beaucoup de fiction, justement. Et justement, ce n’est pas mon objet. Ça ne m’intéresse pas! La littérature est intéressante dans ce qu’elle dit du monde. Ni le mot «auto» ni le mot «fiction» ne m’intéressent. Finalement, je préfère conserver le terme «autobiographie» bien qu’il me soit difficile de l’utiliser. » (extrait entretien L’Express -2008)

« Il s’agissait d’écrire sans souci de ce que « doit » écrire une femme et c’est ainsi que Passion simple a été écrit. (…) La censure la plus grande est celle de la forme ; par exemple, la forme de Passion simple est une énumération de comportements, était-ce « acceptable » ?

Je n’avais jamais écrit sur la passion : pour schématiser, j’étais l’écrivain social. C’était une rupture et la question était : écrire comment ? Je me retrouvais devant une matière neuve et je savais que je n’allais pas écrire une « histoire d’amour », que j’en étais incapable. J’ai été cette femme traversée par cette passion. Que fait-elle ? Que pense-t-elle ? Comment se comporte-t-elle ? C’est cela, Passion simple. Je décris en objectivant tout en employant le « je ». J’écris aussi sur l’écriture de la passion et sur le temps. » (Éditions de la Bibliothèque publique d’information/Centre Pompidou, 2010)